Français, la Belgique vous regarde

upday a récemment lancé la version belge de sa sélection d’actualité. Dans le contexte d’élection présidentielle en France, il ne nous échappe pas que la Belgique se sente particulièrement concernée par le résultat du scrutin. Notre compatriote belge explique en quelques points l’origine de l’attention particulière du Plat Pays pour une campagne présidentielle tourmentée.

Kahina Meziant
Le blog d’upday
4 min readMay 5, 2017

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Eric Cabanis /AFP/Getty Images

Ils étaient près de 500 000 devant leur télévision. Les Belges ont troqué leur habituelle série événement du mercredi, NCIS: enquêtes spéciales, pour se brancher en bleu-blanc-rouge sur France 2 et TF1. Carton plein pour le dernier débat de la campagne présidentielle française, qui opposait Emmanuel Macron et Marine Le Pen. En Belgique, on prend l’élection française très au sérieux.

L’herbe est toujours plus verte ailleurs

Dans un article de la RTBF intitulé « Pourquoi les Belges suivent l’élection française comme si leur sort en dépendait », Henri Goldman, rédacteur en chef de la revue « Politique », soutient que la politique belge ennuie les citoyens par sa complexité.

En effet il y a de quoi s’y perdre. La lasagne institutionnelle est indigeste. Dans les grandes lignes, la structure politique de la Belgique est un État Fédéral qui comprend 6 gouvernements, 8 institutions parlementaires et une coalition de 4 partis au pouvoir. Concept inconnu outre-Quiévrain, en Belgique, lorsqu’on se rend aux urnes, on ne vote pas pour quelqu’un, on vote pour une liste, qui désignera en son sein le futur Premier ministre après des négociations internes aux partis.

Tout comme pour la course à la Maison Blanche, il faut avouer qu’il y a quelque chose de très excitant à suivre la présidentielle française, un pugilat, une course à l’honneur sans merci.

Tous « au taquet »

Le déchaînement médiatique autour des candidats, obsède les Belges. On en parle chez le libraire du coin, entre deux bières au café Belga, sur Facebook… Chacun y va de son commentaire, de son avis d’expert autoproclamé et j’en passe. Cette tendance à exploiter les affaires qui ne sont pas les nôtres n’est pas toujours pertinente, note la RTBF. Comme s’il s’agissait de nos élections, les grands moyens sont déployés par toutes les institutions médiatiques du pays, occultant au passage des questions nationales urgentes.

Cette passion déchaînée pour la question politique française, la RTBF en fait même le sujet d’un reportage à la veille du premier tour.

Railleries internationales

Mais qu’est-ce qu’on en pense, finalement, lorsqu’on n’est pas directement concerné ?

Après le dernier débat du 3 avril, les réactions des médias internationaux fusent, et dépeignent un portrait plutôt lamentable de cette joute verbale.

« Rarement on avait assisté à un combat dialectique d’une telle intensité lors d’un débat électoral, avec des accusations ad hominem et offensantes à de nombreux moments. » — El Païs

« Le Pen a fait du Trump. » « Avec ses interruptions en permanence, comme ‘C’est pas mon truc’ ou ‘N’avez-vous pas un compte offshore’, elle semblait vouloir faire régner une ambiance de comptoir de bistrot français. » — Die Zeit

En Belgique aussi déception et critiques occupent les unes. Le journal Le Soir titre « Entre Macron et Le Pen, le débat vire au pugilat ». « Les échanges sont violents, les deux politiques ne s’écoutent que pour trouver l’occasion de se couper la parole. Emmanuel Macron accuse la frontiste de « mentir », de « raconter n’importe quoi », d’avoir « un rapport bien particulier à la vérité ». Marine Le Pen répète sans arrêt ses marottes ; « Macron candidat de l’argent » ; « Macron porte le bilan de François Hollande »… » commente le journaliste.

Pour le blogueur d’opinion Marcel Sel, l’heure est au message d’appel au secours : « Nous vous supplions de vous rappeler que vous êtes des progressistes et que le fascisme est le combat fondamental à mener pour tout démocrate qui se respecte, parce qu’une fois que l’extrême prend le pouvoir, il n’y a plus moyen de la combattre du tout. » et d’ajouter « D’avance, merci pour nous.
D’avance, merci pour vous ! »
Sur ces mots, il signe un édito d’opinion, notamment publié dans La Libre.

L’exemple américain a montré qu’il était difficile de rester observateur passif devant un tel spectacle. La France était aux premières loges quand il s’agissait de commenter les scandales autour de Trump ou Clinton. Mais en l’occurrence, les débats dans les pays voisins ne s’articulent pas autour d’une rivalité mais plutôt d’une inquiétude pour l’avenir de la Cinquième République.

On entend souvent ironiser (ou pas ?) les Français à propos de la Belgique comme étant une province française. En réalité, c’est que les Français sont massivement présent en Belgique et constituent même la première communauté étrangère du Royaume. Les échanges sont en effet nombreux entre ces deux pays fondateurs de l’Union européenne.

L’intérêt pour les Belges pour l’élection en France traduit donc moins une fascination pour leurs voisins qu’un certain attentisme. Le Premier ministre Charles Michel (Mouvement Réformateur) s’est d’ailleurs empressé d’apporter publiquement son soutient à son potentiel homologue français.

Si Marine le Pen remporte l’élection dimanche, l’avenir changera forcément pour les 250 000 Français présents en Belgique et pour les Belges vivant en France. Ce serait l’avènement d’une Europe cosmopolite bien différente.

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