Robert Fopa d’AICSF (Association Internationale Culture Sans Frontières)

#acteursduchangement #31

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Tido Media
8 min readSep 23, 2020

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Rachel (R) : Comment aimes-tu qu’on te présente ?

Robert (Ro) : Je suis éducateur spécialisé. Ma mission consiste à l’accompagnement et l’insertion sociale de jeunes. En parallèle, j’ai créé il y a une trentaine d’années l’Association Internationale Culture Sans Frontières (AICSF), association loi 1901 à but non lucratif, dont les missions sont les suivantes : recherche, création, promotion et sauvegarde du patrimoine culturel des peuples en respectant leurs spécificités.

les missions sont les suivantes : recherche, création, promotion et sauvegarde du patrimoine culturel des peuples en respectant leurs spécificités.

Je suis un trait d’union entre les acteurs de solidarité internationale ici — à Paris, le quartier, où tu vis et dors — et là-bas — d’où tu viens. Je suis une personne qui met en scène ce monde là pour qu’ensemble on participe à la reconstitution de la mémoire culturelle des peuples qui ont été longtemps oubliés dans leurs origines et racines pour mieux vivre ensemble. Si tu ne sais pas d’où tu viens, tu ne peux pas savoir où tu vas. C’est un peu ce qui est suggéré à tout acteur du développement qui s’inscrit dans la dynamique d’éducation à la citoyenneté : de prendre symboliquement la posture d’un caméléon, de prendre la couleur de l’espace où il est.

si tu ne sais pas d’où tu viens, tu ne peux pas savoir où tu vas.

R : Présente-moi ton projet en quelques mots

Ro : L’association casse les barrières de l’ignorance humaine. Le but étant d’aménager un cadre d’accueil, d’encadrement et d’orientation des publics qui viennent de tous horizons : culturel, familial, social, économique et politique.

Elle dispose de deux activités principales : la première est tournée autour de l’accès à la connaissance et au savoir pour des personnes qui ont des difficultés à y accéder, ; à travers un outil pédagogique incontournable qu’est le livre.

Le livre donne la possibilité de s’informer, de se former, de communiquer et de se rencontrer autour de cet outil pédagogique pour reconstituer leur mémoire culturelle, et pour mieux vivre ensemble. On a appelé ce projet : Le projetthème qui nous permet de travailler cette activité s’appelle « une bibliothèque dans un village ». Un village peut être un quartier d’une ville comme un village dans un pays en développement. On est tous issus d’un village. L’aménagement d’une bibliothèque signifie que nous allons travailler avec l’existant (locaux d’un habitant ou d’une municipalité). Nous allons l’aménager pour que les personnes puissent s’y rencontrer et créer des activités artistiques et culturelles, économiques, sociales, familiales et des rencontres inter- générationnelles. Cela peut nous conduire à l’aménagement d’un centre socio-culturel dans le village ou dans le quartier, et ainsi il va permettre la rencontre intergénérationnelle. Cela s’inscrit dans la dynamique du développement social localisé en prenant en compte la participation des acteurs locaux. Cela sensibilise les opérateurs économiques, les populations, les artisans, les familles, les jeunes et moins jeunes et puis, surtout, l’autorité administrative ou traditionnelle de ce village. Ils réfléchissent ensemble au développement à travers l’outil du livre.

On est tous issus d’un village.

Cela nous a amené à développer plusieurs centres de lecture dans les pays d’origine de l’immigration. Cela nous a permis également de sensibiliser ceux qui sont ici pour qu’ils réfléchissent au bien-être ici, parce que dans l’esprit de s’inscrire dans la dynamique d’éducation à la citoyenneté parce que ce bien-être ici va conditionner le bien-être là-bas. Donc on réfléchit globalement, pour développer localement. Nous avons ainsi mis en rapport les jeunes d’ici et là-bas. C’est une activité de nourriture spirituelle : s’ouvrir pour aller à la rencontre de l’autre.

La deuxième activité est autour de la nourriture du ventre. Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es. On part du principe que la cuisine est la première porte pour aller vers l’autre. Les recettes de cuisine contenues dans un livre vous invitent au voyage pour aller rencontrer l’autre. L’autre est une promesse. Lorsqu’on l’invite à notre table qui est de l’inviter à notre table pour partager la même recette, on créé un parce que le repas est un moment de rencontre, de partage, d’échange et de découverte. A travers ces valeurs humaines, familiales, culturelles, sociales, économiques et politiques.

Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es.

L’accent est mis sur la culture comme levier économique de développement. La nourriture spirituelle s’inscrit dans ce que nous avons créé autour de la nourriture du ventre. On part du principe que tout va se dérouler autour de l’amusement en se basant sur la philosophie d’un sage africain, Amadou Hampâté Bâ qui dit : « si tu dis que tu es sérieux, c’est vraiment que tu n’es pas sérieux ». En d’autres termes, la vie est une mise en scène. Chacun d’entre nous est un acteur social, à chaque événement il se met en scène.

Nous avons créé une marque autour de laquelle tout ce que j’ai dit s’organise. Cette marque s’appelle : “Marmite d’Or des cuisines du monde”. Cela s’adresse à des professionnels des cuisines du monde qui vont avoir pour objectif de rencontrer l’autre pour mieux vivre ensemble.

Il y a plusieurs conditions :

  • L’adhésion à cette manière de faire : esprit d’initiative, engagement et militantisme. Il faut être déterminé et croire en soi et en l’autre
  • L’engagement : mettre le livre et la cuisine autour de la table et organiser des animations autour de cela
  • Le militantisme : les professionnels présentent ce qu’ils savent faire pour initier les autres à s’inscrire dans cet dynamique pour qu’ensemble on créé s’inscrive dans la création des outils pédagogiques pour construire les éléments de transmission de la mémoire culturelle, des valeurs humaines aux générations à venir.

R : Quel est ton rôle au sein de l’organisation ?

Ro: Être à l’écoute de l’autre, comprendre sans juger ni condamner et accompagner suivant l’identification des besoins essentiels, être avec, pas à la place ni pour.

R : Comment en es-tu venu à faire cela ?

Ro : C’est la suite logique de mon éducation. Je suis issu d’une famille nombreuse. Mon père avait trois femmes et depuis tout petit j’étais déjà initié à cet esprit d’ouverture. Le nom qu’on donne aux enfants à la naissance indiquent, l’éducation à donner à l’enfant est donnée en fonction de cela et de la place qu’ils doivent occuper au sein de la famille. L’évolution de cette éducation va faire que cet enfant va grandir avec cet état d’esprit et il va être ce qu’il est parce qu’il est le résultat de l’inné et de l’acquis. Aujourd’hui, je suis celui qui va transmettre aux générations futures ce que j’ai reçu depuis l’enfance. Chacun d’entre nous a quelque chose à faire passer, à partager avec son semblable : juste l’ouverture d’esprit et l’estime de soi conditionnent le fait d’être égal à soi même.

R : Est-ce que tu pourrais me donner des exemples précis d’activités, que ce soit en lien avec la bibliothèque ou la partie culinaire ?

Ro : Les ateliers de cuisine. On apprend, à travers les recettes de cuisine, la langue de celui qui est porteur de cette recette. On va faire découvrir la recette du pot au feu par exemple. On va apprendre à écrire les différents ingrédients et à les prononcer. Cet atelier mène à l’écriture, à parler des recettes et à raconter des histoires quand on se retrouve autour d’un repas (histoires, contes, chants et danses). Après il y a le concours de la “Marmite d’Or” qui met autour de la table des personnes issues d’univers variés : professionnels de la restauration, de l’hôtellerie, de la communication, du management et de la promotion ou encore du journalisme. Il faut avoir envie de faire découvrir les recettes de cuisine et par la même occasion les histoires que l’on porte. Les plus grands chefs étoilés présentent les recettes enseignées par leurs mères et grand-mères. Cela a été porté par des députés de l’Assemblée Nationale, l’adjoint au maire de Paris chargé de l’Economie Sociale et Solidaire.

Il faut avoir envie de faire découvrir les recettes de cuisine et par la même occasion les histoires que l’on porte.

R : Qu’est-ce que tu veux changer dans la société ?

Ro: Nous avons un slogan qui est le suivant : Concertation, Coordination et Transparence.

R : Qu’est ce que ton travail t’apporte ?

Ro : Le bien-être. Quand l’autre est heureux, je le suis aussi. Le bonheur de l’autre est le mien. Ce n’est pas par hasard que je suis devenu éducateur spécialisé, pour accompagner ceux qui en ont besoin dans l’insertion dans la vie active (travail et logement).

R : Peux-tu nous décrire un aspect génial de l’avenir souhaitable ?

Ro : Quand on a intégré qu’on est don et amour, on donne en amour. Le retour c’est le centuple. Le bonheur tient au fait que l’on est bien dans sa tête, avoir l’esprit léger pour avancer.

R : Comment vous vous positionnez par rapport à d’autres structures comme “Meet My Mama” et “Les Cuistots Migrateurs” ?

Ro : C’est justement ce qui est recherché, cette complémentarité. Il faut de tout pour faire un monde. C’est ce qui est source de richesses. Cela permet la mutualisation des espérances et des compétences pour un développement concerté, coordonné et durable. C’est ce qu’on appelle la coopération décentralisée, la solidarité internationale. Ce n’est pas « pousse toi, je m’installe » mais « qu’est-ce qu’on peut faire ensemble ? ».

Ce n’est pas « pousse toi, je m’installe » mais « qu’est-ce qu’on peut faire ensemble ? »

R : Comment arrivez-vous à avoir un impact là-bas en étant ici ?

Ro : Quand je suis ici, je suis immigré. Quand je rentre là-bas, ils disent que je suis blanc. Il ne faut pas se mentir. L’insertion c’est de prendre l’autre comme il est. Cela permet de casser la désinformation, la prise de conscience de l’évolution contextuelle de la vie.

R : Qui, selon toi, devrait être le sujet de notre prochain portrait ?

Ro : La personne qui timidement a adhéré dans l’esprit d’assurer la promotion culturelle et traditionnelle des peuples en obtenant la 16ème édition de la “Marmite d’Or” des cuisines du monde. C’est la lauréate 2016 qui a opéré un trait d’union entre la cuisine française et les cuisines d’ailleurs avec sa recette. Je pense qu’il serait intéressant de voir comment elle a été motivée et si son histoire rejoint ce que vous venez d’entendre.

Signé : Rachel Priest
Photos : Rachel Priest
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