Quel designer digital
êtes-vous ?

Fonctionnel, Artiste, Equilibré, Licorne ou Troll ?

Mickaël David
Think digital

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D e la même manière que le mot “Digital” est devenu un véritable fourre-tout dans lequel sont classées de nombreuses actions bien différentes, le designer digital souffre lui aussi d’un manque de précision quant à son périmètre d’action.
(J’avais déjà tenté en 2010 de faire le point sur sujet, mais même à la relecture, tout n’est pas encore très clair).

Par définition, le design est la rencontre de deux mondes que tout oppose, et qui est à l’image de notre cerveau :
- d’un côté, le rationnel, la logique, le fonctionnel
- de l’autre, l’émotionnel, l’artistique, le créatif

Dans un monde idéal, tous les designers devraient se situer à la croisée des chemins entre ces deux façons de penser, mais ce n’est pas toujours aussi simple, et beaucoup ont souvent une sensibilité avec laquelle ils sont le plus à l’aise. Sensibilité qu’il est primordiale de déterminer en fonction du type de projet à mener.

Lors des différents entretiens d’embauche que je peux mener, je me sers d’un schéma pour appréhender cette caractéristique, représenté ci-dessous comme un demi disque, avec sur le côté gauche le fonctionnel, et sur la droite, l’artistique.

Selon le profil et la sensibilité de la personne, elle est située quelque part sur une zone de ce disque.

Trois grandes tendances se dégagent :

Le Fonctionnel

Le Fonctionnel prend un soin tout particulier à classer les éléments. Il apprécie notamment les exercices complexes de taxonomie, et il considère qu’une bonne interface doit avant toute chose être bien structurée. Il va respecter scrupuleusement les notions d’ergonomie et d’affordance, mais ne sera pas forcément très à l’aise avec la manipulation d’une charte graphique.

“ [Le Fonctionnel] considère qu’une bonne interface
doit avant toute chose être bien structurée. ”

Il peut aussi avoir tendance à reproduire des structures existantes plutôt que de chercher à challenger l’expérience. C’est un profil endurant, qui peut passer beaucoup de temps sur une même problématique.

Points forts : rationnel, structuré, endurant
Point faible : peu créatif, a tendance à sécuriser le projet en reproduisant des expériences existantes
Type de projet : Intranet, extranet, outils métiers, et tous les projets avec beaucoup de données à structurer

L’Artiste

L’Artiste a une sensibilité émotionnelle qu’il va vouloir exprimer sur l’expérience digitale qu’il conçoit. Créatif dans l’âme, il cherche continuellement à repousser les limites d’une interface pour la rendre graphiquement esthétique et dans l’air du temps. Il manipule aisément les notions de charte graphique et d’univers de marque, mais pourra parfois faire l’impasse sur certaines notions élémentaires d’ergonomie ou d’affordance.

“ [L’Artiste] cherche continuellement à repousser les limites
d’une interface pour la rendre graphiquement esthétique”

Il apprécie particulièrement l’innovation, ce qui peut aussi aboutir à des expériences difficilement compréhensibles par l’utilisateur moyen. Toujours à la recherche de nouveaux challenges, il peut s’essouffler s’il travaille trop longtemps sur le même projet, ou sur des projets trop orientés “données”.

Points forts : créatif, toujours à la recherche de nouvelles idées graphiques ou fonctionnelles
Point faible : peut parfois trop favoriser l’esthétique à l’utilisabilité
Type de projet : site vitrine, site produit, expérience interactive

L’Equilibré

C’est par définition le profil idéal du designer d’expérience digital. A l’aise à la fois sur les problématiques fonctionnelles et/ou artistiques, il est capable de prendre en compte dans sa conception un maximum d’éléments, en adaptant sa réflexion en fonction du projet : plus fonctionnel pour certains, plus artistique pour d’autres. Et surtout, il est capable de mettre de côté son avis pour se concentrer sur l’étude et l’observation afin de prendre les décisions les plus objectives possibles.

“ [L’Equilibré] est capable de mettre de côté son avis pour se concentrer sur l’étude et l’observation afin de prendre les décisions les plus objectives possibles. ”

Il a une vue d’ensemble, et raisonne expérience globale plutôt que page à page. Sans cesse dans le compromis, il doit trouver un juste milieu pour satisfaire tous les protagonistes du projet.

Points forts : ne laisse pas son propre jugement altérer la conception de l’expérience
Point faible : trop de compromis peut mener à une interface qui manque d’aspérités
Type de projet : tout type d’expérience digitale à la fois complexe et créative

Ensuite, il est possible de positionner ces différents profils en fonction de leurs séniorités, du plus junior à l’extérieur, au plus senior vers l’intérieur.

Ce qui nous amène à la découverte d’un nouveau profil : la Licorne

La Licorne

Très recherchée par les entreprises, elle est pour beaucoup un mythe, et peu en ont croisé. Stade ultime du pokemon designer, la Licorne est un OVNI qui maîtrise à peu près toutes les compétences digitales, technologiques, fonctionnelles, artistiques : Elle peut mener une réunion et convaincre des clients, créer des wireframes, conduire des recherches utilisateur, coder en CSS3 et jQuery, comprendre les problématiques marketing, être visionnaire comme Steve Jobs, peindre comme Picasso…

“ Très recherchée par les entreprises,
[la Licorne] est pour beaucoup un mythe, et peu en ont croisé. ”

C’est le manager de design d’expérience parfait, qui pourra mener une équipe hétéroclite de designers ayant des sensibilités diverses et variées.

Points forts : totale maîtrise de toutes les expertises
Point faible : n’existe pas :)

Bonus : le Troll

Malheureusement, le Troll est partout. Animé par son manque de reconnaissance, il pense que le fait d’avoir le dernier mot permettra de le valoriser. En design digital, il est facile à reconnaitre : empêtré dans ses convictions, le Troll a très peu d’empathie, et il est incapable d’avoir une vue d’ensemble. Il essaye toujours d’imposer son avis, plutôt que d’analyser l’utilisateur et ses besoins. Il a souvent son site ou son application du moment et ne pense qu’à une chose, c’est de reproduire LA fonctionnalité sans prendre en compte le contexte.

“ [Le Troll] a très peu d’empathie, et il est incapable d’avoir une vue d’ensemble.
Il essaye toujours d’imposer son avis,
plutôt que d’analyser l’utilisateur et ses besoins.”

En workshop, il remet en question toutes les décisions juste pour montrer qu’il a un avis, et son argumentation est souvent vague ou peu convaincante, frôlant parfois le point Godwin. On est très loin du design d’expérience centré utilisateur.

Points forts : aucun
Point faible : énergivore, chronophage

Parcours personnel

Pour finir, une application pratique de ce schéma : ci-dessus est représenté ce que je considère être mon parcours et mon évolution en tant que designer digital.

  1. Issu d’une formation d’ingénieur, mon premier poste était architecte de l’information, avec une forte sensibilité pour la structuration de données.
  2. Puis, au fur et à mesure des années, au contact de profils plus créatifs, j’ai pu évoluer en ouvrant le champs de réflexion vers un design centré utilisateur.
  3. Enfin, ces dernières années m’ont permis d’approfondir les connaissances, pour gagner en séniorité et améliorer l’expertise en design thinking : user research, customer experience, user test…

Et vous, quel designer digital êtes-vous ?

Keep in touch !

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Mickaël David
Think digital

French Designer // Planet Activist // Anticipation Writer // Video games & Music lover.