Ce que dit la presse internationale de notre élection

« Brutale », « inédite », « pourrie »….De New York à Tokyo, les médias du monde entier portent un intérêt à notre scrutin présidentiel. Avec notamment un zoom sur Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Petit tour d’horizon.

The upday team
Le blog d’upday
7 min readApr 4, 2017

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Le plateau du débat télévisé qui doit réunir les 11 candidats le 4 avril. Lionel Bonaventure / AFP/Getty Images

C’est une campagne inédite. Un scrutin aux enjeux considérables, pas seulement pour l’avenir de la France mais aussi pour celui de l’Europe toute entière. Un chemin vers le palais de Elysée semé d’embûches et qui réserve chaque jour son lot de surprises.

Qui imaginait en effet la victoire surprise de François Fillon à la primaire de la droite et du centre en novembre ? Les échecs -et retraits- en à peine dix jours, de politiques qui ont marqué ces dernières décennies comme Nicolas Sarkozy et Alain Juppé ? Sans parler de l’annonce de la non-candidature du président sortant, François Hollande le 1er décembre, une première dans l’histoire de la Vème République. Ou la victoire, là encore surprise, de Benoît Hamon en janvier à la primaire de la Belle Alliance Populaire. Mais aussi et surtout l’affaire Fillon dans lequel reste englué l’ancien Premier ministre. Bref, cette campagne est…un peu folle. Et les médias du monde entier la suivent de près.

Une élection courte, incertaine, « brutale »

C’est notamment le cas de la presse outre-Atlantique, très intéressée par notre scrutin depuis l’arrivée de Donald Trump. « L’élection présidentielle américaine fut méchante et longue. La française sera plus courte mais tout aussi brutale » pouvait-on lire il y a quelques jours dans le Washington Post. La revue Foreign Policy, elle, s’est interrogée sur la corruption des leaders dans l’Hexagone tandis que Slate.com, au sujet des scandales politico-financiers et des « fake news », va jusqu’à parler d’un « film d’horreur ».

En cause notamment pour ces différents médias : les affaires qui touchent plusieurs candidats et ont ponctué l’actualité ces derniers mois. « Il y a quelque chose de pourri dans la politique française » jugeait même récemment le New York Times.

Le cas du Front National…et le risque pour l’Europe

En somme, l’élection est « la plus incertaine de tous les temps » relève l’hebdomadaire allemand Die Zeit. « Ce qui est intéressant est le niveau d’indécision des électeurs quant au choix à faire » estime le site du groupe polonais TVN24. « Tout est possible dans la plus incertaine des élections mais le Front national est le choix le plus toxique » juge l’hebdomadaire anglais The Observer.

The Economist était récemment sur la même ligne. « C’est une élection sans précédents avec des risques sans précédents ». Parmi eux : l’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen, qui aurait des conséquences pour toute l’Europe, comme le rappelle l’hebdomadaire britannique.

« Cette élection n’apporterait pas seulement un leader qui a comparé les prières des musulmans dans les rues à l’occupation nazie de la France. Cela ouvrirait une crise de gouvernement : le Front national a peu de chances d’obtenir une majorité aux législatives de juin, même si elle élue présidente. Et cela inquiéterait le futur de l’Europe ».

Vers une « italianisation » de la vie politique française ?

C’est en tout cas ce que se demande le quotidien italien Avvenire évoquant ce scénario d’une absence de majorité -et ses conséquences concrètes- à l’occasion d’une éventuelle présidence Le Pen. En d’autres termes, il y a le risque d’une fragmentation du paysage politique français accompagnée d’une instabilité des gouvernements. En somme, une adoption dans l’Hexagone des dérives du système italien.

La candidate le 26 février à Lyon. Photo de Jeff J Mitchell — Getty Images

Plus généralement, nombre de titres s’attardent sur le « phénomène » Le Pen. The Economist explique que l’émergence de la députée européenne colle avec la tendance de la montée des populismes à travers les démocraties libérales en Occident. La présidente du parti d’extrême-droite « est plus qu’un ‘cheval noir’, indique Rzeczpospolita en Pologne. Le Front national est en face d’une opportunité historique ». « Mais qui finance l’extrême-droite de Marine Le Pen », s’interroge la BBC après la visite de la présidente du Front National en Russie.

En Italie, la Stampa, très critique, estime que son arrivée à l’Elysée serait « le plan politique le plus cohérent du nouveau populisme ». « Il faut donc y prêter attention ». Et le Washington Post d’ajouter fin mars, au moment du 60ème anniversaire du Traité de Rome, à l’origine de l’unité du Vieux Continent :

« L’élection française est devenue le référendum décisif autour du rêve d’une Europe unifiée six décennies après ».

Le parallèle est aussi fait en Europe entre Marine Le Pen et l’arrivée au pouvoir de Donald Trump et son populisme. Sous la plume de son correspondant, le quotidien allemand conservateur Faz estime ainsi que la campagne du président américain a été inspirée par le parti de Marine Le Pen.

« La contre-révolution de ‘America First’ fait référence à un fondement idéologique Made in France ».

The Time est allé aussi à la rencontre des électeurs tentés par le Front National en se rendant à Amiens, ville marquée par un chômage important et une industrie déclinante. « Des millions d’électeurs desespérés par les échecs des deux principaux partis semblent prêts à soutenir une insurgée pour diriger le pays » peut-on lire dans ce reportage du magazine américain.

La curiosité Emmanuel Macron….

Mais de New York à Tokyo en passant par Madrid et Berlin, beaucoup de titres s’intéressent aussi à Emmanuel Macron.

Le candidat à Reims le 17 mars. Photos de Francois Nascimbeni AFP/Getty Images

« Le candidat centriste à la présidentielle française mélange son parcours financier avec une vraie culture littéraire » relève le quotidien espagnol El País en retraçant son parcours. « L’élan semble être du côté d’Emmanuel Macron » note pour sa part le quotidien le plus vendu en Europe, le tabloïd allemand Bild, qui relève son jeune âge (39 ans), la création de son mouvement mais surtout sa future coopération avec l’Allemagne. Ironique, il note que :

« Emmanuel Macron demande plus d’investissements en Allemagne afin de provoquer de la croissance économique. Cela ferait moins lever le sourcil du ministre des finances Wolfgang Schäuble que celui d’un chancelier Martin Schulz » (social-démocrate, candidat contre Angela Merkel aux prochaines élections de septembre et qui soutient Benoît Hamon ; ndlr)

Au Royaume-Uni, le parcours du candidat d’En Marche ! intéresse beaucoup et inspire. « Les centristes anglais pourraient apprendre beaucoup d’Emmanuel Macron » indiquait il y a une quinzaine de jours The Guardian. Début février, le chroniqueur du même journal, Martin Kettle, précisait déjà qu’ « une victoire d’Emmanuel Macron donnerait une chance à l’Union Européenne de se sauver ».

….et l’intérêt pour Brigitte

Mais ce qui intéresse aussi sur Emmanuel Macron, c’est son épouse et leur différence d’âge (24 ans). « Une histoire personnelle atypique qui lui permet de ne pas apparaître comme un autre énarque ambitieux » relève le New York Times dans un article mettant en avant le couple Macron et intitulé… « Sex and the French Elections ».

L’occasion pour le quotidien new-yorkais de revenir sur le rapport très particulier de la classe politique française à la vie privée et intime.

« La vie privée des politiciens n’a pas à suivre un scénario et personne ne s’attend à ce qu’ils en parlent. Marine Le Pen a deux ex-maris et il lui a fallu des années pour reconnaître sa situation actuelle avec un cadre du parti ».

Jean-Luc Mélenchon ? «L’homme qui coule le socialisme français»

Au-delà de la candidate du Front National, de celui des Républicains ou encore Emmanuel Macron, la presse évoque aussi d’autres candidats. Le journal espagnol ABC évoque Benoît Hamon qui serait la preuve vivante d’une certaine tromperie. En d’autres termes, le titre conservateur estime que « les militants ont tendance à privilégier les tendances politiques les plus radicales au détriment de la réalité électorale ». Quant à Jean-Luc Mélenchon, le journal le juge comme « l’homme qui coule le socialisme français ». Pourquoi ? Car le programme du leader de gauche est trop « simpliste ».

« Il est contre l’Union Européenne, contre la zone euro, contre l’Otan, contre la mondialisation ou encore le socialisme de Hollande… ».

Comment présenter au public cette élection?

Bref, pas toujours simple d’expliquer à un public néophyte le fonctionnement de la politique française et surtout…les subtilités culturelles.

Au Royaume-Uni, le Financial Times, qui rappelle l’aspect « volatil » de l’état d’esprit politique dans l’Hexagone, a préféré une petite animation explicative. L’édition anglaise de Buzzfeed News, elle, a choisi de reprendre un format présentant les candidats sous forme…de bonbons Haribo.

Mais comment être le plus pédagogue possible ? C’est le défi relevé au Japon par la chaîne NHK. Ce qui a valu une vraie surprise pour une invitée quand elle comprend que Brigitte Macron n’est pas la mère…du candidat.

Bref, alors que se déroule ce soir le premier débat télévisé réunissant tous les candidats à la présidentielle, une première, les médias devraient dès demain apporter à nouveau leur commentaire. Pour le meilleur….ou pour le pire !

Pierre-Anthony Canovas

Avec la collaboration des bureaux d’upday à Milan, Madrid, Varsovie, Berlin et Londres.

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