Les preuves de concept les plus vielles au monde ont l’avenir devant elles

laurie Chiara
UCA Labs stories
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3 min readDec 7, 2017

Convaincu que « l’innovation vient dans la non maitrise, dans l’aventure, là où il y a un risque à aller vers un ailleurs », le Pr Frédéric Guittard, a pris il y a quelques mois la direction de la Californie, où il observe et analyse les pratiques marketing utilisées en innovation scientifique. Directeur du laboratoire N.I.C.E.-Lab de l’Université Nice Sophia Antipolis (1), il travaille en particulier sur la bioinspiration et le biomimétisme. « Autour de nous, se trouvent des choses qui existent depuis 3,8 milliards d’années. En terme de preuve de concept (ce que demandent les industriels en premier lieu), il est difficile de faire mieux… », souligne le scientifique. Selon lui, il suffit donc ensuite « d’adapter, d’adopter, d’intégrer » les mécanismes naturels avec les moyens de la chimie actuelle.

Avec son équipe, Frederic Guittard s’est ainsi intéressé, par exemple, aux propriétés anti-adhésives de la feuille de lotus. « Nous avons transcrit la relation qui existe entre sa structure physique et ses propriétés chimiques, pour comprendre comment l’eau roule sur sa surface. Ensuite nous avons fabriqué une surface équivalente de façon systématique », illustre le chercheur. L’objectif de la science des matériaux consiste sur chaque projet à trouver une méthodologie qui s’applique à « tout ». Dans le cas de l’anti-adhésion, pourquoi ne pas empêcher les bactéries de s’accrocher aux objets du quotidien ? « Pourquoi tuer tout ce qui nous dérange si on peut simplement créer une zone défavorable ? », remarque Frédéric Guittard.

« C’est comme mettre un trèfle à quatre feuilles à la place du Teflon dans une poêle », insiste-t-il, convaincu de l’importance de développer une chimie verte intégrée à un mode de vie plus vertueux et en mutation. « En tant que citoyens, nous pensons moins en termes de propriété et davantage en termes d’usage », souligne le chimiste. Il est ainsi convaincu du potentiel des revêtements « propres » dans les blocs opératoires mais également dans les véhicules partagés. Un concept que les chimistes résument en un mot : l’anti-bioadhésion. « Si vous changez votre environnement, vous modifiez votre santé », insiste Frédéric Guittard. Le troisième thème au coeur de la recherche menée par l’équipe « Surfaces et Interfaces » est l’énergie.

« On développe des surfaces inspirées de la feuille qui, à l’échelle nanoscopique, pourront transformer l’énergie solaire en une puissance adaptée à nos besoins », révèle le directeur du N.I.C.E-Lab. Le scientifique compare volontiers sa démarche à celle d’un « simple traducteur ». Il rappelle à ce titre que la notion de bioinspiration n’est pas tout à fait nouvelle. « Déjà, Pierre-Gilles de Gennes disait du concept qu’il s’agissait d’un serpent de mer de retour tous les dix à quinze ans. La question est de savoir si ce modèle pourrait devenir plus durable », estime Frédéric Guittard. Car aujourd’hui, les moyens de caractérisation des phénomènes naturels ont évolué. « Nous sommes plus à même de mimer la nature », assure le chimiste. Il craint néanmoins, à ce sujet, qu’à force de puiser dans la source biologique, celle-ci se tarisse. Frédéric Guittard appelle ainsi à « fusionner nos comportements, actions et intentions positives, afin d’innover au service de l’écosystème qui nous accueille … depuis des milliers d’annees … ».

(1) N.I.C.E. pour Nature Inspires Creativity Engineers

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laurie Chiara
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journaliste scientifique à Université Côte d’Azur