Les participants au Tour Ticket for Change 2015 envoient une vague d’énergie à Emmanuel Faber, DG du groupe Danone, pour l’encourager à continuer sur ses chemins de traverse et son chemin de crête entre économique et social.

Changer le monde en travaillant dans une grande entreprise, c’est possible ?

Matthieu Dardaillon
Ticket for Change Stories
6 min readFeb 15, 2016

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Depuis toujours, je suis obsédé à l’idée d’avoir le plus grand impact positif, de me sentir le plus utile, de faire une différence dans le monde, par mon travail. J’ai toujours eu envie de me lever le matin en étant excité, et de me coucher en étant fier de ce à quoi j’ai contribué pendant ma journée.

J’ai fait mes choix d’orientation en fonction de ça. J’ai longtemps hésité entre la médecine, l’humanitaire, la politique et le monde de l’entreprise. J’ai finalement choisi d’étudier en école de commerce — ce qui peut paraitre paradoxal — car j’ai eu assez vite l’intuition que « les entreprises dirigent le monde » (« business rules the world ») : les entreprises ont une influence immense sur notre vie quotidienne, et probablement de plus en plus, alors que celle du politique décline. Et force est de constater que cet impact peut être considérablement négatif (pollution, exploitation des ressources naturelles, stress, mal-être, inégalités…), ou fondamentalement positif (création d’emplois, dynamique de création de richesses, de lutte contre la pauvreté, d’inclusion du plus grand nombre…).

Alors j’ai eu envie de voir quel rôle je pouvais jouer pour contribuer à aider les entrepreneurs et les entreprises à avoir un impact fondamentalement positif sur la société, tout en gagnant de l’argent pour assurer leur pérennité.

Lors d’une exploration de plusieurs mois — racontée avec Jonas Guyot dans le livre A la rencontre des entrepreneurs qui changent le monde (Rue de l’Echiquier, 2014) — j’ai découvert le concept de social business : j’ai découvert que certaines entreprises — de plus en plus — utilisaient la performance et le profit au service de la résolution de problème de société.

De nombreux pionniers sont déjà en action. Il y a les entrepreneurs bien sûr, qui créent à partir de rien.

Et puis, il y a les intrapreneurs, qui font le choix de « changer les choses de là où ils sont » : ils cherchent à faire bouger les lignes au sein de leur entreprise (notamment chez Danone, Renault, Schneider Electric ou Leroy Merlin), car ils sentent qu’ils ont un plus fort levier d’impact dans une organisation déjà existante.

Si l’on utilise une image, on pourrait dire que, plutôt que de partir seuls dans une petite barque à la manière des entrepreneurs, les intrapreneurs ont pour ambition de faire tourner de 2 ou 3 degrés la direction d’un paquebot de dizaines de milliers de collaborateurs. Ils ont choisi d’être à la fois salariés, entrepreneurs et innovateurs sociaux.

« Etre intrapreneur, c’est vouloir changer les choses de là où on est. »

Nicolas Cordier, Leroy Merlin

Je suis personnellement convaincu que la transformation du monde se fera avec les entreprises. Que pour changer les choses, il faut aussi changer le système de l’intérieur, et collaborer avec ceux qui ont la capacité à développer des solutions à grande échelle.

Après avoir accompagné des dizaines d’entrepreneurs du changement dans leurs premiers pas avec Ticket for Change, cette thématique des intrapreneurs m’intéresse de plus en plus. Et ce pour plusieurs raisons :

  1. Nous avons changé d’époque, et les entreprises qui misent encore sur une innovation élitiste et insulaire qui viendrait de quelques brillants cerveaux — souvent éloignés des clients et des employés — sont en danger de survie, concurrencés par les croissances à deux chiffres des Uber, AirBnB et autres BlaBlaCar… L’intrapreneuriat permet aux transformations d’émerger de « n’importe où » dans l’organisation : il permet à des salariés, quelque soit leur niveau hiérarchique et leur fonction, d’améliorer l’existant, en étant au plus près de la réalité des problèmes qu’ils veulent résoudre.
  2. En grandissant et en se structurant, les organisations ont une tendance naturelle à perdre en agilité et en capacité d’innovation. Les comportements valorisés avec le temps sont de plus en plus ceux des managers et gestionnaires, qui cherchent à améliorer l’existant, mais ne remettent pas forcément en question les manières de faire. Or, une innovation est par définition « une désobéissance réussie ». Les intrapreneurs apportent, eux, des « déviances positives », comportements qui sont à l’origine de la très grande majorité d’innovations de rupture.
  3. Toute entreprise coupée de ses parties-prenantes n’est pas durable. Une entreprise a besoin d’être connectée avec les acteurs du monde dans lequel elle opère, ce qui est parfois complexe dans des organisations très cloisonnées. Les intrapreneurs du changement sont des ponts et des facilitateurs entre les mondes, et notamment avec l’externe (partenaires associatifs, start-ups, acteurs publics), grâce à leurs approches ouvertes de co-création, ce qui est créateur de valeur aussi pour leurs parties prenantes directes (clients, salariés, actionnaires).
  4. Les intrapreneurs du changement incarnent la nécessaire réconciliation entre économique et social (au lieu de les opposer), à la fois à un niveau opérationnel, concret, tangible, et non dans les grands discours, les intentions et incantations ; et pragmatique, avec des initiatives liées au coeur de métier de l’entreprise, dans un souci d’innovation, et pas en marge pour des enjeux d’image. Ils prouvent, à leur échelle, qu’il est possible de faire rimer sens et performance.

« L’intrapreneur social est un double innovateur, intrapreneur ET social »

François Rouvier, Renault Mobiliz

Les pionniers que j’ai eu la chance de rencontrer sur mon parcours me font croire que les entreprises possèdent des leviers considérables pour apporter des solutions novatrices aux problèmes du monde, grâce à leurs savoir-faire, leurs ressources financières et leurs présences locales et globales. Mais il faut mettre en mouvement beaucoup plus d’acteurs pour que ce phénomène émergeant passe à l’échelle.

C’est pourquoi nous avons créé Corporate for Change, avec la mission d’activer les talents dans les entreprises pour les aider à se transformer et être adaptées au monde qui vient. Notre but : qu’elles deviennent plus agiles, plus innovantes et plus responsables afin d’accroitre leur impact positif sur la société.

Nous le voyons au quotidien : les entreprises ont souvent besoin d’activateurs externes pour insuffler des dynamiques en interne ; elles ont besoin de nouveaux regards, d’expériences-déclic et d’outils concrets à s’approprier : c’est toute notre ambition.

Nous croyons fortement à la preuve par l’exemple : mettre en lumière de pionniers qui prouvent que « c’est possible » pourra donner envie à d’autres de faire le premier pas, ce qui inspirera de nombreux autres à contribuer aussi au mouvement !

Emmanuel Faber accompagné par les 2 intrapreneurs du groupe Danone ayant participé au Tour 2015, Marisa Pedrosa et Antoine de Vaubernier.

« L’économique sans le social, c’est de la barbarie ; le social sans l’économique, c’est de l’utopie »

Emmanuel Faber, DG Danone

Nous avons mis en place plusieurs actions pour « diffuser le virus » dans le plus grand nombre d’entreprises :

  1. Une Intrapreneurship Fest, événement d’une journée qui aura lieu le 9 mars 2016 à Paris pour vivre une expérience « Vis-ma-vie d’intrapreneur » et créer des vocations grâce à des immersions terrain et l’accompagnement d’experts. Encore quelques places disponibles
  2. Un MOOC « Devenir entrepreneur du changement » créé avec HEC Paris, permettant de découvrir 55 pionniers inspirant et de permettre à chacun de trouver sa voie entre entrepreneuriat et intrapreneuriat. En moins d’un an, ce sont plus de 35 000 personnes de 160 pays qui se sont inscrits à la formation gratuite… dépassant totalement ce que nous imagions.
  3. Un Programme Intrapreneur de 6 mois, permettant d’accélérer les premiers pas de salariés ayant une idée de social business à créer au sein de leur entreprise, avec le soutien de leur hiérarchie. En 2015, nous avons accompagné 8 intrapreneurs (Danone, BNP Paribas, PwC, Cegid, Valrhona…), en 2016, nous en accompagnerons 20. Inscriptions à partir du 9 mars.
  4. Et enfin, des programmes sur mesure pour diffuser une culture de l’intrapreneuriat et de l’innovation sociale au sein d’une entreprise. Expérimentation en cours chez Orange, et à venir dans d’autres grands groupes !

Et si vous changiez le monde en étant salarié ?

Toute transformation commence par un premier pas. L’Intrapreneurship Fest a été conçue pour ça… A très vite pour rencontrer les pionniers du mouvement en France !

RDV le 9 mars pour la 1ère Intrapreneurship Fest !

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Matthieu Dardaillon
Ticket for Change Stories

Dreamer & Doer. Founder @TicketforChange. Mission : activate talents to solve problems. MOOC with @HEC. Book @DChangemakers. Graduated @ESCPeurope.