Claude Chapuis, garde-fou des enfants du Grand Bleu

laurie Chiara
UCA Labs stories
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3 min readSep 14, 2019

Les championnats du monde d’apnée s’achèvent aujourd’hui dans la rade de Villefranche-sur-mer. Les jours d’entraînement, de compétition et même de repos, Claude Chapuis était là. Sur la berge, sur la plateforme de plongée ou en voiture, quand il faut aller chercher de l’oxygène à la pharmacie, il se bat depuis 30 ans pour le développement de l’apnée moderne.

« C’est un milieu merveilleux, un masseur incomparable. Il nous porte, nous place en apesanteur “. Ce sont les mots de Claude Chapuis, quand on lui demande si on devient apnéiste par fascination pour le souffle ou pour l’eau. En 1990, il s’est enfoncé cinq minutes et trente-cinq secondes sous le voile bleuté de la piscine Fielding, sur le campus Carlone de l’Université de Nice, décrochant alors un titre de champion du monde en apnée statique. À l’époque, les entraînements n’existent pas. Claude Chapuis a découvert peu de temps avant qu’il pouvait retenir sa respiration sous l’eau pendant quatre minutes et cinquante secondes par hasard, alors qu’il était maître-nageur. La machine était en panne et il nettoyait le fond de la piscine à la main au moyen d’un tuyau aspirateur de dix centimètres de diamètre. « Mais trois ans plus tard, avec les connaissances techniques, un travail adapté, je faisais sept minutes cinquante », souligne-t-il. Aujourd’hui, on situe le haut niveau mondial dans une compétition au-dessus des 9 minutes. « Finie l’époque où chacun réalisait son record dans son coin avec ses huissiers », insiste Claude Chapuis. Ce professeur de sport, rattaché depuis la fin des années 80 à l’université qui l’a formé, à Nice, a souhaité fédérer tous « les allumés du Grand Bleu » avec des idées de records plein la tête. Le jour-même où un Français l’appelle du lac Titicaca pour faire reconnaître un record en maillot de bain à huit mètres de profondeur, Claude Chapuis se saisit des règlements du ski pour créer en une nuit une adaptation pour l’apnée. Comme tout le reste, il réalise cela avec les fidèles, ses étudiants de la fac, parmi lesquels Loïc Leferme. Un jour, il croise le chemin d’un apnéiste du Nord de la France, qui s’entraînait seul dans le noir au moyen d’un gueuse élaborée sur le modèle de celle de Jacques Mayol. Cela lui donne l’idée de créer le premier stage au monde pour découvrir « l’apnée du Grand Bleu ». Il poursuit ensuite l’aventure avec la création de l’association internationale pour le développement de l’apnée (A.I.D.A.) et l’organisation, en 1996, des premiers championnats du monde, avec le département des Alpes Maritimes et le Club Universitaire de Nice. Dans l’eau, la moitié des bénévoles vient de STAPS. « 6 pays ont participé, c’était exceptionnel pour l’époque », s’amuse-t-il. Vingt ans plus tard, ils sont 42 à s’affronter dans les profondeurs de la rade de Villefranche-sur-mer. Un spot incontournable pour l’apnée, calme, protégé des vents et des courants, où le plancher marin s’abaisse à deux-cent mètres de profondeur à cinq minutes à peine en bateau. En revanche, la température y est aussi plus froide que sur bien d’autres sites. « Cela peut amener les athlètes à surestimer leur performance par rapport aux capacités qu’ils auront réellement sous l’eau », glisse Delphine, l’épouse de Claude Chapuis, également apnéiste et professeure à la faculté des Sciences du Sport. Mais même en cas d’urgence, Villefranche demeure un site stratégique. L’hôpital tout proche dispose d’un caisson hyperbare, un sas de décompression. Car l’apnée reste une discipline dangereuse. Dans l’eau, Loïc Leferme a disparu, mais Claude Chapuis retrouve, parmi les étudiants, les fidèles, Pierre Frolla et Guillaume Nery.

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laurie Chiara
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journaliste scientifique à Université Côte d’Azur