Le numérique, on commence par où ?

Stéphane Becker
Une histoire de numérisation
6 min readFeb 3, 2017

Le déroulé est toujours le même, j’explique ce qui va sans doute changer et qu’il faut s’y préparer pour ne pas se retrouver un jour à n’être plus qu’une commodité aux ordres d’un acteur numérique qui aura concentré la création de valeur à son niveau.

À ce moment là, nous en arrivons aux questions et invariablement c’est toujours la même qui tombe : mais alors qu’est-ce-qu’on fait ? Par où on commence ?

L’implication du dirigeant.

Dans ces cas là, un premier rappel s’impose : sans implication du dirigeant, ou, en fonction de la structure, du comité stratégique, une transition numérique voire même des efforts dans le numérique sont vains.

Il y a souvent cet exemple de l’entreprise qui se dit qu’elle doit “trop faire des choses dans le numérique” et là le dirigeant mandate un service quelconque en mode “faites nous mousser”. Souvent dans ces cas là on finit avec des hackathons superficiels et autres Chief Digital Officer en mode “amusons la galerie”.

Non, pour qu’une stratégie dans le numérique soit efficace, il faut qu’elle génère du retour sur investissement et qu’elle soit intégrée dans la stratégie générale de l’entreprise avec des objectifs clairs et chiffrés.

Cette description est un peu réductrice, il existe aussi des dirigeants qui cherchent à réellement faire des choses dans le numérique, mais qui se retrouvent dépassés par l’ampleur de la tâche et le côté hermétique de prime abord de cet univers. Au final le cheminement est le même, même si du coup il y a moins de résistance au bien faire au sommet de l’entreprise.

Ne pas faire n’importe quoi.

Pourquoi le rappeler ? Simplement parce que souvent les premières étapes des usages du numérique au sein de l’entreprise soit s’apparentent à de la gesticulation afin de montrer que l’on fait quelque chose, soit sont perçues comme telles par les salariés.

Le problème est alors l’usure des salariés dans l’entreprise qui assimilent alors le numérique à un ensemble de gadgets inutiles si ce n’est d’une lubie passagère de l’entreprise et de ses dirigeants. On ne se pose pas la question alors de connaitre la finalité de nos actes, mais juste d’en faire pour montrer que l’on est dans le mouvement.

Un hackathon mousseux, c’est rarement écrit dessus. Ceci est donc un contre exemple d’émergence par l’absurde.

Si vous discutez avec des experts dans le domaine de la résistance au changement, cela n’est pas nouveau ; combien d’entreprises ont été lessivées par des modes dans le domaine du management où à chaque fois un nouveau dirigeant voulait tester dans l’instant le dernier truc à la mode.

On parle donc ici de stratégie, et une stratégie cela se réfléchit.

Alors quelles ressource pour construire cette Stratégie ?

C’est souvent la première question la plus pertinente à se poser. Il n’y a d’ailleurs à mon sens pas une réponse unique à cette question, mais il y a des pistes que l’on peut suivre.

L’inclusion des gens qui travaillent au sein de l’entreprise est bien entendu incontournable. Ce sont eux qui sont au contact des problématiques et qui connaissent le mieux le métier qu’ils pratiquent. Cela sonne comme un enfonçage de portes ouvertes, mais il est fréquent de voir des stratégies construites dans le confort de salons capitonnés en complet décalage avec les aspirations et les pratiques des salariés de l’entreprise.

Il faut aussi savoir inclure des ressources extérieurs pour un regard neuf et souvent aussi une méthodologie pour la construction des idées. Mon expérience m’indique en effet que si on laisse simplement ses salariés en roue libre, ils tombent souvent dans un simple travers d’informatisation de l’existant en étant trop recentrés sur leur quotidien. L’idée n’est pas de rendre les procédures de l’entreprise plus performantes mais de changer la vision que l’on a du futur de l’entreprise, voire même de sa façon de gagner de l’argent.

Atelier Design Thinking chez Millipore conduit par Innovation in Design

Cet apport extérieur est donc important, il peut prendre plusieurs formes. Par exemple la pratique du Design Thinking est de plus en plus fréquente pour faire émerger des idées. Ces ateliers n’ont pas pour vocation de créer juste un ensemble de petites idées, l’objectif est réellement de construire la vision de l’entreprise et le plan stratégique qui va avec.

Il est aussi possible de prendre part à des hackathons, mais là il convient de toujours faire attention vu que comme sur tout sujet à la mode, la pente est glissante. Un bon hackathon cela s’organise autour de valeurs, et quand cela n’est pas le cas, on peut rapidement tomber dans l’usine à produire de la mousse.

Un bon hackathon, il y a des scènes comme celle là.

L’idée ici n’est pas d’être exhaustif mais d’amorcer la pompe, parce que les velléités d’innovations dans votre équipe, cela n’est peut être pas naturel et nécessite de l’entrainement avant de se dire que l’on a le droit d’avoir des idées dans une entreprise, voire même qu’on a le droit de mettre en cause le modèle d’affaire de l’entreprise.

Ne nous voilons pas la face, les dirigeants ont en principe une vision idéalisée de leur entreprise avec une croyance dans les processus de cet entreprise. Parfois il faut savoir faire un peu d’introspection et se demander : “mince, c’était quand la dernière fois qu’en réunion un salarié lambda de l’entreprise a proposé de changer nos pratiques sans qu’il se fasse remettre dans le droit chemin par un supérieur hiérarchique ?”. Il y a parfois des réflexions qui font un peu mal à l’amour propre, mais elles sont nécessaires.

Il faut aussi que le dirigeant percute bien que le cheminement dans le numérique n’est pas un long fleuve tranquille. Il y aura sans doute des erreurs commises et il faudra savoir les accepter, car punir ces erreurs c’est construire une organisation où tout le monde baisse la tête.

Isolation du modèle d’affaire dominant.

Trouver des idées, construire des prototypes pendant un hackathon, c’est sympathique, mais comment est ce que l’on arrive réellement à du résultat ? Comme je l’ai dit au début de l’article, l’important cela reste les retombées de l’opération, avec en ligne de mire le retour sur investissement.

La problématique est souvent à ce moment là la concurrence avec le modèle d’affaire dominant dans une entreprise. Ce modèle existe et dans une entreprise, quelle que soit sa taille, il a une forte tendance à absorber toutes les ressources qui passent à portée de ses tentacules.

Il est alors extrêmement difficile de pouvoir se concentrer sur un nouveau modèle émergent quand l’ensemble des ressources est cannibalisé par le modèle courant, qui lui a le mérite de rapporter de l’argent et ce depuis parfois des dizaines et des dizaines d’années. Sans compter qu’il faut avoir un mental un peu particulier pour s’attaquer à ce qui fait le succès actuel de l’entreprise.

Souvent mon conseil est assez simple, il faut créer une spin off, d’une façon ou d’une autre, c’est à dire une structure séparée au niveau de l’organigramme de l’entreprise dont le but sera de développer le nouveau produit / service disruptif de votre propre entreprise. Cet idée n’est d’ailleurs pas foncièrement neuve, elle est la base d’argumentation d’un classique de la littérature business : The Innovator’s Dilemna.

Après histoire d’avoir le bon esprit, je recommande souvent de peupler cet “grange au fond du jardin” des gens qui râlent en continu sur l’orientation actuelle de l’entreprise. Les rassembler, leur donner un budget et un objectif de s’attaquer à la source de leur frustration quotidienne devrait poser les bases d’une équipe commando à l’attaque de votre entreprise. Sans compter que cette équipe connait toutes les faiblesses de votre offre et saura s’y engouffrer.

Alternative ; déporter vos travailleurs dans un espace collaboratif pour les sortir du cadre.

Au final il sera question d’avoir un modèle pertinent de développement de votre solution, basé sur de nombreux aller retours avec vos clients potentiels. Basiquement ce que l’on appelle le Lean Startup.

Mais cela sera le sujet d’un billet ultérieur.

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Stéphane Becker
Une histoire de numérisation

CEO à Method In The Madness. Geek. Gamer. Développeur. Entrepreneur.