Peut-on parler d’une vague homophobe en France ?

En 2017, l’association SOS Homophobie recensait une hausse de 4,8% de témoignages d’actes “LGBTphobes”, et une hausse de 15% d’agressions physiques par rapport à 2016 : des chiffres qui traduisent une homophobie qui ne cesse de progresser… Un article, une interview et une infographie pour comprendre.

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Le blog d’upday
4 min readOct 26, 2018

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Pauline Hayoun, journaliste upday France

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+Une série d’agressions inquiétante à Paris

Les lieux publics représentent le premier contexte dans lequel ces agressions physiques ont lieu (45% des cas). Rien qu’entre septembre et octobre 2018 à Paris, un jeune comédien s’est fait insulter et frapper à la sortie d’un théâtre alors qu’il était avec son compagnon, un homme a été agressé car il était maquillé, le président de l’association Urgence Homophobie s’est fait casser le nez car il rigolait un peu trop fort avec ses amis, deux hommes ont été frappés par un chauffeur VTC, dérangé qu’ils s’embrassent sur la banquette arrière de son véhicule…

+Un retour en arrière ou une homophobie plus visible ?

Alors qu’il y a, visiblement, de quoi s’inquiéter d’une vague de violence envers les homosexuels dans la capitale, la préfecture de police avait pourtant enregistré une baisse d’actes à caractère homophobe de 37% entre janvier et septembre, par rapport à la même période en 2017. Alors pourquoi avons-nous, en ce moment, l’impression que les actes homophobes se multiplient ? Est-ce un retour en arrière qui se traduit par une véritable libération de paroles et d’actes, ou est-ce parce que ces violences sont tout simplement plus visibles avec un mouvement LGBT+ plus fort sur les réseaux sociaux ?

+Une haine qui a toujours existé

Selon Joël Deumier, président de SOS Homophobie interrogé par upday, « il y a un fossé entre le nombre de témoignages et les dépôts de plaintes ». En effet, à chaque fois, des images de ces agressions sont publiées et largement partagées sur les réseaux sociaux, mais de nombreuses victimes ne vont pas déposer pour autant déposer plainte. Cette haine « difficilement quantifiable existait déjà hier et existe encore aujourd’hui, c’est la visibilité qui lui est donnée qui change cette fois ».

+Des agressions qui augmentent à cause des débats actuels

Cette soudaine vague d’agressions homophobes s’explique aussi par les débats actuels concernant la “PMA pour toutes”. En effet, à chaque fois qu’une réflexion s’ouvre sur les droits des homosexuels (Pacs, Mariage pour tous…), cela se traduit par une recrudescence des actes homophobes : en 2012–2013, pendant le débat sur le Mariage pour tous, les associations LGBT ont enregistré une augmentation de 78% des violences. Aujourd’hui, aux premières heures du débat sur l’ouverture de la procréation médicale assistée à toutes les femmes, les associations ont déjà enregistré une augmentation de 38% des agressions.

Interview : Killian Montesqieu de l’association Le Refuge, qui accompagne les victimes d’homophobie

Propos recueillis par Pauline Hayoun

DR

+Est-ce qu’aujourd’hui au 21ème siècle, dans une grande ville comme Paris, en tant qu’homosexuel on est censé se sentir en danger ?

Surtout pas. Parce que même s’il y a une hausse de ces actes, il faut pouvoir relativiser. Certes, on connaît une hausse des actes homophobes mais il ne faut pas oublier qu’en général en France, il est possible pour un LGBT de vivre relativement en paix. Au final, le fait de se résigner et d’avoir peur ce serait laisser la victoire aux homophobes et leur donner raison. Il faut continuer à être visible et à lutter contre les préjugés. C’est en faisant front commun contre les inégalités qu’on pourra permettre d’éradiquer ces fléaux. Les victimes d’homophobie doivent savoir qu’elles ne sont pas seules. Il faut vraiment lutter contre l’exclusion. Il faut travailler à ce que tout le monde puisse être bien dans sa peau.

+On parle beaucoup d’agressions homophobes ces derniers temps, y a-t-il vraiment une recrudescence, ou est-ce la conséquence d’une supposée visibilité médiatique accrue ?

On ne pas nier en France la recrudescence des actes homophobes. Ces dernières années, on voit plus de personnes LGBT, que ce soit dans les séries, les médias, dans la rue… la visibilité est beaucoup plus importantes, donc qui dit plus de visibilité dit plus d’actes et de haine contre les homosexuels. C’est aussi lié à l’ouverture des débats actuels, sur la PMA ou la GPA notamment. Ces débats, qui sont relancés en ce moment, comme pour les débats du mariage pour tous, ravivent les tensions. Il ne faut pas minimiser ces agressions et leur fréquence mais, à l’heure actuelle, je ne pense pas qu’on puisse parler de “vague homophobe” car ce sont des mots trop forts par rapport à la situation.

+Qui sont les agresseurs ? Et pourquoi vont-ils jusque là ?

Il n’y a pas de profil-type, ni pour les victimes ni pour les agresseurs. C’est pour cela que ces agressions sont très compliquées à prévoir, ça peut arriver n’importe où, n’importe quand, de la part de n’importe qui. L’agresseur peut aussi bien être le jeune de cité que la vieille retraitée. Cette haine peut être motivée par une grosse incompréhension et le fait de ne pas “connaître”. Ça peut être autant dû à des convictions religieuses, qu’à des a priori, des préjugés… les causes peuvent être extrêmement différentes. C’est tellement intime et personnel comme sujet que les réactions et les causes peuvent être aussi tout aussi personnelles.

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