#HumansOfMovement #81 (4/7)

Tido — tell it differently !
Tido Media
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3 min readFeb 8, 2021

“Pour moi, ce diplôme d’aptitude à l’enseignement en français, c’était la fin d’une quête. Ça y était, j’avais trouvé ma voie, j’avais trouvé le truc que j’aimais faire. Au début, ça se passait bien, surtout avec les élèves, c’était génial. D’un point de vue administratif, c’était plus compliqué. Les boîtes qui enseignent le français à des personnes qui viennent d’arriver en France vivent des subventions que leur verse l’administration française. Et ils essaient de se faire le plus d’argent possible, donc tu peux vite te retrouver à faire du gardiennage, tu remplis des salles, pour que les boîtes fassent plus de marge. Du coup tu ne fais pas du bon travail de professeur. En plus, tu as beaucoup de dossiers administratifs à remplir, pour justifier des subventions justement, donc tu n’as pas le temps de faire des bons cours. Un jour, au bout de 3 semaines dans ce nouveau travail, on est convoqués au siège. Le matin déjà il s’était passé quelque chose de bizarre. J’avais vu un homme, un élève, dans le couloir. Je suis allée le voir pour lui demander s’il cherchait son cours, et il m’a répondu que non, qu’il était puni — on parle d’une personne adulte là, hein ? Il m’explique que la veille, il avait prévenu qu’il allait arriver en retard, parce qu’il avait un rendez-vous administratif important. Mais personne à l’école n’a pris ça en compte. Et donc il a été puni, comme un enfant. Ensuite, je suis arrivée avec mes collègues au rendez-vous avec le directeur de la boîte avec une dizaine de minutes de retard. C’était à l’autre bout de Paris et on avait été retenus dans les transports. On s’est fait embobiner comme des enfants pour notre retard, et ensuite parce qu’on avait mal rempli les fiches de présence. J’ai expliqué à notre directeur, qui nous rencontrait pour la première fois, que certaines cases n’étaient pas parfaitement remplies parce que certains élèves n’avaient jamais tenu de stylo de leur vie, et que donc ils avaient parfois du mal à signer dans une toute petite case. Et là il explose. Il me hurle dessus, en se rapprochant très près de moi, en m’insultant et en me disant que j’étais une incompétente. Devant tout le monde. Je lui ai dit ce que je pensais de lui, j’ai remballé mes affaires et je suis partie. J’étais en vacances ce soir là. Je les ai passées à faire des cauchemars d’agression la nuit, et quand je suis revenue à Paris, je me suis rendue compte que je ne pouvais pas retourner travailler. Ça me semblait impossible. Je suis allée voir ma toubib, qui m’a dit que je faisais une dépression, qu’il était hors de question que je retourne travailler, et qu’on allait me soigner.”

Interview : Emma Broughton
#tellitdifferently

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