UniYu, c’est bientôt fini !

Emmanuel Darmon
Uniyo
Published in
10 min readFeb 13, 2017

Plus que quelques jours pour télécharger vos fiches de cours. L’occasion pour moi de revenir sur cette expérience incroyable.

UniYu compte aujourd’hui 32 644 étudiants inscrits (soit un beau stade de foot), 18 543 fiches de cours uploadées, 543 544 téléchargements, 52 991 commentaires, plus de 1000 visites uniques par jour, une centaine de mentions dans des articles de journaux et de blogs et même la couverture du journal Métro de Montréal ! Pourtant, UniYu est en “stand-by”. Ces trois dernières années, plus un pixel du site n’a bougé et aucune campagne d’acquisition n’a été réalisée. Cela n’empêche que 75% du programme de bachelor de HEC Montréal est encore ce matin connecté sur UniYu soit 3 442 étudiants actifs dans un seul et unique campus ! Bref, UniYu a su répondre à un besoin. On appelle ça un Proof of Concept dans le langage startup.

Une définition “honnête” d’UniYu

UniYu est un réseau collaboratif pour étudiants universitaires.

Réaction classique : “Ha ouaiiii je vois, c’est un Facebook-bis quoi !”

- Ma réponse classique à cette réaction classique : “Non, rien à voir ! En fait il s’agit d’un site d’échange de fiches de cours. Tu peux aussi partager tes opinions sur les cours, les profs et les associations étudiantes et un tas d’autres informations pertinentes pour les étudiants !”

- Ma réponse honnête maintenant, à la réaction classique : Non UniYu n’est pas Facebook parce que sinon UniYu n’aurait jamais pu rencontrer ce succès à HEC Montréal. On ne trouve pas de fiches de cours pertinentes sur Facebook et à contrario, on ne retrouve pas ses amis sur UniYu. Mais oui, UniYu reprend en effet les codes d’un réseau social classique (système de followers par exemple) et d’un point de vue business, seule la masse d’utilisateurs pourrait donner de la valeur à UniYu. Ce fut d’ailleurs là sa principale faiblesse. On y reviendra.

UniYu tech demo video (1min)

Les raisons d’un succès

1.Les intranets universitaires ont un point commun dans toutes les universités du monde, ils sont mauvais. Demandez à vos amis, ils vous le diront tous. La principale raison (et non la seule) : ces intranets sont imposés et non proposés aux étudiants. Qu’ils soient bons ou mauvais, les étudiants doivent impérativement s’en servir pour consulter leur salle de cours, pour télécharger leur syllabus, etc. On échappe donc à la règle qui veut qu’un produit doit être bon pour être populaire. Dès lors, à quoi bon investir des sommes considérables pour développer un bon intranet ? Et quand bien même une université décide de le faire, il sera performant un certain temps (dans le meilleur des cas) puis vite dépassé parce que jamais actualisé, faute de pression concurrentielle. Résultat : les étudiants n’ont pas les outils qu’ils méritent.

2. La grande majorité des étudiants (99,99%) se servent d’UniYu pour une seule et unique raison : Télécharger des notes de cours la veille des examens. Pas une seule plateforme ne fait ça aussi bien qu’UniYu parce que sur UniYu, il faut participer pour pouvoir en profiter. UniYu répond ainsi aux principes de gamification.

“UniYu répond ainsi aux principes de gamification.”

La gamification

La gamification est le mécanisme des règles du jeu dans d’autres domaines. Les exemples sur internet sont nombreux : Foursquare pour les plus vieux, mais aussi Waze (le GPS), Reddit ou encore Stack Overflow pour les plus geeks, et bien d’autres… la liste est longue. Ces applications réussissent l’incroyable exploit de dissocier la nécessaire relation qui prévaut dans nos sociétés capitalistes entre l’échange de services à grande échelle et l’échange monétaire.

“La gamification est le mécanisme des règles du jeu dans d’autres domaines”

Sur Wikipedia, les auteurs ne sont pas payés pour écrire des articles et pourtant, Wikipedia est l’encyclopédie la plus complète au monde. Sur Stack Overflow, vous ne payez pas pour obtenir une réponse à votre question et pourtant, vous obtiendrez une réponse dans la minute. Les humains sont-ils trop bons ? Non, ils sont joueurs !

Il y a généralement trois leviers utilisés par ces sites pour encourager cet échange de services. Exit les dollars, voici les devises monétaires de la collaboration :
- Les Points 💯
- Les Médailles🏅
- Les Classements 🏆

Ces leviers ont trois effets chez les utilisateurs. Comme les dollars cette fois, ils procurent :
- Fierté 😏
- Reconnaissance 😇
- Gain 🤑

Sur UniYu les étudiants s’inscrivent et obtiennent d’entrée de jeu 100 points 💯. Pour télécharger une fiche de cours ils devront dépenser 20 points. Mais les étudiants peuvent aussi gagner des points. Exemple : 300 points pour parrainer l’inscription d’un collègue, 50 points pour partager un avis sur un prof ou encore 100 points supplémentaires pour chaque fiche uploadée. Et ces points serviront à télécharger d’autres fiches de cours 🤑 ! Une médaille🏅 va aussi apparaître sur le profil UniYu des étudiants qui uploadent plus de 5 fiches de cours 😏. Les étudiants qui participent le plus verront même leur nom au plus haut dans le classement 🏆 des meilleurs contributeurs 😇.

Une étudiante qui a 17,250 points, 8 médailles, 83 followers, 6ème au classement des contributeurs

Quand on a mis en place ce système de gamification, nous avons reçu des dizaines de mails d’insultes de certains étudiants ! Le téléchargement des fiches n’était plus illimité, les profiteurs ne pouvaient plus profiter sans contribuer eux-mêmes. Mais ce système a fait exploser le nombre de fiches de cours à télécharger et le nombre d’inscriptions sur la plateforme. C’était un succès incontestable !

Alors, pourquoi fermer UniYu ?

UniYu c’est un incroyable succès mais géographiquement trop localisé (Canada > Montréal > Université de Montréal > HEC Montréal) et avec une utilisation trop périodique (Midterms+ Final exams). On va essayer de comprendre pourquoi mais dans les faits : Je dépense de ma poche une centaine de dollars de mise en service chaque mois avec zéro perspective de levée d’argent ni de revenus.

Trouver du financement pour survivre :

Pour réunir l’argent nécessaire à la poursuite d’UniYu, quatre solutions s’offrent à moi :

a. Faire payer les entreprises: Comme Facebook ou Snapchat ! Ok… mais 1000 visiteurs uniques par jour représente une goutte d’eau pour n’importe quel annonceur. Pour envisager cette première solution, il faut aller chercher un premier million d’utilisateurs.
b. Faire payer les étudiants : J’ai bien pensé à mettre en place un marché de points : Les étudiants qui ont collecté beaucoup de points pourraient vendre ces points à ceux qui en ont le moins. Le prix pourrait varier en fonction de l’offre et de la demande. La veille des examens, ces points vaudraient très chers. UniYu percevrait alors une commission sur ces transactions ! Des étudiants prêts à revendre des points, il y en aura, mais des étudiants prêts à en acheter… No way! Demandez à Jean Charest, il vous le dira : les étudiants ne payent pas !
c. Faire payer les universités : Très bien… mais pourquoi ? UniYu est un service destiné aux étudiants, pas aux administrations universitaires.
d. Faire payer les investisseurs : Les investisseurs ne payent pas, ils investissent. Et ils investissent justement dans un business model.

Optons donc pour la solution b. et allons chercher notre premier million d’utilisateurs… ✊

Quel est le coût d’acquisition d’une plateforme comme UniYu ?

Cours d’entrepreneuriat 101 : Chaque entrepreneur doit connaître son coût d’acquisition.

Qu’est ce qu’un coût d’acquisition ?
Pour un site de e-commerce qui vend un objet physique, le calcul est simple. Prenons l’exemple de Smiirl (l’entreprise de mes colocs quand j’étais moi-même à HEC Montréal) : Chaque compteur coûte 200$ à produire et à expédier (les chiffres sont fictifs) et chaque compteur est vendu 300$. Soit une marge de 100$. De plus, pour chaque 90$ de publicité dépensé (essentiellement des Facebook ads), un objet est vendu. C’est très précisément calculé. Le coût d’acquisition est donc de 90$. Pour résumer : Quand Smiirl dépense 90$, Smiirl gagne 100$. Si Smiirl dépense 90$ x 100 de facebook ads, Smiirl va dégager une marge de 10$ x 100 !!! Il ne suffit plus que de trouver le moyen de produire plus pour gagner plus 🎉💸💰🤑

Pour un réseau de type “social”, le coût d’acquisition réel est faible, mais le coût relatif est extrêmement élevé !

Un réseau de type “social” ne survit pas sans une viralité naturelle !

Posons nous donc la question du coût d’acquisition pour une plateforme comme UniYu. Nous avons envisagé plusieurs solutions :

  1. Investir dans des Facebook ads ! Contrairement à Smiirl, le coût d’acquisition est bien moins élevé : il suffit d’investir quelques dizaines de cents pour obtenir une inscription. Mais attention : un compteur est vendu 300$, et combien se monétise une inscription sur UniYu ? À peine quelques centimes… et ce, à condition que l’on parvienne à monétiser cette inscription avant que l’utilisateur n’ait terminé ses études dans 3 ans ! Bref, le coût d’acquisition réel est certes faible mais le coût relatif est extrêmement élevé !
  2. Sachant maintenant que la recette que représente chaque inscription est ridiculement faible, chaque opération qui nécessite un investissement (distribution de flyers, street marketing, placement médiatique, etc.) n’est plus vraiment envisageable.

Dernière solution (et la plus sage) : Investir dans le produit ! Le modèle d’affaire d’un réseau de type “social” est de faire du produit lui même (UniYu) un canal d’acquisition pour les entreprises comme Smiirl. Il est donc envisageable de faire d’UniYu un business viable à la seule condition que notre coût d’acquisition soit quasi nul. Un coût d’acquisition quasi nul est ce que l’on appelle “une viralité naturelle” ou encore “le bouche à oreille”.

Avez-vous déjà vu des Facebook ads ou une campagne d’affichage dans le métro pour vous inscrire sur Snapchat ?

Il faut que le produit soit assez performant et séduisant pour que seul le bouche-à-oreille fonctionne et que la viralité soit exponentielle (Snapchat). On parle d’une viralité organique et quasi-infinie 🚀.

Les limites à la croissance naturelle d’UniYu

1. La killer feature : Les fiches de cours. Dans le language startup, on parle d’une “killer feature” pour désigner la fonctionnalité qui donne toute la valeur au produit. Dans notre cas, le partage de fiches de cours est tellement une killer feature qu’elle a tué UniYu ! Je m’explique; Les fiches de cours servent quatre fois par an : La veille des examens intras et finaux sur les deux semestres de l’année. UniYu est un service devenu indispensable pour beaucoup d’étudiants de HEC Montréal mais qui ne mérite que 4 visites par an ! Le momentum est alors trop court pour aller chercher notre premier million d’utilisateurs… 😣

2. Pour une utilisation plus récurrente, on a donc essayé de développer de nouvelles features. On a même développé UniWink, une sorte de Tinder pour étudiants 💋 sauf qu’une app qui ne fait que ça le fait évidemment beaucoup mieux que nous… La fonctionnalité qui permet de noter les professeurs ? Ratemyprofessor ne fait que ça et le fait beaucoup mieux que nous. Et oui, un couteau suisse c’est pratique, mais un Opinel coupera toujours mieux !

3. Trop de features tuent la feature ! Il suffit de se rendre sur google.com pour le comprendre : La page d’accueil est une page blanche avec une simple barre de recherche au milieu. C’est épuré, simple et terriblement efficace. Le message envoyé aux utilisateurs : Google est avant tout un moteur de recherche. Point. Un moteur de recherche qui vous permet de chercher un site internet, une adresse postale (Google Map), une conversation (Gmail), un évènement (Calendar), une vidéo (Youtube)… beaucoup de choses certes, mais il s’agit bien d’un moteur de recherche. Sur UniYu, un coup d’oeil au long menu de gauche suffit pour être perdu.

Google est… un moteur de recherche !

4. Les limites de la gamification : La gamification, si elle est bien faite, mène directement à plus d’engagements de la part des utilisateurs. Mais cet engagement peut se traduire par des bons comportements (compléter un article sur Wikipédia) ou par des mauvais comportements (apporter de fausses informations non vérifiées). Un autre défi apparaît alors : La modération. Sur UniYu, on a du faire face à ce problème. Il est courant de voir des étudiants commenter 5 fois de suite un professeur de la sorte : “bon”, “bon”, “bon”, “bon”, “bon” dans le seul but de récolter 250 points (50+50+50+50+50). Certains étudiants reçoivent alors 5 emails de notifications pour signaler ce même commentaire et pense donc qu’il s’agit d’un bug ou qu’UniYu tente même de spammer… 😤 Plus grave encore, certains étudiants dépensent des points pour télécharger ce qu’ils pensent être une fiche de cours mais il s’agit en fait d’un document vide ou non pertinent… 😡 Ces étudiants floués se sentent alors le droit de spammer à leur tour pour réparer ce préjudice et récupérer les points qu’ils se sont fait voler ! Sur Wikipedia, la gamification prend en compte ces abus en attribuant aux contributeurs eux-mêmes des pouvoirs de modérations ou de correction. Voir l’incroyable histoire de Bryan Henderson, un Américain de 51 ans qui a corrigé plus de 47.000 fois la même erreur sur des milliers de pages Wikipédia… 🤓

Reprenons

Pour valoriser UniYu, il faut donc obtenir une croissance naturelle.Très bien. Mais pour obtenir une croissance naturelle, il faut investir dans le produit. On l’a compris. Mais pour investir dans le produit, il faut de l’argent. Ok… Pour obtenir cet argent, il faut convaincre des investisseurs de bien vouloir investir. Mais pour investir, les investisseurs veulent des chiffres qui traduisent une “traction” (croissance naturelle)…

… bref, il était temps de tourner la page ! 😌

Et maintenant, on fait quoi ?

D’abord on ferme UniYu ! 😥 J’ai préféré vous prévenir quelques jours à l’avance pour vous laisser le temps de télécharger toutes vos fiches pour les 3 années d’études à venir. Téléchargez donc un maximum de fiches !!!

Et ensuite ? Vous vous doutiez bien que je n’allais quand même pas vous abandonner comme ça… Si vous voulez en savoir plus, envoyez moi un message en mentionnant le nom de votre université et votre email: je cherche 100 étudiant(e)s pour tester une nouvelle application. Vous pouvez me contacter sur Linkedin, Facebook, email (manu@uniyu.com), et tant qu’il est encore temps vous pouvez m’envoyer un message privé sur mon profil UniYu évidemment ! 😘

Un grand merci

L’équipe d’UniYu : Ehsan évidemment, mais aussi Mike, Afshin (Java devs) Mathieu (front dev), Samy (motion design), Nicolas (“artiste numérique”), La Terrasse (early testers), 6611, 66 et aussi 11…

Et enfin tous les étudiants pour qui UniYu est devenu indispensable et les top contributors ! 😍🙌😘👏

UniYu official trailer video

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