Le smart building, intégration numérique du système d’informations bâtimentaire

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16 min readApr 12, 2023

Entretien — Sébastien Meunier — Président, Smart Buildings Alliance,Vice-président Relations Institutionnelles France, ABB

Sébastien Meunier est vice-président relations institutionnelles d’ABB France, Président co-fondateur de l’association Smart Buildings Alliance for Smart Cities (SBA) depuis 2012.

Comment en êtes-vous arrivé au smart building ?

Je travaille sur la question du numérique dans l’immobilier depuis à peu près vingt ans. Je me situe de formation plutôt du côté du numérique toutefois. J’ai en effet suivi un cursus académique en informatique, en réseaux télécom et en systèmes informations, ce qui a exercé une forte influence sur mon approche de l’immobilier et ma vision du smart building. Au cours de ma carrière, j’ai travaillé à peu près pour moitié dans l’industrie, c’est-à-dire dans la technologie, et pour moitié dans les installations et les services, c’est-à-dire la mise en œuvre et l’intégration des différents systèmes techniques. Le mot intégration ici est important : c’est en effet le numérique qui fait la différence entre l’installation et l’intégration d’une solution technique dans un bâtiment. L’usage d’un numérique responsable au service des parties prenantes dans les bâtiments implique en effet une conception, un dimensionnement, une mise en service, une réception du service et un maintien en condition opérationnelle qui prennent en compte les spécificités dudit numérique — ce qui ne se résume pas à un ensemble de produits installés.

Mon intérêt pour l’immobilier est ancien, et s’explique par le tournant numérique du secteur. A cet égard, ma vision de l’immobilier est plutôt sectorielle. Dans mon quotidien de 2023, je ne suis ni dans les affaires, ni dans le business quotidien qui relève du travail des équipes de terrain : je suis positionné dans le suivi de l’évolution du secteur et de ses grands drivers dans le contexte de son inflexion digitale. Mon activité consiste ainsi à anticiper les besoins que génèrera le déploiement du numérique dans l’immobilier à différents horizons temporels ; ma préoccupation principale est le déploiement effectif et l’adoption d’un numérique responsable pour atteindre de nouveaux paliers de performance (énergétique, environnementale, de services aux exploitants et aux occupants). Je me situe ainsi à l’intersection de deux industries majeures, l’immobilier et le digital, que beaucoup de choses opposent, à commencer par leur rapport au temps : l’immobilier relève du temps long, les innovations numériques du temps court. C’est pourtant deux poids lourds de l’économie française, européenne et mondiale. A ceci il faut ajouter la dimension « énergies », sans laquelle nos activités dans les bâtiments et dans la ville ne seraient pas possible au sens où nous le souhaitons en termes de performance d’usages. Le sujet est par conséquent volumineux.

Smart building

L’immobilier et le numérique, deux mondes asynchrones

En France, le secteur de la construction représente 171 milliards de chiffre d’affaires par an. C’est gigantesque. Sa chaîne de valeur est également impressionnante. Comme il s’agit d’un marché très dispersé, il est aussi volumineux par le nombre d’acteurs concernés, qui ont chacun des préoccupations très différentes, pour un total de 602 000 entreprises (souce : CSF IPC du conseil national de l’industrie). A ce titre, dans le secteur du logement par exemple, propriétaires et locataires sont deux acteurs aux intérêts parfois divergents, mais ils sont loin d’être les seuls : le plombier fait lui aussi partie du scope, tout comme le promoteur, l’entreprise de construction, le brooker, le marchant de bien, le notaire, l’électricien, l’architecte, l’ingénieur, le tailleur de pierre… Dans cette industrie se côtoient aussi bien des grands groupes internationaux, des PME et des startups. Ce monde très hétérogène et dispersé, pour ne pas dire divergeant, de l’immobilier s’est soudain accru avec l’arrivée de nouveaux entrants, propulsés dans le bâti par la révolution numérique.

C’est sur ce constat que nous avons fondé la SBA : notre objectif était dès 2012 de rassembler tous ces acteurs qui finalement interviennent sur le même objet — le bâtiment dans la ville. C’est assez curieux d’ailleurs que jusqu’à une date très récente, tous ces acteurs qui s’intéressaient à l’immobilier pensaient intervenir sur des objets différents, un peu comme s’il y avait un marché du bâtiment pour les plombiers, un autre pour les syndics de copropriété, un autre pour des grands groupes de construction, un autre encore pour les GAFAM… Il est exact de dire que les préoccupations sont différentes, mais à la fin de l’histoire, on parle bien du même ouvrage physique. Il n’y a donc qu’un seul objet, le bâtiment, co-produit par tous ces flux de personnes et de parties prenantes et qui sera utilisé et rénové pendant de nombreux cycles de plusieurs dizaines d’années chacun, ou plus. Face à l’inflation du nombre d’acteurs, d’intérêts et de visions, on s’est alors proposé de profiter du tournant numérique pour tous se pencher sur le même berceau : c’est la raison d’être initiale de la SBA.

Enfin, quand vous ajoutez la dimension temporelle à l’approche traditionnellement très organique de l’immobilier, tout se complique, car les temporalités que chacun entretient avec le bâti sont asynchrones. Certains entretiennent une relation presque fusionnelle, comme les locataires ou les usagers par exemple (et nous sommes tous des occupants de différents types de bâtiments, ce qui étend cette catégorie à quasiment toute l’humanité) ; d’autres n’interviennent que ponctuellement, comme les ingénieurs réalisant les diagnostics de performance énergétique. Pourtant, l’objet reste là, parfois sur plusieurs siècles. On doit donc considérer cette dimension temporelle complexe à travers des horizons de temps multiples. A la SBA, on s’y intéresse à ce titre sur le court et le moyen terme, à un horizon d’un à deux ans : c’est ce que l’on a fait dans le plan « France relance », juste après la crise COVID. On s’y intéresse également à un horizon plus long, de 10 ans. C’est ce que l’on fait dans la commission prospective de la SBA, où l’on cherche à identifier les éléments structurels, notamment sur le plan numérique, affectant le futur du bâti et de ses marchés. On a à ce titre proposé des référentiels permettant de structurer ce qu’est le numérique pour le secteur du bâtiment. Il y a là-dessus beaucoup de littérature, y compris sur le site de la SBA où se trouvent deux manifestes, des référentiels pour décrire quels sont les caractéristiques que doivent avoir le numérique dans le bâtiment, et bien d’autres publications, dont la plus récente concerne la cybersécurité dans les bâtiments. Et ce n’est pas fini, on a encore beaucoup à écrire, par exemple avec l’intense foisonnement autour de la RE 2020 (Règlementation Environnementale 2020) et son application. Enfin, on doit aussi s’intéresser à l’immobilier à un horizon de plus long terme. C’est ce que l’on fait dans les études avec le Centre Scientifique et technique du bâtiment (le CSTB), où l’on réfléchit sur le devenir du bâti en 2050 — et au-delà.

De la domotique au smart building : le tournant des systèmes d’information intégrés

Le sujet smart building n’est pas tout neuf. Vers 2010–2011, on a commencé à parler de smart grid, que l’on a rapidement appliqué au bâti et que l’on a décliné en smart building, smart home et autres avatars… Dans la continuité de ce mouvement de diffusion d’une innovation numérique dans l’immobilier, nous avons fondé la Smart Buildings Alliance en 2012. Onze ans plus tard, on commence enfin à avoir une certaine maturité sur la question. Il faut bien se dire toutefois qu’il y avait déjà du numérique dans les bâtiments depuis très longtemps. Le côté « smart » vient alors surtout souligner une nouvelle perception de ce que le numérique apporte au bâti, avec de nouveaux usages, de nouveaux services, et une nouvelle génération de technologies. En particulier, la révolution du « smart » en immobilier a fait réaliser que le bâtiment est, depuis longtemps, non seulement inséré dans un système d’information que le numérique vient structurer et renforcer, mais qu’il est en plus un système d’information en soit. Si bien qu’il faut ici abandonner deux idées-reçues. D’une part, le smart building n’est pas un bâtiment avec des automatismes ; c’est un bâtiment avec un système d’informations. La distinction est fondamentale. Ce qui relève des fonctions et des services automatiques, c’est la domotique — et ce concept remonte à plus de trente ans en arrière. D’autre part, ce n’est pas le numérique qui crée le système d’information d’un smart building : il en est juste la structuration technologique, et non le contenu informationnel. Développons successivement ces deux points fondamentaux.

La domotique renvoie à l’ensemble des techniques visant à intégrer au bâtiment des automatismes, par exemple en matière de gestion de l’énergie (éclairage, chauffage, climatisation), de communication, de circulation (ascenseurs, flux d’air…), ou encore de sécurité. La dimension intégrative suppose du numérique et de l’informatique, bien entendu, mais la version analogique des automatismes existe depuis plus de cent ans pour certaines fonctionnalités (comme les téléphones). Quand on dit automatisme, on parle d’une dépendance immuable entre une entrée et une sortie : un automate relève à cet égard du champs des automaties finies déterministes — c’est le cas des « machines à café ». Quand on insère par exemple 50 centimes dans une machine à café, et que l’on appuie sur la touche « expresso », on obtient immanquablement un expresso. Parfois, il peut arriver qu’il manque du sucre, ou que seule l’eau coule si les grains à café sont épuisés, mais le fonctionnement est immuablement identique : à une entrée unique, correspond une sortie unique (en l’occurrence, un expresso). Le fait que ce soit analogique ou numérique n’est pas trop le sujet. Le sujet est ici de savoir si l’automate fait ce qu’on lui a demandé, ni plus ni moins.

Les innovations de type « machine à café » : l’analogique ou le numérique ne changent pas la nature d’une automatie.

Quand on parle de « smart », on ajoute d’autres dimensions à l’automatie déterministe, qui n’est alors pas constitutive de la définition du système technique afférent. En plus de nouvelles fonctions liées aux usages et à la façon d’utiliser la technologie (c’est-à-dire à une nouvelle interaction usager-technologie ou usager-usager via la technologie), ce qui change fondamentalement est que le « smart » révèle un système d’information à double détente : celui intégré dans le bâtiment ; celui qu’est le bâtiment en soi. C’est là la différence principale entre l’automatisme (la domotique lorsque l’automatisme est intégré par le numérique) et le « smart ». De façon plus générale, en sortant du champ de l’immobilier, le décollage d’Internet, des réseaux sociaux, du e-commerce… nous a bien montré ce qu’était la différence entre le « smart » et les automatismes, quand bien même ces derniers sont adossés à du numérique.

Boulier chinois, calculatrice, même principe

Le smart building ne se définit pas par des automatismes, mais par l’intégration numérique de son système d’information. Une fois dit cela, il convient de bien prendre la mesure de ce qu’est un système d’information. Pour l’illustrer, prenons l’exemple des technologies de comptabilité. Les Chinois ont inventé le boulier au XIIIème siècle pour faciliter les calculs. Bien plus tard, le XXème siècle a remplacé l’analogique par le numérique, avec la calculatrice, permettant de rendre la comptabilité plus efficace. La différence entre la calculatrice et le boulier, c’est l’automatisation : la calculatrice est un automate. A chaque fois que l’on tape sur les touches 5, X, 5 et égal, on obtient 25. Cela en fait-il pour autant un système d’information, comme ceux que nous avons dans nos entreprises ? Non, car l’automate ne structure aucune information : il réalise juste de façon automatique une opération. Que ce soit un calcul, ou la production d’un café, ne change rien. Si on compare le boulier, qui est un support, et la calculatrice, qui est un automate, à un logiciel ERP (Entreprise Ressource Planning), on réalise à quel point la comptabilité change de dimension : il ne s’agit pas seulement de service (l’automatie repose elle aussi sur un service), mais bien d’une architecture structurant les flux et les stocks de données, rationnalisant les traitements en soutien à l’activité humaine — soit la définition de ce qu’est un système d’information. Le smart building est à cet égard la même chose qu’un ERP pour la comptabilité : c’est le produit de l’intégration d’un système d’informations, certes numérisé, au fonctionnement d’un bâtiment.

Toute activité immobilière est comprise dans des systèmes d’informations non nécessairement numériques

Un autre point conceptuel est essentiel pour comprendre les smart buildings. Quand on parle de système d’information, on ne parle pas forcément d’informatique ou de numérique. Dit le plus simplement possible, un système d’information est une façon d’organiser et de soutenir l’activité humaine, alors que le numérique est une façon de traiter l’information, et l’informatique un outil. Dans les trois cas, des données viennent nourrir le système d’information. Pour maximiser le bon fonctionnement des systèmes d’information, on les a numérisés, et on utilise la puissance des ordinateurs pour réaliser plus facilement des opérations complexes et échanger plus rapidement les données : par conséquent, tout ou partie des flux adossés au fonctionnement des systèmes d’information, comme les données elles-mêmes, sont numérisés et soutenus par des outils informatiques. Les outils informatiques ne sont pas pour autant le système d’information, et le système d’information n’est pas entièrement soluble dans les outils informatiques. Confondre l’outil et la méthode, l’architecture et le contenu, est une erreur très commune en entreprise et lorsque l’on déploie des logiciels informatiques.

Evidemment, au XXIème siècle, il faut un système informatique pour soutenir un système d’information, mais le système informatique n’est pas le système d’information. Si on reprend l’exemple de la comptabilité, on le réalise plus facilement sans doute que dans le secteur du bâti. Que s’est-il passé lorsque le numérique a pénétré les entreprises ? Tout le monde a sorti sa fameuse petite feuille Excel, et a classé ses informations dans son coin, sans structuration d’ensemble. On a alors très rapidement compris que l’on avait un grave problème de structuration de l’information. Bien que toute l’entreprise fût informatisée, bien que toutes les informations fussent numérisées, le système d’information était inexistant : dans ce cas, il ne s’agit pas d’un problème d’outil informatique en tant que tel, mais un problème de flux, de structuration de données, d’architecture et de traitement : c’est un problème de système d’information. Encore une fois, il ne faut donc pas confondre les outils, le contenu et l’architecture d’ensemble. Ce qui arrive dans les bâtiments depuis 10 ans est l’accélération du déploiement d’objets connectés, nourrissant insidieusement un système d’information fondé notamment sur un système informatique.

Enfin, un dernier point est fondamental pour positionner correctement le smart building par rapport à l’immobilier et au numérique. Quand on dit que les systèmes d’information soutiennent l’activité humaine, le corolaire avéré est que toute activité humaine est comprise dans un système d’information, si rudimentaire soit-il. On n’en a pas forcément conscience, on ne le gère pas forcément en tant que tel, mais les systèmes d’information sont omniprésents, bien avant l’invention de l’informatique. C’est sans doute une constante fondamentale et universelle des activités humaines, à la différence des activités animales. Ce que l’on cherche à démontrer par-là, c’est qu’il n’y a pas de liens entre système d’information et informatique, et que toute activité humaine caractérisée par l’échange, au sens large du terme, génère de l’information immanquablement encapsulée dans un système d’information. C’est par conséquent le cas de l’immobilier. Tous les bâtiments sont, depuis l’origine, dotés d’un système d’information et/ou inséré dans un système d’information.

On peut prendre l’exemple des quittances de loyer pour illustrer ce point. La quittance de loyer est un flux, qui concerne au minimum deux parties — le bailleur et l’usager. Elle est rendue possible par un traitement d’information et par un échange de données de plusieurs ordres (financier, juridique, administratif, comptable…) : il s’agit donc d’un élément intégré dans un système d’information. Le fait que cette quittance soit traitée manuellement par papier, physiquement par quelqu’un qui se déplace en toquant aux portes, ou par virement bancaire automatisé, ne change rien à la nature de l’opération ni au fait qu’elle appartient à un système d’information. Bien sûr, le numérique et l’informatique rendent le règlement de la quittance bien plus efficace et y ajoutent des automaties. Mais le niveau d’informatisation est un point de détail de mise en œuvre : conceptuellement, on a affaire à un système d’information dès l’origine de l’opération, peu importe les conditions matérielles ou technologiques de son actualisation.

Dans cette architecture, le numérique a toutefois permis de considérablement renforcer le fonctionnement des systèmes d’information. Le tournant numérique des systèmes d’information permet ainsi de les booster d’une façon considérable. C’est un point que de nombreux secteurs d’activité ont compris depuis bientôt une cinquantaine d’années, comme la comptabilité, mais pour lequel le monde de l’immobilier accuse un retard criant. La preuve en est que l’on trouve dans de nombreuses entreprises des Directions des systèmes d’information, indépendantes des Directions des systèmes informatiques, mais quasiment aucune dans l’immobilier : il n’existe pas de DSI du bâtiment, car le principe n’est pas encore naturel. C’est contre ce retard qu’agit notamment la SBA.

Immobilier et systèmes d’informations : l’intégration par le numérique.

Le bâtiment est un système d’information en soi révélé par le tournant « smart »

La raison d’être d’un système d’information est de structurer et de soutenir l’activité humaine. Or, il ne faut pas perdre de vue le fait que la raison d’être d’un bâtiment est elle aussi de structurer et de soutenir une activité humaine : l’hôtel nous soutient quand nous dormons loin de chez nous, le bureau quand nous travaillons, le restaurant quand nous mangeons… C’est un poncif, mais sans bâtiment, il est évident que l’activité humaine fonctionnerait nettement moins bien, car l’immobilier offre de nombreux services qui excèdent celui afférent à la seule fonction d’abriter. Le numérique ne fait qu’amplifier ce point fondamental. Cependant, le numérique introduit aussi une rupture. Cette dernière n’est toutefois pas tant technologique que cognitive et intellectuelle : à l’occasion de l’intégration du numérique dans le bâti, on se rend compte non seulement que le bâtiment vit au travers d’un système d’information qui en soutient l’activité et qu’il héberge en ses murs, mais aussi que le bâtiment est un système d’information en soi. Cette idée peut paraître saugrenue, mais là est la rupture fondamentale. Elle est d’ailleurs très difficile à faire comprendre à quelqu’un qui ne maîtrise pas bien ce qu’est un système d’information, ou un bâtiment. « Vivre dans », « héberger » et « être » sont les trois modes d’interaction entre le bâtiment et le système d’information. Le terme le plus simple est « cyberstructure » qui permet de faire comprendre que le numérique fait partie des « murs porteurs ».

Le principe fondamental qui permet de comprendre que le bâtiment est un système d’information en soi consiste à réaliser que l’immobilier ne se réduit pas à la matière statique : il est animé, en partie car des services lui sont attachés. Il est également irrigué par des flux. On sait depuis longtemps que certains intrants sont indispensables pour que le bâti réalise sa condition d’existence (soutenir l’activité humaine) : l’eau, l’électricité, le gaz, l’air, sont parmi les plus importants. Si de nos jours, on livre un bâtiment sans eau ou sans électricité, il est inopérant — or, la livraison de ces flux constitue un service à part entière. La connexion à Internet entre plus récemment dans cette catégorie. Il y a une vingtaine d’année — hier matin à l’échelle de l’histoire humaine — ne pas raccorder un bâtiment à Internet était une option tout à fait envisageable. A présent, cette simple idée paraît complètement ridicule. Si de nos jours, un bâtiment n’a pas de connexion Internet, s’il n’est pas organisé du point de vue de la gestion de ses flux d’intrants, s’il n’a pas de système d’information, il est inutilisable. C’est donc bien les SI, les niveaux de services et par conséquent les niveaux d’usages permis qui importe dans la valorisation du patrimoine. Cette posture est directement le produit de la révolution numérique du bâti, qui ne l’a pas créée, mais l’a révélée au moment où on a intégré la version numérique des systèmes d’information aux bâtiments — en particulier aux immeubles de bureau. La mise en œuvre de ces concepts est révolutionnaire, et peu de gens en ont conscience : c’est la raison d’être, en partie, des activités de la SBA que de rendre accessible le déploiement d’un numérique responsable dans les bâtiments.

Immobilier, systèmes d’information et numérique : vers la cyberstructure

La révolution cognitive fait toutefois son chemin. La plupart du temps, on réalise que le bâtiment est un SI lorsqu’un sinistre se produit et que le SI progressivement tombe en panne. On peut illustrer ce point avec l’image de l’ascenseur : on ne se rend compte de la hauteur réelle d’un immeuble que lorsque l’ascenseur tombe en panne et qu’il faut monter dix étages (ou plus) à pied. Dans ce cas, on ne peut plus utiliser le bâtiment, il devient inopérant ou inhabitable. Pour un bureau, c’est la même chose avec la panne du SI intégré à l’exploitation : s’il n’y a soudain plus de service de réservation de salle de réunion, s’il n’y a plus d’Internet, s’il n’y a plus de service de connexion à la mobilité électrique, s’il n’y a plus de service de gestion de l’énergie ou des espaces, alors même s’il reste toujours du béton, de l’isolation, un toit, le bâtiment est inexploitable — et ce simplement parce que le niveau de services adossé à l’intégration numérique du SI propre au bâtiment est insuffisant au regard des usages requis pour son bon fonctionnement.

A propos de Raphaël Languillon-Aussel.

Raphaël Languillon-Aussel est le Directeur du projet Asymptotes chez Urban AI et chercheur à l’Institut français de recherche sur le Japon, au sein du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, et expert des questions immobilières et numériques. Docteur et agrégé de géographie, ancien élève de l’École normale supérieure de Lyon, il conduit des travaux sur le tournant numérique de l’économie et des territoires en Asie orientale et en Europe occidentale. Ancien boursier de la fondation Palladio pour la recherche en immobilier, il mène des activités de consulting auprès d’entreprises privées. La série Asymptote est co-financée par la Fondation Schmidheiny et l’Institut GEDT de l’Université de Genève, et hébergé par Urban AI.est chercheur à l’Institut français de recherche sur le Japon, au sein du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, et expert des questions immobilières et numériques. Docteur et agrégé de géographie, ancien élève de l’École normale supérieure de Lyon, il conduit des travaux sur le tournant numérique de l’économie et des territoires en Asie orientale et en Europe occidentale. Ancien boursier de la fondation Palladio pour la recherche en immobilier, il mène des activités de consulting auprès d’entreprises privées. La série Asymptote est co-financée par la Fondation Schmidheiny et l’Institut GEDT de l’Université de Genève, et hébergé par Urban AI.

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