5 grandes erreurs stratégiques de design d’expérience utilisateur

Parmi de nombreuses autres… Mais celles-ci sont assez récurrentes.

Mickaël David
Think digital

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Librement inspiré d’une présentation d’Eric Reiss

En terme de stratégie d’expérience utilisateur digital, de nombreux obstacles et tentations se dressent sur le chemin de la bonne décision. Les 5 exemples suivants illustrent les plus récurrents et les plus tenaces d’entre eux, ceux qui nous éloignent irrémédiablement du design centré utilisateur.

EGO

C’est peut-être le poison le plus tenace qui empêche actuellement le digital de grandir et de se structurer convenablement. De nombreux décideurs raisonnent comme ils l’ont toujours fait, à savoir, ce sont eux qui décident, qui ont le dernier mot, et qui imposent leurs visions, faisant fi d’un quelconque avis utilisateur. Comme eux-mêmes ne sont pas ou très peu utilisateurs, ils ne comprennent pas les vrais enjeux du digital et prennent des décisions en suivant leurs instincts. Malheureusement, la part d’instinct dans le digital est aujourd’hui assez minime, et concevoir un site ou une application demande surtout une connaissance poussée des besoins et des comportements du consommateur, pour aboutir à une stratégie digitale pérenne et efficace. Comme ces décideurs sont aussi majoritairement persuadés que leur autorité repose sur le fait d’avoir le dernier mot, la négociation est donc souvent très difficile : les équipes opérationnelles se trouvent contraintes d’exécuter une idée à laquelle elles ne croient pas et les projets qui en résultent :

  • accouchent le plus souvent dans la douleur
  • sont décevants pour les équipes qui ont travaillé dessus
  • sont décevants pour les équipes qui ont acheté le projet
  • sont décevants pour les utilisateurs finaux

Beaucoup de déception pour beaucoup d’énergie consommée, et au final, beaucoup d’argent dépensé.

Il faut quand même savoir qu’en moyenne, lors de la réalisation d’un projet digital, “40% du temps de développement est consacré à l’implémentation et la correction de fonctionnalités non indispensables ”. Un chiffre vertigineux, mais guère étonnant quand on observe le faible intérêt de nombreux sites sur lesquels nous naviguons tous les jours.

Dans la toute récente charte de design digital du gouvernement anglais, le tout dernier point, le point 18, il est expressément demandé de faire tester de bout en bout le service mis en place par le ministre en place. Une façon de l’impliquer en tant qu’utilisateur pour qu’il se rende compte de la qualité de service fournit aux citoyens.

COPYCAT

Autre phénomène, le Copycat : souvent démunies face aux décisions à prendre sur le digital, certaines entreprises préfèrent copier ce qui se fait sur le web, sans malheureusement prendre en compte le contexte, que ce soit celui de la marque ou des utilisateurs.

Un exemple assez parlant que bon nombre d’UX designer ont pu rencontrer vers la fin des années 2000, est ce que j’appelle le syndrome Netvibes. Lancé en 2005, ce dashboard permettait d’agréger en une page tous les flux d’information récoltés de part le web pour pouvoir se créer son propre magazine en ligne. La promesse de l’hyper personnalisation prenait forme, avec en plus une interface ludique, où l’utilisateur pouvait déplacer à la volée les blocs pour réorganiser à sa guise son tableau de bord de données (je sais que cela fait sourire les plus jeunes, mais à l’époque, c’était assez révolutionnaire ☺). Un gimmick tellement apprécié qu’il était systématiquement demandé dans les briefs digitaux : “On aimerait une home page façon Netvibes” (un peu comme notre patron qui aime les poneys ci-dessus). Un choix fonctionnel complètement décorellé d’une quelconque analyse du besoin utilisateur. C’est ainsi que l’on a pu voir émerger des sites e-commerces dotés d’une home page à interface modulable : la marque était alors persuadée que le consommateur allait passer du temps à se créer son univers personnalisé au sein du site. Cherchez l’erreur.

BUZZWORD

Le digital a ses “modes” : lunettes connectées, Big Data, Retargeting…
Si certaines de ces modes sont justifiées, et répondent à une vraie évolution de l’expérience digitale (comme par exemple le responsive design), d’autres, mal exploitées, sont le plus souvent utilisées comme un élément de communication, plus que comme un élément d’amélioration de la présence digitale.

Typiquement, le QR code a été un de ces Buzzwords : balbutiant à ses débuts, il a été vite utilisé à outrance sur tous les supports papiers / packaging / affiche. Une sorte de réflexe qui avait plus une vertue de communication (“On sait faire du digital”) qu’une vertue d’expérience (“Un complément d’information vous attend via ce QR Code”). D’ailleurs, dans la majorité des cas, soit le lien associé redirigeait vers une page sans rapport ou presque (par exemple, la home page VS une page spécifique liée au contexte du QR Code), soit vers une page non optimisée pour le mobile, ce qui est assez gênant pour la lisibilité. Donc, oui pour surfer sur les innovations du moment, mais toujours dans une vision centrée utilisateur : s’il s’avère que cette innovation ne répond en aucun cas à un besoin utilisateur, il ne vaut peut-être mieux pas la mettre en place (même si c’est la mode ☺).

TECH FIRST

La conception orientée technologie prend comme postulat de départ que le monde digital repose sur une révolution industrielle, ce en quoi il est difficile d’être en désaccord. Si la technologie n’est pas maitrisée, de toute façon, l’ensemble de l’expérience s’effondrera. Pas contre, partir des contraintes techniques pour créer une expérience digitale a de grandes chances d’aboutir à une interface hyper rationnelle, avec une utilisation souvent assez complexe. Ce genre d’interface qui vous dit que c’est vous l’erreur.

Cette vision de la conception a longtemps régit la création des logiciels, que l’on accompagnait d’un épais manuel d’utilisation, pour permettre aux utilisateurs de bien comprendre tous les trucs et astuces dudit logiciel. Or, tout le monde sait que les gens adorent les manuels. Ou pas. Donc, oui, bien entendu, la technologie est le socle de toute présence digitale, mais elle ne doit pas être le point de départ d’une réflexion stratégique d’expérience.

FORM FIRST

Le débat entre le beau et l’utilisabilité fait encore souvent rage lors des ateliers de conception d’interfaces digitales. D’un côté, le directeur artistique, gardien de la marque, de ses codes, de l’autre, le designer, gardien quant à lui de la qualité de l’interaction avec la marque. L’expression du beau a beaucoup évolué depuis l’avènement du digital : Facebook, Linked in, Craig’s list, Le Bon Coin, autant d’interfaces à l’esthétique discutable, mais utilisées par des millions de personnes, sans que cela ne les dérangent outre mesure. Quand nous allons sur le web, nous sommes dans une interaction active, nous sommes là pour chercher une information, que ce soit un prix, une news, un post Twitter, etc… Le beau s’exprime bien souvent par la facilité à trouver et lire ces informations, et non par le fait que le visuel du site soit esthétiquement agréable. Ce qui ne veut absolument pas dire qu’il faut faire moche, bien au contraire : une interface agréable à l’oeil va inconsciemment orienter l’utilisateur, qui va accorder un bonus d’utilisabilité à l’interface avant même de l’avoir manipulé.

Pour la petite anecdote, j’ai eu l’occasion de travailler sur la refonte d’un site d’assurance il y a quelques années. Nous avions prototypé l’interface, placé les éléments dans le header, le corps de page, etc… Mais avant de passer en création, l’agence de branding a mis son veto, en décrétant que le logo devait faire une dimension minimum de x pixels sur y pixels. Même après une longue négociation, il a fallu déstructurer le header pour rentrer au chausse-pied ce joli logo.

CONCLUSION

En terme de stratégie d’expérience utilisateur digital, de nombreux obstacles et tentations se dressent sur le chemin de la bonne décision. les 5 exemples ci-dessus ne sont pas mauvais en soi, mais ne doivent pas être exclusifs dans le process de décision. Une bonne expérience digitale doit à la fois répondre aux contraintes techniques et à celles de la marque, elle peut s’inspirer, sans forcément copier, des fonctionnalités déjà présentes sur le web, elle peut surfer sur l’actualité de l’innovation, et elle peut bien sûr bénéficier de l’instinct d’un décideur éclairé.

Mais plus que tout, c’est vraiment l’étude du consommateur qui va guider la réflexion, afin de concevoir un éco-système et une interface qui soient à la fois utiles, simples et efficaces, qui répondent à un vrai besoin, tout en respectant les objectifs de la marque. Et ensuite, il faut itérer, semaines après semaines, pour faire évoluer cette expérience pas à pas, toujours dans le sens à la fois de l’utilisateur et de la marque.

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Mickaël David
Think digital

French Designer // Planet Activist // Anticipation Writer // Video games & Music lover.