L’économie de l’Internet des Objets passe par les plateformes

Nicolas Bariteau
The ThinkBlog
5 min readMar 26, 2015

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« Au moment où nos objets quotidiens se connectent de plus en plus à Internet, préparez-vous aux effets de réseau ! » Les entreprises qui fabriquent des produits sont en compétition permanente pour construire des usines toujours plus grandes qui permettent de fabriques des objets toujours moins chers. Mais à partir du moment où ces objets commencent à communiquer une nouvelle économie se met en place. On appelle cela l’effet de réseau — lorsque chaque nouvel utilisateur d’un produit augmente sa valeur. Cet effet se constatait déjà il y a plus d’un siècle suite à l’invention du téléphone. Plus le nombre d’utilisateurs de l’invention de Bell a augmenté, plus elle prit de valeur pour eux. Le téléphone devint une plate-forme pour d’innombrables nouvelles entreprises que son inventeur n’aurait jamais pu imaginer.

Voici ce que nous dit en substance Marshall Van Alstyne dans un entretien mené par Antonio Régalado, senior editor business de la MIT Technology Review, dans une étude intitulée The Internet of Things.

Maintenant que de plus en plus d’objets sont connectés au réseau — éclairages urbains, éoliennes, automobiles — des opportunités se créent de voir émerger de nouvelles plate-formes. Afin de les saisir, certaines entreprises se tournent vers Marshall Van Alstyne, un professeur d’économie à l’université de Boston qui a étudié les économies du spam et des réseaux sociaux pour obtenir des conseils.
Van Alstyne concentre en effet désormais ses recherches sur les économies des plate-formes afin de comprendre pourquoi des entreprises comme Uber, Apple, et Amazon ont tant de réussite — et ce que des entreprises plus traditionnelles fabricant des produits peuvent faire pour les stimuler.

Comment différencier un business traditionnel d’un business orienté plate-forme ?

C’est assez simple. Si vous produisez la valeur, vous êtes une entreprise traditionnelle. Si la valeur est créée en dehors de l’entreprise, vous êtes sur un business de plate-forme. Apple, par exemple, capte 30% de la valeur des applications présentes dans son App Store alors qu’elles sont développées par d’autres entreprises. Van Alstyne définit la plate-forme comme

un espace normé de publication qui permet à ceux qui le souhaitent de s’y connecter, avec un modèle de gouvernance qui en définit le fonctionnement et les bénéfices respectifs. Les business des plate-formes reposent donc sur un échange. Entre des personnes cherchant à effectuer un trajet et des conducteurs pour Uber. Entre des voyageurs et des personnes disposant de chambres disponibles pour Airbnb.

Pour en savoir plus : http://www.slideshare.net/InfoEcon/platform-shift-how-new-business-models-are-changing-the-shape-of-industry

De nouvelles plate-formes vont-elles émerger avec les objets connectés ?

Van Alstyne en est certain. Mais selon lui, il ne faut surtout pas réduire l’idée de plate-forme à une connexion entre plusieurs acteurs.

Déterminer la raison pour laquelle d’autres personnes souhaiteraient l’utiliser pour lui ajouter de la valeur est tout aussi essentiel.

Cela revient souvent à permettre, je dirais même favoriser, son utilisation par d’autres chemins que ceux que vous avez envisagé, et à en élargir les usages au-delà de ce que vous avez pu anticiper. « Si l’on prend l’exemple de l’iPhone, les développeurs ont su tirer parti des fonctionnalités du smartphone pour créer des centaines de milliers d’applications auxquelles Apple n’aurait jamais pensé. C’est aussi ce que l’Internet des objets permet de réaliser. »

Philips Lighting vient de le contacter pour les aider à construire une plate-forme autour de ses ampoules à LED. “Ils développent des séries d’API autour de ces ampoules afin que n’importe qui puisse créer des millions de couleurs, de la reproduction d’une atmosphère romantique aux tonalités du coucher de soleil que vous avez admirées lors d’un précédent voyage. Ou pourquoi pas changer les lumières en fonction des conditions du marché boursier. Tel est l’Internet des objets, et ils l’ouvrent à tout le monde ».

De son côté, Nest Labs, inventeur du thermostat connecté récemment racheté par Google (cf. Quel nouveau business pour les objets connectés ?), développe tout un écosystème de partenaires dont les objets connectés viennent enrichir les services du sien, de Mercedes à Whirlpool et Jawbone.

L’économie des plate-formes est amenée à transformer tout ou partie des secteurs existants, les villes, la santé, l’éducation, etc. Dans la majorité des cas, les modèles de gouvernance n’ont pas été établis.

La densité de population par exemple peut être déterminée grâce aux téléphones mobiles. Les opérateurs téléphoniques possèdent ces données. Comment les inciter à les partager ? Les smartphones possèdent aussi des capteurs qui collectent de nombreuses autres données. Comment évaluer la valeur de chacunes d’entre elles ? Telles sont les règles qu’il reste encore à fixer; et la majorité des discussions liées aux objets connectés tournent autour de ces interrogations. Il faut construire un système économique incitatif globalement.

A quelles conditions les entreprises traditionnelles peuvent-elles faire cette transition ?

Les entreprises traditionnelles doivent revoir leur mode de pensée et leur modèle économique et ont d’extrêmes diffcultés à le faire. Comme le rappelle Van Alstyne :

C’est fascinant. La majorité des entreprises ajoutent de nouvelles fonctions à leurs produits pour vaincre la concurrence. Ils n’ont jamais été dans l’optique d’ajouter de nouvelles communautés ou de prendre en compte l’effet de réseau pour développer leur business. Pour moi, le business model des plate-formes ressemble à un jeu d’échec en 3D.

Environ la moitié des 20 premières entreprises mondiales, comme Google, possèdent des plate-formes. Pourquoi ces entreprises semblent-elles l’emporter sur les autres ? Un argument revient fréquemment : les plate-formes l’emportent toujours sur les produits.

Pensez à la manière dont l’iPhone a absorbé les fonctionnalités de l’enregistreur vocal, la calculatrice, et les consoles de jeu vidéo. Avec un produit simple, vous aurez un rythme d’innovation réduit. Mais si vous ouvrez votre produit afin que des tiers puissent lui ajouter de la valeur, en ayant établi les règles de l’écosystème qui vont les motiver, votre courbe d’innovation va s’accélérer.

Cela signifie qu’il y a d’immenses opportunités à saisir pour les nouveaux entrant souhaitant s’emparer du business des entreprises traditionnelles dans de nombreux secteurs. Ou pour celles-ci la possibilité d’élargir leurs parts de marché si elles transforment leur modèle économique.

Originally published at www.nicolasbariteau.com on September 20, 2014.

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Nicolas Bariteau
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Fondateur deNB Consulting — Conseil et formation en stratégie marketing digitale. Curieux insatiable