“L’insulte”, l’onde de choc libanaise, nommée “Meilleur film étranger” aux Oscars

Mais pourquoi ce film connaît-il une telle trajectoire ? Du Proche-Orient jusqu’en Amérique, le film franco-libanais de Ziad Doueiri « L’insulte » est une onde de choc. Au Liban, ce film, sorti il y a un mois, a atteint des chiffres historiques avec 21.000 entrées dès les 4 premiers jours de sa projection. C’est aussi le premier film libanais à être nommé “Meilleur film étranger” aux Oscars ce dimanche 4 mars et à avoir reçu le “Prix d’interprétation” à la Mostra de Venise, pour un acteur du monde arabe, le Palestinien Kamel El Basha.

The upday team
Le blog d’upday
3 min readMar 1, 2018

--

Par Pauline Hayoun, journaliste upday France

“L’insulte”, film réalisé par Ziad Doueiri, nommé pour l’Oscar du Meilleur film étranger

+Quand une simple querelle devient une affaire d’Etat

Le film part d’une simple querelle, dans le Beyrouth (capitale du Liban) d’aujourd’hui, entre deux personnes de communautés différentes, un chrétien libanais (Toni Hanna) d’extrême droite et un Palestinien réfugié qui travaille illégalement au Liban (Yasser Salameh). Cette altercation va provoquer une véritable affaire d’Etat. Surtout, elle est la métaphore d’une guerre plus générale. Elle débute alors que Yasser gère un chantier en-dessous de chez Toni. La gouttière du dernier fuit et arrose le premier. S’ensuit une altercation entre les deux hommes, à l’issue de laquelle Yasser insulte Toni de “sale con” qui répond en s’en prenant à la cause palestinienne. L’affaire est ensuite portée devant les tribunaux. Médiatisée, elle échappe au contrôle des deux protagonistes et prend des proportions nationales dantesques, réveillant ainsi les vieux démons de la guerre.

Image du film “L’insulte” (Adel Karam dans le rôle de Toni Hanna)

+Un des rares films à traiter de la mémoire de guerre au Liban

Selon un spécialiste du Liban, Raphaël Gourrada, si ce film a créé l’événement au Liban (et dans le monde), c’est parce que “c’est une des rares œuvres à traiter de la question de la mémoire de guerre au Liban”. En effet, les conflits civils, qui ont embrasé le pays de 1975 à 1990, sont encore très présents dans les esprits. Tous les Libanais ont en mémoire ce long et douloureux épisode, et le souvenir de la guerre, entre chrétiens libanais et Palestiniens réfugiés au Liban, est omniprésent. Si la guerre civile libanaise sert de toile de fond à l’histoire, deux événements spécifiques prennent progressivement le pas : la tragédie des massacres conduits par des miliciens chrétiens d’extrême droite à l’encontre des réfugiés Palestiniens puis, le massacre, en 1976, de Damour, ville au sud de Beyrouth principalement habitée par des chrétiens qui causa la mort de plus de 500 civils, chrétiens pour la plupart.

Image du film “L’insulte” (au centre, Kamel El Basha dans le rôle de Yasser Salameh, prix d’interprétation à la Mostra de Venise )

+Un réalisme qui lui vaut une nomination aux Oscars

Aussi, “le film dépeint avec justesse certains aspects de la société libanaise”, toujours selon Raphaël Gourrada. De la prudence à avoir quand on travaille dans un quartier qui n’est “confessionnellement” pas le sien, au poids de la mémoire dans les actions politiques et juridiques, aux non-dits sociétaux ou encore au poids de la guerre dans les représentations de l’autre, et en particulier du voisin palestinien. Avec “L’insulte”, le réalisateur Ziad Doueiri, qui a notamment été l’assistant de Quentin Tarantino et réalisé la série française “Baron Noir”, a voulu traiter la question de la mémoire au Liban mais également celle des tensions tenaces qui agitent la société libanaise. Il délivre toutefois un message positif d’indulgence qui a, certainement dû interpeller les membres de l’Académie des Oscars. Raphaël Gourrada rappelle enfin que “c’est par son réalisme que “L’insulte” représente aussi une étape importante dans le travail de mémoire que les Libanais peinent encore à effectuer”.

--

--