Interview dans Corse Matin

Comme l’ensemble des Français, les Corses attendent des solutions fortes et déterminées pour lutter contre le déclassement de notre pays, préserver son identité et assurer sa compétitivité

Tout pour la France
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La collectivité unique de Corse, vous en endossez quelque part la paternité ?

Ma conviction n’a pas changé : la collectivité unique, c’est la réforme qui permettra de dynamiser la vie politique locale, en allégeant le poids des structures, dans une Corse qui est pleine d’atouts mais aussi de contraintes.

Mais je suis beaucoup plus réservé sur la méthode employée… Pour répondre au vœu de l’Assemblée de Corse, le gouvernement a choisi la facilité, en créant, au détour d’un amendement à la loi Notre, une collectivité unique qui se substituera aux départements à compter du 1er janvier 2018. La Corse méritait plus qu’un débat en catimini.

Et lorsqu’on ne pose pas tous les sujets, les questions demeurent : comment assurer que les territoires de la Corse aux spécificités si diverses, entre les villages de la montagne et les villes du littoral, seront équitablement représentés et écoutés ? Comment envisager la situation des personnels des conseils départementaux ? Certes, il est créé une « chambre des territoires » mais qui en comprend la composition et les compétences ? Dans le même temps, on généralise l’intercommunalité à marche forcée sans tenir compte des réalités géographiques de la Corse, sur de purs critères technocratiques.

Donc je dis oui à la collectivité unique, mais pas à n’importe quel prix. La collectivité unique ne doit pas être omnipotente. Je suis soucieux de l’équilibre. Pour cela, il faut une intercommunalité qui repose sur de vrais bassins de vie, dans lesquels les communes partagent une vision commune. Il faut aussi créer une instance de dialogue avec les élus de proximité qui ne soit pas cette cote mal taillée, en lui donnant une représentativité et des compétences. Si on ne répond pas à cette attente, on va au-devant de conflits et de difficultés.

Le contenu des ordonnances et les ressources sont jugés insuffisants. Êtes-vous favorable, vous aussi, à revoir le calendrier électoral, le temps d’élaborer une loi spécifique ?

Je suis hostile à la méthode des ordonnances, en général et tout particulièrement sur ce sujet de la réforme territoriale, qui mérite de la réflexion et de la transparence. Paris est en train de fabriquer par morceaux un statut pour la Corse, qu’il fait valider à coup de compromis politiques. On voit bien d’ailleurs les inquiétudes et les réticences qui entourent ces validations. En réalité, le gouvernement, qui était hostile à ce statut, est entré à reculons dans cette démarche et il veut fuir les questions que susciterait un débat démocratique.

Ce n’est pas à la hauteur de l’enjeu : une fois élu, je proposerai une loi qui porte un nouveau statut de la Corse. Bien sûr qu’il faut que le Parlement en discute, qu’il se prononce sur tous les sujets, même et surtout sur les plus délicats. Si le statut n’est pas validé par un débat parlementaire, il sera battu en brèche comme on le voit aujourd’hui : à l’Assemblée nationale, Charles de Courson a fait supprimer des avantages fiscaux de la Corse au détour du débat budgétaire pour 2017 ! On ne peut plus procéder ainsi.

Avant de la soumettre au Parlement, vous aventureriez-vous à organiser un référendum pour avoir l’assentiment du peuple corse ?

Un referendum est tout sauf une aventure. C’est une démarche démocratique, qui permet au peuple de faire des choix sur des sujets qui le concernent directement. Mais deux majorités successives de l’Assemblée de Corse, depuis deux ans, ont demandé la création de la collectivité unique: il ne serait pas cohérent de vouloir revenir sur cette décision. Il faut maintenant s’atteler à la rédaction d’un projet de statut qui associe toutes les forces vives de la Corse, et qui garantisse un lien de proximité des corses avec leurs élus.

En un mot, êtes-vous prêt à donner à la Corse un vrai statut d’autonomie avec une fiscalité propre et un pouvoir d’adaptation législative qui ne soit pas qu’expérimental ?

J’entends à présent parler d’autonomie par des responsables politiques qui y ont toujours été hostiles. Il ne suffit pas de dire qu’on veut bien donner un peu- ou un peu plus — d’autonomie à la Corse. Pour quoi faire, et comment ? Là aussi il faut tirer les leçons de l’expérience. En 2011, parce que l’Assemblée de Corse le demandait à l’unanimité, j’ai fait expertiser la question du transfert de compétence fiscale à la Corse, sur les droits de succession : la réponse du Conseil d’Etat a été claire, un tel transfert passe par l’inscription de l’existence d’un statut particulier pour la Corse.

Je veux pour la Corse un statut fiscal et social qui corresponde enfin à ses réalités. J’ai défendu moi-même, pendant des années, les arrêtés Miot, les taux de TVA, les droits d’accise insulaires auprès de Bruxelles, et c’est un combat sans fin. Je veux que l’on puisse stabiliser dans la loi des mesures fiscales et sociales spécifiques, justifiées par la situation de la Corse. Il faut en finir avec le bricolage : aujourd’hui après quatre années où on a expliqué aux corses qu’ils n’avaient rien à demander à la République, voilà que le gouvernement cherche à augmenter le taux des crédits d’impôt pour investissements, mais seulement pour les très petites entreprises, ou bien voilà qu’il veut brusquement prolonger les arrêtés Miot qu’il voulait abroger ; où est la cohérence de ces mesures ? Où est la vision d’avenir de la Corse ?

Eh bien, je souhaite qu’on puisse inscrire la spécificité insulaire de la Corse dans la Constitution. Veut-on que la Corse puisse fixer elle-même des règles qui aujourd’hui relèvent de l’Etat, telles que celles de l’imposition des successions ? Ce sera l’objet d’un deuxième débat, après l’adoption du statut fiscal et social par le Parlement. Transférer à la Corse une ou des compétences fiscales, c’est une décision qui n’est pas anodine, c’est une responsabilité lourde pour les élus, c’est une modification de la Constitution et qui mérite que les corses se prononcent expressément, avant de légiférer.

Pour ses retards en équipements, routes, assainissement, tri et traitement des déchets, etc., faut-il envisager un nouveau dispositif type PEI ? Et pour soutenir les entreprises, l’instauration d’une zone franche comme le suggère Alain Juppé ?

Naturellement, il faut permettre à la Corse de rattraper tous ses retards ; l’exemple du traitement des déchets est le plus criant, depuis des décennies ce sujet empoisonne la vie des habitants de cette île d’une façon tout à fait indigne. Mais ce n’est pas le seul : il est toujours aussi long, après quinze ans de PEI, de rouler d’Ajaccio jusqu’à Bastia ! Ces instruments, le PEI, la zone franche, ont été utiles, mais on fait leur temps. Le PEI était une enveloppe de 2 milliards d’euros pré déterminée au centime près en 2002 pour les 15 années à suivre, ce qui n’était pas un gage d’efficacité ni de souplesse ; pour avoir eu à la gérer pendant dix ans, je sais hélas de quoi je parle ; quant à la zone franche de 1996, même si elle a pu aider la trésorerie des entreprises, elle n’a pas modifié durablement leur environnement. La vraie réponse, c’est la baisse des charges généralisée pour les entreprises que je veux instaurer dès l’été 2017, mais c’est aussi des mesures spécifiquement adaptées à la saisonnalité des activités en Corse. Je vais en discuter au cours de ma visite cette semaine avec les chefs d’entreprise corses, je sais qu’ils ont beaucoup de propositions à faire.

Il y a treize ans, vous disiez que les nationalistes n’étaient plus au centre de l’échiquier politique corse. Aujourd’hui, ils sont au pouvoir. Vous êtes prêt à travailler avec eux ?

Il y a treize ans les nationalistes revendiquaient l’action violente pour imposer leurs idées. Tous les deux jours, on déplorait un attentat. Depuis, la violence politique a cessé en Corse ; c’était un préalable indispensable. C’est un évènement très important. La violence ne peut pas être un argument pour des responsables politiques. Aujourd’hui on doit naturellement travailler avec la collectivité territoriale de Corse, son conseil exécutif et son Assemblée, démocratiquement élus.

Le retrait du FLNC n’a pas été perçu par l’État comme un événement important. Et pour vous ?

Pour les Corses, pour leur quotidien, la paix civile change tout. Pour le rapport à l’Etat également, puisque les impératifs de sûreté ne sont plus le préalable à toute politique de développement.

Estimez-vous légitime que Jean-Guy Talamoni puisse s’exprimer en langue corse à l’assemblée territoriale ou cela vous choque ?

Parler en corse entre élus est courant dans les couloirs de l’Assemblée de Corse. Mais lorsqu’un élu prend la parole devant l’assemblée territoriale, il se doit de parler français, qui est la langue de la République.

Pour autant, il ne faut pas esquiver le débat sur la langue corse. Je voudrais que l’on sorte de la guerre de tranchée entre les tenants et les adversaires de la co-officialité du corse. Quel est l’objectif que nous devons partager ? Il ne s’agit pas de remplacer le français par le corse, mais il faut que le corse demeure une langue vivante, parlée. Soyons lucides : c’est une bataille qui est loin d’être gagnée. Sur les 300 000 habitants de la Corse, même pas un tiers parle le Corse, et qu’en sera-t-il pour leurs enfants. Les moyens doivent être donnés à l’école pour amplifier cet enseignement au lieu de le réduire : je dis cela parce que la réforme du collège, que j’abrogerai, va que compliquer l’enseignement du corse au nom de l’égalitarisme.

Mais il faut aller plus loin : le corse ne doit pas être une langue scolaire, elle doit aussi rester une langue sociale. J’ai été impressionné cet été par l’ampleur et la diversité de la littérature corse sur les rayons des librairies. C’est une vraie richesse. C’est un élément fondateur de l’identité corse. Il faut sortir des dogmes et imaginer de nouveaux outils : je pense par exemple à la création d’un statut de langue « protégée », comme il en existe dans d’autres pays d’Europe, en Italie par exemple. Un statut qui permette de faire progresser vraiment le bilinguisme dans la société. Il faut y travailler activement.

Ce climat d’apaisement pourrait vous inciter à accorder une amnistie comme le réclame une très large majorité d’élus de tous bords ?

J’ai décidé, avec mes amis élus de Corse lors de mon quinquennat, d’opérer le rapprochement en Corse des détenus. Je constate que la gauche n’a pas persévéré dans cette démarche. Je remettrai l’ouvrage sur le métier pour que cette mesure soit effective. Mais il n’y a pas de raison d’effacer purement et simplement les conséquences d’actes criminels. Pensons d’abord aux familles des victimes de ces actes.

L’Exécutif de Corse multiplie les contacts pour établir des liens culturels mais aussi politiques et économiques avec les îles, la Sardaigne et Malte pour commencer. Vous qui vouliez fonder l’Union de la Méditerranée, vous voyez ça d’un très bon œil ?

La Corse, ce n’est pas la périphérie du continent. La Corse, c’est la centralité de la Méditerranée. Je vois que l’exécutif de Corse prend des contacts en effet avec des organisations méditerranéennes, sur des sujets d’intérêt commun : je n’y vois que des avantages. Il faut même amplifier ces démarches, si elles sont coordonnées.

Manuel Valls a mis en avant l’efficacité de son action contre la grande criminalité dans l’île. Les statistiques parlent pour lui. Vous lui reconnaissez au moins ça ?

Si on écoute Manuel Valls, il ne s’est rien passé, pendant dix ans, entre le départ de Lionel Jospin et l’élection de François Hollande. Ce n’est pas tout à fait exact… Ce que je sais, c’est que nous avons lancé, et cela à partir de 2002, une lutte contre la grande criminalité en Corse, qui n’avait jamais –je dis bien jamais- été entreprise auparavant. Ce sont des procédures policières et judiciaires de longue haleine, qui ont duré des années, qui ont demandé beaucoup de moyens, et qui ont commencé à donner des résultats à partir de 2007. Les fruits en sont récoltés encore aujourd’hui et je m’en félicite.

Laurent Marcangeli est un homme politique d’avenir selon Juppé. Peut-il être celui qui va reconquérir le pouvoir territorial dès le prochain scrutin ?

Pour avoir un avenir il faut savoir rassembler tout le monde. Il ne peut y avoir d’avenir pour la droite en Corse que collectif. Et celui qui mènera le combat devra s’appuyer sur tous: Camille de Rocca Serra, Sauveur Gandolfi-Scheit, Stéphanie Grimaldi, Marcel Francisci, Pierre-Jean Luciani ou José Rossi. A eux de faire émerger ensemble une génération nouvelle.

Ils devront collectivement porter un projet. La Corse est certes un territoire de 300 000 habitants, en croissance démographique, avec de fabuleux atouts de patrimoine, de culture, d’identité, mais aussi de grandes fragilités. Les affrontements de cet été à Sisco ont mis en lumière ces difficultés, qu’il ne faut pas se cacher : la Corse doit pouvoir garder son intégrité, ses traditions. Il faut lui permettre un développement qui respecte son identité — je dirais même qui soit construit sur son identité.

Pensez-vous vraiment que rien n’est joué et que vous pouvez encore gagner la primaire ?

Plus que jamais je suis déterminé et confiant. C’est le peuple de France qui tranchera. Le scrutin aura lieu le dimanche 20 novembre. Comme l’ensemble des Français, les Corses attendent des solutions fortes et déterminées pour lutter contre le déclassement de notre pays, préserver son identité et assurer sa compétitivité. Mon projet répond à ces attentes. Ce sera à eux de juger les projets et de se prononcer, entre une véritable alternance que j’incarne qui tournera le dos à 5 années d’impuissance ou à un immobilisme qui nous conduira au final qu’à la continuité.

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