Jean Rochefort ou l’art de la malice

Sa voix chaude, sa moustache, son style british, sa drôlerie, son franc-parler, sa finesse et son goût pour la légèreté. Jean Rochefort, c’est tout cela à la fois. Une personnalité de dandy cool qui a marqué le cinéma français populaire au sens noble du terme. Il s’est éteint à l’âge de 87 ans dans un hôpital parisien dans la nuit du dimanche 8 au lundi 9 octobre 2017. Celui qui avait commencé sa carrière de comédien dans les années 50 laisse derrière lui autant de films cultes que de répliques inoubliables. Retour -subjectif- sur sa carrière.

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Le blog d’upday
5 min readOct 9, 2017

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(Pascal Le Segretain/Getty Images)

dans les Côtes-d’Armor, à Dinan, d’une mère comptable et d’un père aristocrate, Jean Rochefort se destine très tôt à une à une carrière de comédien au grand dam de ses parents. Sur les bancs du Conservatoire, il se lie d’amitié avec les plus grands noms du ciné français comme Jean-Pierre Marielle, Claude Rich, Jean-Paul Belmondo et Philippe Noiret pour ne citer qu’eux. Il débute sa carrière au théâtre, à la télévision et au cabaret. Son premier film Rencontre à Paris est tourné en 1956. S’en suivent des rôles dans des films d’aventure notamment aux côtés de Michèle Mercier et Robert Hossein dans la saga des Angélique, réalisée par Bernard Borderie. Il faudra attendre les années 70 pour que sa carrière décolle. Et que sa moustache pousse ! C’est depuis son rôle dans l’adaptation de la pièce Le Misanthrope de Molière par Pierre Dux en 1971 qu’il ne l’a plus jamais quittée. En voici un extrait (à 5'30).

Jean Rochefort a tourné dans quelque 150 films. En 1976, il a reçu le tout premier César de l’histoire du cinéma pour son second rôle dans Que la fête commence de Bertrand Tavernier avant de rafler la statuette du meilleur acteur pour Le Crabe-Tambour de Pierre Schoendorffer deux ans après. Et, en 1999, un César d’honneur a récompensé l’ensemble de sa carrière. Son plus grand regret : le tournage de L’homme qui voulait tuer Don Quichotte de Terry Guilliam dont les conditions difficile du tournage, la mort de son cheval et sa double hernie discale l’ont empêchées d’achever le projet (qui devrait sortir en mai 2018). Mais nous avons choisi de vous parler de ses plus beaux succès.

Alors, si vous aviez 5 films à (re)voir

  • Le Grand blond avec une chaussure noire, Yves Robert (1972)
    Film culte avec Pierre Richard qui incarne le rôle d’un violoniste lunaire, qui va jouer à ses dépends, le rôle d’un redoutable espion international au milieu du guerre entre les services secrets français.
  • Que la fête commence, de Bertrand Tavernier (1975)
    L’action se déroule dans une ambiance de libertinage lorsqu’à la mort de Louis XIV, le neveu de ce dernier, le duc Philippe d’Orléans, assure la régence jusqu’à la majorité de Louis XV. Mais le duc est un homme des plus débauchés qui se laisse influencer par les mauvais conseils de l’abbé Dubois. Bertrand Tavernier réunit le trio de choc Philippe Noiret, Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle sur l’affiche mais ils ne se donneront jamais la réplique dans le film.
  • Un éléphant ça trompe énormément, Yves Robert (1976)
    C’est un film sur l’amitié et une réflexion sur la gent masculine à l’approche de la quarantaine dans le Paris des années 70. “C’est une comédie et vous avez fait œuvre d’humaniste’ dira Jean Rochefort au réalisateur.
  • Nous irons tous au paradis de Yves Robert (1977)
    Quatre amis inséparables incarnés par Claude Brasseur, Victor Lanoux, Guy Bedos et Jean Rochefort se lancent dans l’acquisition d’une maison de campagne. Si leurs vies sentimentales deviennent de plus en plus compliquées, leur amitié inébranlable leur donne la force de braver tous les obstacles.
  • Tandem, de Patrice Leconte (1987)
    Jean Rochefort incarne Michel Mortez un animateur radio qui sillonne la France avec son compère Rivetot joué par Gérard Jugnot (sans moustache) pour animer le jeu La Langue au chat qui existe depuis plus de 25 ans. Mais l’émission va être supprimée. Mortez décide alors d’enregistrer une fausse émission pour lui cacher la vérité. C’est la seconde collaboration de Patrice Leconte avec le comédien 12 ans après Les Vécés étaient fermés de l’intérieur. Dès lors, une longue collaboration naîtra avec pas moins de cinq autres films : Le Mari de la coiffeuse (1990), Tango (1993), Ridicule (1996) , Les Grands Ducs (1996) et L’ Homme du train (2002).

À la scène comme à la ville Jean Rochefort savait dire les choses (comme dans cet extrait), comme il les pensait, toujours avec panache et élégance, sans avoir sa langue dans sa poche. En pleine promo pour son film L’artiste et son modèle, l’acteur a eu la dent dure sur la télévision et les séries françaises : “Au lieu de financer les bons films, les technocrates de la télé ne jurent que par Mimie Mathy, notre grande artiste populaire. Vous avez déjà regardé ‘Joséphine, ange gardien’ ? Je m’en suis tapé un en entier. Ce n’est pas possible, elle assassine nos contemporains”. Vous en voulez encore ? Petite sélection de son phrasé inimitable.

Si vous aviez 5 citations à retenir

  • Sur sa moustache

“Je ne l’ai rasée qu’une fois, pour Ridicule de Patrice Leconte. Sans moustache, j’ai l’air de ce que je suis, une vraie saloperie, un faux-derch sans lèvres. Je n’inspire pas confiance. Je n’ai pas eu de vie sexuelle tant que je ne l’avais pas laissé pousser”

  • Sur son début de carrière

“Il y a encore quelques personnes chevrotantes qui m’évoquent Angélique (…). Je les gifle ! J’ai honte, et j’avais honte à l’époque. Mais j’élevais des chevaux, j’avais besoin d’argent.”

  • Sur sa filmographie

“Il m’a parfois fallu tourner des inepties, le plus souvent en Italie, pour nourrir mes incartades. En même temps, les nanars font de jolies blessures de guerre.”

  • Sur la vieillesse

“Je ne veux pas que les spectateurs viennent me voir et que ce soit interdit aux moins de 25 ans. Je trouve qu’il y a un âge où il ne faut plus trop se montrer.”

  • À propos du programme Le Boloss des belles lettres, dans lequel il revisite des classiques de la littérature avec le langage des jeunes de banlieue

“J’ai le goût du verbe et j’ai été enthousiasmé par le langage vivant et imagé de la banlieue. On montre aussi le fond d’une œuvre, sa morale, ses sens cachés. Si cela peut inciter des jeunes à ouvrir des livres, pourquoi pas ? Il est bon d’avoir de telles prétentions, si l’on veut faire avancer l’Homo sapiens.”

Aurélie Lalanne

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