Le King Hallyday nous a quittés

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4 min readDec 6, 2017

LA star du rock français s’en est allée à l’âge de 74 ans. L’artiste aux 42 disques d’or, qui a passé 59 ans de sa vie à chanter sur scène, laisse ses fans des premières années yéyé aux générations bercées par ses tubes électrisés, littéralement endeuillés. Avec ses yeux de chat, sa crinière soleil, sa voix de velours, son jeu de jambes, son visage perlé par la sueur; lui seul savait “allumer le feu”. Afin de rendre un bel hommage à l’idole des jeunes devenue une vieille canaille, capable de jouer dans une petite salle comble à Faim-lès-Moutiers comme dans un Stade de France plein à craquer, la rédaction d’upday vous retrace les moments forts de sa carrière. Rock’n’roll attitude !

par Aurélie Lalanne, journaliste upday France

(Keystone/Hulton Archive/Getty Images)

Sur les traces du King

C’est dans les années 50, dans la célèbre salle parisienne du Golf Drouot, que les jeunes artistes et ferrus de rock’n’roll se réunissent pour découvrir les riff américains. Jean-Philippe Smet reprend alors des chansons d’Elvis Presley et passe quelques auditions sans lendemain.
C’est à l’âge de 20 qu’il entre dans la lumière : le 30 décembre 1959, l’interprètation de “Party” de son chanteur fétiche (titre traduit par “Viens faire une partie”) à l’émission de radio “Paris Cocktail” lui vaut d’être remarqué par le duo d’auteurs-composition Jil et Jan. Ces derniers le présentent à Jacques Wolfsohn de la maison de disques Vogue. L’année suivante, le premier disque de Johnny Hallyday -pseudonyme emprunté à l’ami de sa cousine Lee Halliday — est dans les bacs, avec une faute de frappe. Quelques mois plus tard, il enregistre “Souvenirs souvenirs”, son premier succès que voici : (attention, images d’époque).

À plein tubes

Son premier 33 tours “Hello ! Johnny” sort au tout début des années 60. Un titre de bonne augure pour le jeune guitariste dont le nom va tourner sur toutes les platines pendant les décennies qui suivront. De “Da dou ron ron” à “Pour moi la vie va commencer” pour ce qui est des années yéyé à “Noir c’est noir”et “Je suis né dans la rue”, Johnny se taille sa place sur le hit parade français. Parce que vous n’auriez pas le courage de lire jusqu’au bout cet article si par bonheur nous vous listions toutes ses plus belles chansons, voici une sélection composée avec réflexion. On monte le son :

1964. Après trois années couronnées de succès, Johnny Hallyday part faire son service militaire. Le chanteur enregistre quelques titres pour Philips pendant ses permissions mais de manière épisodique alors que la scène yéyé bat son plein. Carlos fait part à Hugues Aufray, passé maître dans l’art d’adapter les chansons anglophones pour la France, que Johnny Hallyday souhaite reprendre le tube des Animals. “The House of the Rising Sun”. Le morceau raconte l’histoire d’une jeune fille de la Nouvelle Orléans dont le père est alcoolique et le frère accroc à la cocaïne, qui se retrouve à travailler dans un bordel prénommé “The Rising Sun”. Changement de registre pour la VF : “J’ai décidé de faire de Johnny un jeune marginal, un peu rebelle mais sympathique” confie Hugues Aufray sur “Nostalgie”.
C’est le parolier Gilles Thibaut qui écrit “Que je t’aime” à Johnny en 1969, l’année élue érotique par Serge Gainsbourg. Et ça marche : le titre est resté 11 semaines à la première place des ventes en France, un record cette année là. Plusieurs traductions ont été faites dont une adaption japonaise qui vaut le détour. À écouter ici.
En 1985, Michel Berger et Johnny Hallyday travaillent ensemble pour la toute première fois et accouchent de l’album emblématique Rock’n’Roll Attitude dont la chanson “Quelque chose de Tennessee” en est extraite. Elle rend hommage au dramaturge américain Tennessee Williams (Thomas Lanier Williams), auteur, entre autres, de “Un tramway nommé Désir” et de “La ménagerie de verre”.
Jean-Jacques Goldman signe “Je te promets” en 1986 de l’album Gang. On y retrouve “L’envie”, “Je t’attends”, “J’oublierai ton nom (en duo avec Carmel)”, “Dans mes nuits… on oublie” et “Laura” dédié à sa fille né en 1983.

Une bête de scène

Si la voix de Johnny, très singulière, a su traverser les époques, c’est surtout sa présence infatiguable sur scène qui coupe le souffle. Des crises d’hystéries de groupies déchaînées à l’Olympia aux fans convertis arborants le t-shirt à son effigie, ses concerts étaient une expérience incomparable. Avec 183 tournées et 3200 concerts au compteur, Johnny Hallyday n’a jamais déçu. La preuve avec ces extraits de concerts indélébiles.

25 octobre — 12 novembre 1962. C’est la seconde fois que Johnny monte sur la scène de l’Olympia pour faire danser le twist, le rock et le mashed potatoes à son public. Mais c’est la première fois que l’artiste est filmé pendant sa prestation. Et 55 ans après, il n’a pas à en rougir.
1976. Pendant un mois, Johnny se produit au Palais des Sports réunissant 200 000 spectateurs en 35 représentations. Jeux de lumières et de lasers, nuages de fumées… Les effets scéniques sont novateurs pour l’époque. Le spectacle se clôture sur “La Musique que j’aime”, introduite par un long solo de guitare de Jean-Pierre Azoulay.
Johnny a fêté ses 50 ans au Parc des Princes faisant une entrée sur scène très remarquée. À cette occasion, son fils David le rejoint sur scène à la batterie pour ”Oh ! Ma jolie Sarah”. Michel Sardou, Syvie Vartan, Paul Personne ou encore Eddie Mitchell vienent également partager son micro.
Rien n’est jamais trop fou pour le rockeur : en 1998, il débarque au Stade de France…en hélicoptère piloté par son ami Michel Drucker. Sur scène, il invite Lara Fabian pour interpréter “Requiem pour un fou”.
Quand on pense à Johnny, nous vient directement à l’esprit cette chanson écrite par Zazie. Interprétée devant la Tour Eiffel sur le Champs de Mars le 10 juin 1999, pour un concert gratuit devant 500 000 spectateurs, l’artiste fête ses 40 ans de carrière et le passage anticipé au prochain millénaire.
Johnny Hallyday, Eddy Mitchell et Jacques Dutronc, les trois amis du rock français, sont remontés sur scènes en 2014 lors de six représentations à Bercy. Forts de leur succès, ils sont partis en tournée dans 17 villes de France.

Face caméra

Western, SF, comédie populaire, film de gangster. Johnny, l’acteur, s’est essayé à tous les genres cinématographiques. Depuis son apparition en tant que simple figurant dans Les Diaboliques de Henri-Georges Clouzot et son premier rôle, dans son propre rôle, D’où viens-tu Johnny ? de Noël Coward avec Sylvie Vartan, Johnny Hallyday a réussi à se faire un nom dans le 7e art avec près de 40 films.
C’est dans les années 80 et aux côtés de son épouse Nathalie Baye qu’il rencontre Jean-Luc Godard. Ensemble, ils tournent Détective. "Je voulais absolument casser mon image, briser le mythe, séparer ma carrière cinématographique du show-business. Il me fallait pour cela Godard ou Pialat. Ce fut Godard, après quoi Pialat n'a plus voulu de moi pourPolice’ parce que j'avais tourné ‘Détective’. Godard n'est pas un type rassurant. Il te dit un matin que tu étais à chier la veille, ça te ratatine, tu n'as plus envie que de te barrer, mais c'est une expérience" confiera-t-il. Se suivent des tounages moins douloureux avec Conseil de famille de Costa-Gavras, Love Me de Laetitia Masson où il donne la réplique à Sandrine Kiberlain jusqu’à L’homme du train de Patrice Leconte avec Jean Rochefort. Si le film est un échec commercial (400 000 entrées en France), à 60 ans, son interprétation sera récompensée par le prix Jean Gabin. Quatre ans plus tard, il tourne avec Fabrice Luchini qui incarne un fan dans le film Jean-Philippe. “Je le connais depuis longtemps. Je le vois à tous mes concerts. Nous avons passé des soirées ensemble et je l’avais déjà vu “chanter” mes chansons ! Je l’ai vu monter sur une table en public, saisir une bouteille comme un micro et m’imiter. Ce rôle lui était prédestiné. S’il n’avait pas pu le jouer, je n’aurais pas pu faire le film” affirme Johnny. Mais si on doit retenir un film de sa carrière d’acteur, ce serait “Vengeance” du réalisateur hongkongais Johnnie To. C’est l’histoire d’un père et ex-tueur professionnel, qui arrive à Hong Kong pour venger sa fille, victime de tueurs à gages. Présenté en compétition officielle au 62e festival de Cannes, ce rôle donne à l’artiste une renommée internationale. Ce qui n’était pas gagné d’avance : le metteur en scène ne connaissait pas la star française qui voulait confier le rôle à Alain Delon : “Mes producteurs m’avaient donné des DVD de certains films, et de quelques concerts, raconte-t-il. J’ai tout de suite vu qu’il avait une grande masculinité. Les concerts m’ont fait comprendre l’immensité de sa popularité. Je n’imaginais pas l’idole qu’il était ! Son allure, sa silhouette, sa présence, son visage, et ses yeux incroyables, chargés d’un passé qu’on imagine intense.” Et surtout sans égal.

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