Calais Update 13/05/2018 (en français)

Pierre Jothy
The Digital Warehouse
8 min readMay 14, 2018

La marche de la solidarité |Le conseil constitutionnel appelé à statuer sur l’accueil des migrants et la fraternité |Ouvrage sur la violence des frontières dans la vie des exilés | Héroïque Lande et Beaux marais en fête| La ministre de l’Europe crée la polémique en parlant de « shopping de l’asile » | Comprendre les nouveaux arrivants | Calais : la ville va clôturer le bois Normandie-Niemen | Tribune d’un avocat du barreau de Paris sur les politiques d’asile et d’immigration

La marche de la solidarité

Mercredi 40 marcheurs ont réalisé l’étape Brignoles-Saint Maximin comme on peut le voir dans cette vidéo de Var Azur TV, une étape marquée par la première réception officielle dans une mairie celle de Tourves. Une réception inattendue dans cette ville qui s’était opposée à l’arrivée de 46 migrants de Calais en 2016. A l’arrivée à Saint Maximin, 250 personnes étaient présentes. Jeudi l’étape permettait de rejoindre Aix en Provence depuis Saint-Maximin. 60 personnes étaient inscrites. La Marseillaise a réalisé un article sur cette étape et l’arrivée à Aix intitulé « la solidarité avec les migrants, ça marche ». L’article rappelle les demandes de marcheurs et marcheuses : « l’ouverture des frontières, la liberté de circulation et d’installation des personnes, la fin du délit de solidarité ». Cette marche sera selon les organisateurs un moyen de donner « un écho important à cette cause, tout en permettant de fédérer tous les réseaux d’aide aux migrants existant sur le territoire français. » Cédric Herrou cité dans l’article déclarait à ce sujet : « Nous voulons montrer que les membres associatifs, militants et citoyens réfléchissent ensemble sur la question migratoire et cherchent des solutions, ce que ne fait pas le gouvernement actuel […] au sein de l’espace Schengen, les marchandises ne sont pas contrôlées alors que les migrants, eux, le sont à chaque frontière ».

L’arrivée à Aix a été une grande réussite avec 700 à 800 personnes pour un moment festif organisé par des associations présentes à Aix (La Cimade, le Café culturel citoyen (3C), le Secours catholique, Amnesty international, la LDH et le collectif Agir ont pris en charge l’organisation de l’étape) et en présence de la batucada brésilienne Metêketu.

L’étape de vendredi a mené les marcheurs et marcheuses à Cabriès (35 personnes inscrites). Samedi les participants sont arrivés à Marseille comme expliqué dans cet article de La Provence. Jean-Baptiste Cayla l’un des participants du collectif d’accueil explique “À Marseille, ce collectif d’accueil s’est formé assez spontanément, avec des gens qui n’ont pas forcément la même vision du monde ni les mêmes idées politiques, mais qui se retrouvent unis dans la même indignation autour de la problématique des migrants, car elle représente une vraie vision de l’Homme […] Ce n’est pas la question des migrants qui clive, c’est la peur, les fantasmes, l’amalgame avec le terrorisme, dans une vision apocalyptique du monde. Mais quand on reste dans le champ de la rationalité, la France accueille bien peu de migrants. Et fondamentalement, ces hommes et ces femmes sont comme nous, […] Il suffit de se rencontrer pour ne plus avoir peur.” Voici une vidéo de La Marseillaise sur l’arrivée à Marseille qui explique les motivations des participants. 1500 personnes étaient présentes pour afficher leur soutien à cette cause.

Le journal Marianne a réalisé un article de 4 pages « en immersion » avec les marcheurs.

Le conseil constitutionnel appelé à statuer sur l’accueil des migrants et la fraternité

La cour de cassation, la plus haute juridiction française, a décidé de renvoyer aux “sages” de la rue de Montpensier, le Conseil constitutionnel, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur deux articles du Code de l’entrée et du séjour des étrangers.

2 militants Cédric Herrou et Pierre-Alain Mannoni ont été condamnés en 2017 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence: le premier à quatre mois de prison avec sursis pour avoir fait passer la frontière à environ 200 migrants et en avoir accueillis chez lui, et le second à deux mois avec sursis, pour avoir accompagné à une gare trois Érythréennes.

Comme expliqué dans cet article, Ils ont attaqué deux articles du Code de l’entrée et du séjour des étrangers: l’article 622–1, qui punit l’aide au séjour irrégulier, et l’article 622–4, qui précise que cette aide ne peut donner lieu à des poursuites lorsqu’elle est le fait de la famille ou “de toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte”. Le texte précise que cette aide consiste “à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci”. »

Cette question prioritaire de constitutionnalité sur laquelle le conseil constitutionnel aura trois mois pour se prononcer renvoie directement au projet de loi “asile et immigration” adopté en avril à l’Assemblée nationale, “le délit de solidarité” avait alors été assoupli, avec l’exemption de sanctions pour les militants qui apporteraient des soins, un hébergement et de la nourriture aux migrants sans qu’il y ait de contrepartie lucrative. Encore “très insuffisant” pour les défenseurs des droits de l’Homme.

Mercredi, Patrice Spinosi, l’avocat de Cédric Herrou a souhaité voir totalement supprimé le “délit de solidarité”. “Nous espérons qu’enfin le Conseil constitutionnel pose en principe que toute aide aux migrants est désintéressée” et ne peut donc faire l’objet d’aucune poursuites. Le Conseil constitutionnel a trois mois pour se prononcer.

Ouvrage sur la violence des frontières dans la vie des exilés

Dans un article d’analyse sur NonFiction, il est question de l’ouvrage de Michel Agier La mort aux frontières de l’Europe : retrouver, identifier, commémorer. Voici un extrait de l’analyse :

Lorsque l’on répète que les personnes fuyant différentes menaces et fléaux pour tenter de mener une meilleure vie en Europe n’ont rien à perdre, on a parfois du mal à envisager ce que cela implique concrètement. « Nous sommes presque des cadavres », dit l’un des « migrants », comme on les appelle, interrogé dans le livre.

Cet ouvrage est la première publication de La collection Bibliothèque des frontières, qui reprend les résultats de Babels, un projet de recherche collective en sciences humaines et sociales dirigé par l’anthropologue Michel Agier. Cet ouvrage rassemble les contributions d’une demi-douzaine de chercheurs sur les « dispositifs violents et meurtriers qui font office de frontières européennes. » Il est notamment question de la fermeture des frontières et de sa conséquence : l’accroissement du nombre de morts, ainsi que de la répression des autorités et leur double discours humanitaire/répression, la criminalisation des passeurs pour détourner le regard de l’opinion publique, la nécessaire commémoration des victimes comme forme de résistance, l’analyse des témoignages sur « l’épreuve de la migration ». Les auteurs concluent en remettant en question ces inégalités dans la mobilité entre les citoyens et le manque d’effet des politiques dissuasives.

Rappel projection Héroïque Lande vendredi 11 mai à 18h45 à l’Alhambra à Calais avec les réalisateurs et événement « Beau-marais en fête » samedi 12 mai de 10h à 17h à Calais

La ministre de l’Europe crée la polémique en parlant de « shopping de l’asile »

La ministre chargée des Affaires européennes avait déclaré au Sénat : “Lorsqu’on arrive du Sud-Soudan, on peut décider de faire du shopping de l’asile et décider qu’on est mieux en Suède qu’en Italie.” Suite à la polémique créée par l’utilisation de cette formule la ministre chargée des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, a déclaré « J’ai utilisé hier lors d’un débat au Sénat l’expression ‘shopping de l’asile’. Cette expression est malheureuse”, ajoutant cependant que L’expression “est pourtant communément utilisée par les institutions et les spécialistes européens du droit d’asile” “Elle désigne une pratique constatée : le fait que contrairement au droit européen en vigueur, certains demandeurs d’asile effectuent leurs démarches non pas dans le pays européen dans lequel ils sont entrés mais dans un autre Etat-membre, en fonction des conditions d’accueil ou de la probabilité de succès de leur démarche.”

Cette expression désigne aussi la pratique consistant pour un demandeur d’asile débouté dans un Etat-membre à introduire une demande dans un autre.

Cette position de la ministre a été très critiquée notamment par la sénatrice écologiste Esther Benbassa, la maire socialiste de Lille Martine Aubry ou encore Le député LREM Matthieu Orphelin qualifiant cette phrase de “formule très malheureuse et surtout si lointaine de la réalité de ces destins brisés”.

Comprendre les nouveaux arrivants

Clique TV revient sur l’initiative de quatre médias européens (The Guardian, El Pais, Der Spiegel et Le Monde) qui ont suivi pendant dix-huit mois le quotidien de migrants dans leurs pays d’accueil et comprendre leur ressenti.

Dans cette vidéo publiée par Le Monde le 10 mai dernier plusieurs questions leur sont posées pour comprendre leur ressenti depuis leur arrivée, la différence entre leurs aspirations avant leur départ et la réalité à leur arrivée, leurs déceptions, mais aussi l’importance du sport et notamment du foot pour plusieurs hommes dans leur nouvelle vie (sur ce sujet Kabubu est une association qui aide les réfugiés à s’intégrer par le sport..) Pour Eileen Mora le « le sentiment de déception — parfois de désillusion — est récurent dans les réponses données. [Mais elle conclut en disant que] ce court reportage offre un œil nouveau sur le quotidien de personnes débutant une nouvelle vie à des milliers de kilomètres de leurs pays d’origine. Un angle d’approche différent qui au-delà de donner une voix à ces réfugiés, les sort des discours victimaires auxquels ils sont parfois cantonnés. »

Pour suivre le projet, rendez-vous sur le site The New Arrivals, ou sur la rubrique « Les Nouveaux Arrivants » Le Monde.

Calais : la ville va clôturer le bois Normandie-Niemen

Comme l’explique La Voix du Nord, après le troisième nettoyage du bois Chico-Mendès en un mois, rue Normandie-Niemen au Beau-Marais à Calais par l’Etat, la maire Natacha Bouchart a décidé d’installer des grilles autour du parc pour compliquer encore la survie des migrants. Le montant des grilles est de 250 000€ et la maire souhaite aussi mettre en place un système de vidéosurveillance. Elle a notamment déclarée que « Les Calaisiens n’ont pas à subir cela et je veux éviter que ce lieu continue de vivre ainsi » La situation des migrants érythréens présents sur le lieu n’est cependant pas évoquée. La création d’un parc urbain sera évoquée lors d’une réunion publique le 17 mai et lors d’une réunion spécifique le 12 juin. (salle Gauguin-Matisse)

Tribune d’un avocat du barreau de Paris sur les politiques d’asile et d’immigration

Vincent Brengarth critique la politique du gouvernement sur l’asile et l’immigration dans un billet de blog sur le Huffington Post intitulé « La société voulue par Macron favorise un traitement inhumain des migrants et le retour de l’identité nationale » En voici un extrait : « Le climat qui entoure le projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile oppresse, tant il érige l’étranger en ennemi d’une nation qu’il viendrait fragiliser. […]Le délit de solidarité […] est surtout symptomatique d’une société qui contraint à la déshumanisation au nom de principes qui vont à l’encontre de valeurs naturelles et auxquelles on ne devrait pas pouvoir déroger. »

Christian Salomé, l’Auberge des Migrants
Pierre Jothy, l’Auberge des Migrants

--

--