Comment maintenir la productivité des collaborateurs en pleine transition numérique grâce au management compassionnel
Lorsque j’entame une mission de transformation numérique avec mes clients, je les sensibilise systématiquement à un élément essentiel pour la réussite du projet : l’importance de l’humain et de la communication interne. Bien souvent, ce facteur est négligé. Il est pourtant déterminant et aura droit de vie ou de mort sur une transformation réussie. L’incertitude ou l’incompréhension liées à une décision mettent en péril bien des volontés, quand bien même serait-elle justifiée. Face au changement, les collaborateurs d’une entreprise se sentent naturellement en danger, d’autant plus s’il concerne la réorganisation et remettent en question des équilibres hiérarchiques officieux et rabattent les cartes du leadership. De cette incertitude nait bien souvent une baisse de productivité causée par une plus grande distraction des équipes. Que doivent faire les managers dans cette situation ? Comment aider les collaborateurs à rester concentrés sur leur tâches et leurs objectifs tout en les aidant à surmonter le stress que le changement génère ?
Ce que disent les experts du stress lié au changement
La majorité des personnes sont anxieuses et se sentent relativement dépossédées de leur vie face à l’incertitude. La distraction entraîne la distraction qui, à son tour, génère du stress face à cette perte de contrôle. Au sein d’une équipe, ce changement de comportement par l’un de ses membres est perçu de tous et devient vite contagieux. Mais l’impact ne sera pas le même pour tous. Nous sommes inégaux en terme de résilience (capacité pour un corps, un organisme, une organisation ou un système quelconque à retrouver ses propriétés initiales après une altération), et certains auront plus de mal que d’autres reprendre le contrôle. En entreprise, le manager tient désormais un rôle essentiel et doit réfléchir à la manière de soutenir et accompagner ses équipes face à ces problématiques afin de leur permettre de rester concentrés sur leurs tâches. On parle alors de « Management compassionnel » pour reprendre les termes de Rich Fernandez, expert en résilience et fondateur de Wisdom Labs.
Le rôle essentiel du manager dans la conduite du changement
Le manager doit veiller à ce que certains des collaborateurs, plus sensibles au stress que les autres, se démobilisent, ou au contraire que ceux plus résilients fassent preuve de compassion pour ceux-ci. Cela permettra de réduire les tensions qui ne peuvent que se développer si à l’anxiété de la situation s’ajoute l’incompréhension exacerbée au sein des équipes.
Il doit aussi donner plus de flexibilité aux collaborateurs pour organiser leur travail dans ces conditions afin de faire baisser la pression, tout en les encourageants à bien planifier leurs actions et à ce qu’ils s’engagent à rester performants. Il peut ainsi les aider à rester performants grâce à de petits rituels qui peuvent réduire le stress et améliorer la productivité.
Le manager peut aider les collaborateurs à définir les valeurs qui leurs tiennent à coeur afin d’engager tout l’équipe dans une dynamique commune face aux incertitudes : comment chaque personne compte se comporter, quelles règles du vivre ensemble fixer si les tensions deviennent trop importantes. Des études ont ainsi montré que de petits rituels peuvent réduire les stress et améliorer la productivité. Il est aussi possible d’afficher ces valeurs afin de les rappeler à chacun.
Les 6 principes du management compassionnel
- Relativiser le stress. Le stress est une réponse physiologique naturelle face à l’incertitude. Il ne faut donc ni le nier ni lutter contre mais plutôt réfléchir à la manière de l’amoindrir. Le manager joue alors un rôle essentiel par sa capacité à prendre en compte le stress de chacun et à veiller aux moins résilients par une conduite personnalisée de réduction du stress. Il est notamment important que chacun puisse l’exprimer et mettre des mots dessus pour en réduire l’impact, et s’apercevoir surtout qu’il n’est pas le seul à avoir un tel ressenti.
— Ne pas ignorer le ressenti des collaborateurs et comprendre leurs incertitudes. Il est nécessaire de ne pas laisser sous silence les inquiétudes de chacun, car, comme nous l’avons déjà dit, le stress et l’inquiétude sont des signaux naturels. Le manager doit donc les laisser s’exprimer librement en organisant des temps de paroles afin qu’elles ne parasitent pas le temps de travail et ne surtout pas les taire.
— Redonner aux collaborateurs le sentiment de reprendre le contrôle. Le manager doit autant que possible aider les membres de ses équipes à se concentrer sur leurs missions et objectifs. Il doit veiller à ne pas laisser les discussions liées à l’incertitude prendre le pas sur le travail mais aussi faire attention à ce que les plus fragiles n’entraînent pas l’ensemble de l’équipe dans leur sillage.
— Ne pas laisser les incertitudes prendre le pas sur le travail. Face à l’incertitude, de nombreuses personnes se sentent paralysées, incapables d’effectuer sereinement des tâches d’habitudes quotidiennes. Il faut donc lutter contre ce sentiment de paralysie. Le manager doit veiller à être plus présent et disponible dans cette phase de changement. Il doit se faire rassurant mais aussi s’assurer avec doigté que le travail est bien effectué en renforçant ses actions de contrôle de la manière la moins visible possible, afin de ne pas rajouter un stress supplémentaire lié à une surveillance anormale.
— Permettre aux collaborateurs de prendre soin d’eux-même. Le manager n’est certes pas un parent qui dicte à ses enfants le comportement adéquat. Cependant, l’hygiène de vie et l’équilibre personnel sont essentiels pour surmonter les incertitudes. À défaut de s’immiscer dans la vie de chacun, le manager peut mettre en place un certain nombre d’actions visant à permettre aux employés de prendre soin d’eux-même par la pratique d’une activité sportive à la pause médiane, une sieste, ou l’importance d’une alimentation saine. C’est là l’occasion d’essayer de fédérer les équipes par des temps d’échange et de partage. Le manager peut aussi en profiter pour mettre en oeuvre une politique de déconnexion en dehors des heures de travail afin de réduire le stress et favoriser le sommeil des employés.
— Ne pas négliger sa propre anxiété et prendre soin de soi-même. Le manager est en première ligne dès qu’il s’agit d’appuyer la gouvernance de l’entreprise dans sa stratégie de transformation. Il subit donc une pression double, pris en tenaille entre la responsabilité que fait peser la direction sur ses épaules et les attentes de ses équipes. Le manager est un rouage essentiel, la direction doit appliquer ces mêmes principes avec ses managers et favoriser les temps de discussions dans lesquels chacun pourra exprimer ses hésitations et ses solutions face à telle ou telle situation. Le manager doit comprendre ses propres sentiments et se demander : « Quel rôle ai-je envie de jouer ? Qu’y-a-t’il de plus important pour moi ? Quelles sont mes valeurs ? » En étant en phase avec lui-même, le manager réduit sa propre anxiété et le sentiment de perdre lui-même le contrôle.