Le Duel Littéraire de la Rédac #1 : “La géopolitique du moustique”, d’Erik Orsenna

À l’occasion de la rentrée littéraire, nos journalistes ont sélectionné quelques livres qui font sensation pour les passer au grill. Cette semaine, “La géopolitique du moustique” d’Erik Orsenna. Qui s’y frotte, s’y pique!

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Le blog d’upday
4 min readSep 6, 2017

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DR/upday

Ça parle de quoi ?

Pas de fausse piste, on y parle bien de moustiques ! Ces petites bêtes qui nous enquiquinent tous les étés en venant virevolter au-dessus de nos oreilles avant de pomper notre sang et de, souvent, finir leur vie entre nos mains. Mais le moustique, c’est avant tout un insecte vieux de 250 millions d’années qui s’est installé sur tous les continents et qui continue de provoquer la mort de 750 000 personnes chaque année. Du Sénégal à l’Ouganda en passant par le Cambodge et la Guyane, l’auteur explique leurs attaques virales et les techniques des hommes pour tenter de les éliminer.

Getty Images

On en pense quoi ?

Matthieu Carlier, journaliste, lit des romans (et en a écrit un)

Erik Orsenna n’est pas académicien pour rien : après ses essais sur le coton, le papier et l’eau, son quatrième opus du Petit précis de mondialisation est une prouesse de vieux sage. En lisant cette mine d’informations couchée sur le papier un peu au hasard de ses envies d’écriture, le lecteur a souvent l’impression de parcourir les allées d’un muséum d’histoire naturelle, accompagné d’un guide ultra-savant et truculent. Le style est vif, aiguisé et plein d’humour, parfois proche du hip-hop. Pour un académicien de 70 ans, excusez du peu. Extrait choisi : “Mme Bovary moustique pose un jour de RTT, prend son courage à deux ailes et gagne la localité voisine”. On dirait du Abd Al-Malik.

Ce qu’il y a de bien, c’est qu’on en apprend beaucoup, mais alors beaucoup et, étonnamment, on y prend plaisir. En tout cas au début. Saviez-vous par exemple que seule la femelle moustique piquait les humains ? Que la masse additionnée de tous les moustiques est plusieurs millions de fois plus importante que celle de l’Homme ? Que leur “zzzzz” si caractéristique fait en réalité partie du rituel nuptial ?

Là où le bât blesse c’est que le Petit précis est justement si précis, si foisonnant, qu’on finit par s’y perdre. On sent qu’Orsenna est un homme de lettres avant d’être un homme de sciences. Et le résultat est un peu foutraque. Quand, dans la deuxième partie, l’auteur se transforme en Tintin des temps modernes pour voyager du Panama à la Guyane et du Sénégal au Cambodge, on ne comprend plus trop où il veut en venir. D’aucuns souligneront l’importance de voyager pour établir un Précis de mondialisation. Oui mais à quelles fins ? Pour tirer quelles conclusions ? Les chapitres s’achèvent sur des expériences scientifiques laissées en suspens, et le lecteur s’écrase sur une moustiquaire d’incompréhension.

En clair, on survole beaucoup l’information, mais on fait rarement mouche.

Marion Ablain, journaliste, aime autant Zweig que Bukowski

On ne peut pas nier la capacité d’Erik Orsenna à vulgariser un sujet qui, de prime abord, manque quelque peu de piquant. L’auteur s’en empare pour en raconter tous les ressorts, de l’origine de ces petites bestioles à leurs “pouvoirs” de transmettre des maladies mortelles. “Qui sont-ils ? Où sont-ils ? Comment s’en débarrasser ?” Trois questions pour trois parties d’un ouvrage qui oscille entre récit de voyage et essai scientifique.

Et c’est là où ça coince… Erik Orsenna a arpenté le globe du haut de ses 70 ans, grand bien lui fasse, il a pris l’air (zzzzz). Mais, côté lecteur, on s’interroge sur la nécessité de cette succession de déplacements qui n’apportent rien au sujet lui-même puisque cela se résume à un bref entretien avec le responsable de tel ou tel laboratoire, sans plus d’éléments sur le pays en question.

Si on peut saluer l’aspect didactique de l’ouvrage, on en sort la tête lourde. À trop vouloir en faire, on s’y perd…

Pour en savoir plus

La critique de Paris Match; L’interview d’Erik Orsenna dans “La Tête au carré” sur France Inter; Le point de vue de “La Grande librairie” sur France 5; Le replay du “Livre du jour” sur FranceInfo.

“La géopolitique du moustique”, Fayard, 268 pages, 19 €.

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