Sébastien co-fondateur des Cuistots Migrateurs

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Tido Media
7 min readMar 29, 2018

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Rachel, Delfina et Daouda: Dans un premier temps est-ce que tu pourrais te présenter et dans un second temps nous parler des Cuistots Migrateurs ?”

“Sébastien : Je m’appelle Sébastien Prunier, je suis le co-fondateur des Cuistots Migrateurs, j’ai 30 ans. Donc un jeune entrepreneur. On a créé les Cuistots Migrateurs il y a 2 ans avec un ami, Louis Jacquot, dans la panique médiatique de la crise migratoire. On s’est dit qu’on comprenait la peur que pouvait générer le flux migratoire mais qu’il y avait des choses positives qui pouvaient en émerger et l’une d’elle c’est l’arrivée de compétences, de nouvelles cultures et qu’il fallait faciliter leur expression. Et on s’est dit que la cuisine était le meilleur moyen pour cela. Et on a découvert que les français étaient hyper intéressés pour découvrir de nouvelles recettes, de nouvelles cultures.”

RDD: “Tu nous as expliqué un petit peu comment tu en es arrivé à faire cela. Quel est ton parcours ? Et quel est ton rôle au sein des Cuistots migrateurs ?”

S: “J’ai un profil école de commerce comme Louis.”

RDD: “Vous venez de la même école ?”

S: “Oui l’ESC Rouen. C’est là où on s’est rencontrés. J’ai travaillé pendant 2 ans pour une grande entreprise d’audit où je faisais de la finance et ensuite pendant 2 ans pour une entreprise de crèche où j’ai racheté des petits groupes de crèche. Donc j’ai un profil de financier et de gestionnaire de projets, plutôt dans des grands groupes. Et il y a 2 ans, je ne m’épanouissais pas dans ce que je faisais et j’avais envie de changer. Ça faisait hyper longtemps que je rêvais de créer mon entreprise. A ce moment là, je cherchais plus de sens et je me suis dit qu’on allait créer une entreprise utile. Et ça a été le début de notre discussion avec Louis qui lui-même cherchait à créer une entreprise qui ferait sens pour lui. Il a un profil entreprise aussi, plutôt dans la communication et le marketing mais dans des petites boîtes. Donc on est assez complémentaires ce qui nous a beaucoup aidé par la suite. Je ne suis pas du tout du monde de la restauration ce qui ne m’a pas empêché de créer les Cuistots Migrateurs, en revanche Louis est un énorme passionné ce qui nous a permis de lancer la gamme culinaire des Cuistots migrateurs. Pour nous, c’est le produit avant tout qui doit plaire au client et c’est grâce à cela qu’on crée des emplois pour des personnes réfugiées.”

RDD: “Aujourd’hui comment vous vous répartissez les tâches ?”

S: “Je m’occupe de la gestion, du pilotage commercial, de la finance, des ressources humaines. Je fais beaucoup de rencontres avec les partenaires. Il y a toujours des milliards de choses à faire dans une entreprise. Louis s’occupe plus de la communication, du marketing, de l’offre culinaire, il s’est occupé de créer le site internet, le catalogue. C’est aussi lui qui a été pendant 1 an et demi aux manettes en cuisine pour manager l’équipe. Donc c’est un chef autodidacte. Et puis une troisième personne est arrivée, très importante, il y a 6 mois. C’est un chef expérimenté qui drive l’équipe en cuisine et professionnalise nos cuisiniers — on a des professionnels mais il y en a qui ont besoin d’apprendre. C’est important dans une cuisine professionnelle d’avoir des gens de métier. Il a apporté son expérience. Il s’appelle Andy, il a 15 ans de métier dans pas mal de restaurants dont des restaurants bistronomiques à Paris dont le Spring de Daniel Rose.”

RDD: “Et les deux autres personnes, Mélanie et Charles ?”

S: “En tout on est 10, 6 en cuisine et 4 en support. Charles et Mélanie s’occupent du commercial et du marketing. C’était très important qu’ils nous rejoignent parce qu’on croule sous le travail. On a donné leur chance à 2 jeunes comme nous qui sont passionnés par le projet. Ils sont prêts à faire beaucoup d’heures parce qu’ils adorent ce qu’ils font. En cuisine, on a 5 cuisiniers réfugiés qui sont de Syrie, Iran, Ethiopie, Népal, Tchétchénie qui sont en CDI à temps plein avec Andy qui est américain, donc lui aussi avec un profil de migration. Il manage l’équipe, chacun représente sa cuisine et on a du coup une équipe multiculturelle, étonnante, avec des profils hyper différents, des origines culturelles différentes et des parcours de vie variés. Et tous les midis on se retrouve, parfois plusieurs fois dans la journée, mais au moins pour le déjeuner et j’espère que ça va continuer à grossir parce que c’est une expérience riche pour tout le monde.”

RDD: “Qu’est-ce que tu espères changer avec ce projet ?”

S: “La première idée c’était de mettre en valeur des compétences et des cultures. On a une vague migratoire qui arrive en France. J’habite à Montreuil : la migration depuis des décennies marche moyennement bien en terme d’intégration et avec des petites actions comme les nôtres on peut faire un pas en avant. Ça c’est l’idée de base. Après on crée des emplois. Il y a beaucoup de personnes issues de la migration en cuisine. Généralement, on ne leur demande pas de faire leurs propres recettes. C’est le cas dans la plupart des brasseries parisiennes : on leur demande de faire un burger, un bœuf bourguignon. Et donc du coup en ayant cette symbolique d’aller demander leurs recettes à ces personnes-là j’espère qu’on change quelque chose. Ensuite on propose ces recettes-là à des clients et on espère grâce à cela changer le regard sur la migration et sur les personnes réfugiées.”

RDD: “Et qu’est-ce-que cela t’apporte ?”

S: “C’est un épanouissement dans quelque chose de totalement nouveau. Comme on l’a dit avant, je n’ai pas de passé dans la restauration. Donc c’est beaucoup de rencontres avec des gens que je découvre et qui me passionnent. Ensuite, au quotidien je rencontre tout un tas de personnes qui sont interpellées par le projet et qui ont envie d’en faire plus et qui vont eux-mêmes nous parler de leur domaine. Donc c’est une ouverture énorme dont je bénéficie et j’en suis très chanceux. C’est un projet qui me passionne.”

RDD: “Si tu aimerais voir quelque chose changer, qu’est-ce que se serait ?”

S: “Beaucoup de choses peuvent être améliorées. Dans notre thématique à nous, je pense qu’on pourrait nous collectivement, français, européens, être un peu plus ouverts sur les autres. Dans cette thématique c’est évident mais c’est vrai pour tout.”

RDD: “Est-ce que tu as déjà fait des ponts avec d’autres projets similaires, comme Meet My Mama par exemple ?”

S: “Oui, on connaît beaucoup de projets, il y en a beaucoup qui sont venus nous voir dès le début. Nous-même on rencontre d’autres entreprises ou d’autres assos parce que c’est enrichissant, surtout au début quand on cherche son modèle et quand on a tout à faire. On a rencontré Meet My Mama il y a un an. J’espère, j’ai l’impression qu’on les a inspiré dans ce qu’ils font. Je suis content d’être dans un écosystème et de travailler en commun. Ensuite, les choses se passent ou pas, les partenariats se créent ou pas. Il n’y a que 24 heures par jour donc on fait ce que l’on peut. Et je suis toujours ravi quand une personne vient nous voir avec une idée et nous demande si on pourrait le faire ensemble et qu’on en étudie la possibilité.”

RDD: “Quel serait ton prochain projet ?”

S: “Il faut qu’on grossisse, qu’on intègre beaucoup plus de monde, qu’on découvre beaucoup plus de recettes, qu’on parvienne à proposer nos produits à plus de personnes. Cela passe par notre métier actuel qui est traiteur en réception et peut-être par d’autres. Actuellement on se concentre déjà là-dessus parce qu’il y a beaucoup à faire et que c’est un métier où l’on se lève tôt le matin et où l’on se couche tard le soir. On a des dizaines de personnes qui viennent nous voir en nous proposant de travailler pour nous. J’ai pas actuellement assez de ressources pour les accueillir, ni assez d’activité. Il est hyper important qu’on se développe. C’est pour ça qu’on participe à la fabrique Aviva qui est un concours de start-up social qui donne chaque année 1 million d’euros à des start-ups sociales et potentiellement on peut gagner jusqu’à 85 000 euros donc si vous voulez nous aider c’est ici ! Chaque personne peut voter 10 fois, avant le 10 avril. J’espère que ça va aller.”

RDD: “Pour toi, qui devrait être la prochaine personne interrogée ?”

S: “Est-ce que vous connaissez du pain et des roses ? Ils font des ateliers floraux avec des femmes. On les a rencontré une ou deux fois et je trouve cela intéressant.”

Signé : Rachel Priest, Delfina de Oliveira Cézar , Daouda Déme.

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