Cambridge Analytica : Mark Zuckerberg au pied du mur

Profil Facebook de Mark Zuckerberg

La protection des données personnelles à la façon européenne a souvent été perçue outre-Atlantique comme un frein rétrograde, voire protectionniste, à l’essor du secteur, tout comme les projets de l’UE de taxer les géants d’internet et les amendes vertigineuses qui ont touché Google ou Apple. Mais le vent a peut-être tourné avec le scandale Cambridge Analytica, du nom de la société qui a exploité à leur insu les données de dizaines de millions d’utilisateurs de Facebook, contraignant Mark Zuckerberg à multiplier les excuses et à louer le strict modèle européen…

Dans mon précédent article, nous avions déjà abordé la protection des données personnelles ainsi que la manipulation de celles-ci. Aujourd’hui, attaquons nous au scandale de l’affaire Cambridge Analytica ébranle le géant Facebook. depuis quelques semaines :

Le début :

Il se dit « pris de remords » par le rôle qu’il a joué dans l’affaire Cambridge Analytica.

Christopher Wylie est un personnage haut en couleur. A 28 ans, ce Canadien a fait des révélations qui ont fait l’effet d’un cataclysme.

Christopher Wylie, le lanceur d’alerte de Cambridge Analytica

Il est l’homme qui a dévoilé au New York Times et à The Observer que Cambridge Analytica, une entreprise anglo-américaine d’analyse de données et de communication stratégique, avait récolté et utilisé illégalement les données de millions d’utilisateurs de Facebook , pour influencer le vote des électeurs américain.

Il raconte s’être décidé à parler peu après l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, un « déclic » montrant l’« impact » que pouvait avoir, selon lui, le détournement de données personnelles à des fins politiques. Et s’est dit « incroyablement pris de remords » par le rôle qu’il a joué dans Cambridge Analytica.

Il décide alors de révéler ce qu’il sait de Cambridge Analytica qu’il a quitté en 2014, tout en y gardant d’étroits contacts. En se confiant d’abord au New York Times et à The Observer puis en accordant un entretien à plusieurs journaux européens, parmi lesquels Le Monde , Die Welt, El Pais et La Repubblica, et enfin, en acceptant d’être auditionné devant un comité parlementaire britannique enquêtant sur les « fake news ».

Un extrait de l’audition de Christopher Wylie devant le Parlement britannique

Oui, j’ai aidé à créer cette boîte », a lancé Christopher Wylie. « Le fait est que j’ai été happé par ma propre curiosité, par le boulot que je faisais. Ce n’est pas une excuse, mais je me retrouvais à faire le travail de recherche que je voulais faire, avec un budget de plusieurs millions, c’était vraiment très tentant », selon ses propos publiés par le quotidien français Libération .

Une visée politique

Il dénonce notamment le fait que la firme cherchait à manipuler les élections à travers le monde et poussait sur Internet les théories du complot dans le but de développer les mouvements d’extrême droite américaines.

Christopher Wylie estime ainsi que les algorithmes de la firme auraient massivement influencé la présidentielle américaine et auraient aidé le président des États-Unis, Donald Trump, lors de sa campagne électorale. Pour cause, le vice-président de la firme est Steve Bannon, ex-conseiller de Donald Trump.

Ce scandale dépasse les frontières américaines car selon Christopher Wylie, Cambridge Analytica aurait aussi influencé le Royaume-Uni en faveur du Brexit, et aurait joué un rôle durant les élections au Kenya.

Un scandale planétaire :

Rien ne va plus pour Facebook depuis les révélations mi-mars sur le scandale Cambridge Analytica. Les données de quelque 87 millions d’utilisateurs du réseau social le plus populaire au monde se sont retrouvées entre les mains de cette firme d’analyse de données qui a par la suite travaillé pour la campagne du candidat républicain à la présidentielle américaine de 2016, Donald Trump.

Mais ce n’est pas tout. Le géant américain est également pointé du doigt pour avoir servi d’outil de désinformation et de manipulation politique lors de l’élection présidentielle américaine de 2016. Et le groupe a également reconnu que les données de quasiment tous ses utilisateurs (plus de 2 milliards) ont pu, à un moment ou un autre, être récupérées sans leur consentement par des organismes tiers.

Un tournant historique

C’est un tournant dans l’histoire du réseau social créé en 2004 et dont le concept a vu le jour sur le campus de la prestigieuse université de Harvard. Car son modèle économique repose sur l’exploitation des données personnelles afin de proposer aux annonceurs d’ajuster au mieux les messages publicitaires et de faire mouche.

Email du Dr Kogan à Mr Wylie décrivant les carctéristiques analysées pour proposer des publicités ciblées aux utilisateurs de facebook.

Et la confiance n’est plus là, ce qui fragilise ce modèle. Le réseau social doit désormais faire face à un mouvement de désabonnement massif : #DeleteFacebook. Selon un sondage Ifop publié dans Le Parisien, un Français sur quatre envisage de supprimer son compte Facebook.

Mark Zuckerberg, le patron et fondateur de Facebook, a dû se défendre devant le Congrès américain pendant plus de 10 heures. Il a présenté ses excuses pour les “erreurs” passées. Et il doit également faire face aux assauts de la Commission européenne qui a demandé jeudi à Facebook de “coopérer pleinement” avec les enquêteurs européens sur le scandale Cambridge Analytica.

Mark Zuckerberg devant le Congrès Américain

«Cela a constitué un abus de confiance très important et je suis vraiment désolé de ce qui s’est passé. Notre responsabilité est de faire en sorte que cela ne se reproduise pas», a déclaré le patron du réseau social dans une interview sur la chaîne CNN.

Il a aussi dit qu’il n’était pas opposé à plus de régulation des entreprises technologiques, et qu’il était d’accord pour venir témoigner devant le Congrès américain. Il a promis des améliorations quant à la protection des données personnelles, en particulier pour les applications tierces auxquelles on se connecte via son compte Facebook.

8 milliards disparus en Bourse…

Le multimilliardaire de 33 ans est désormais sur la touche. Certains investisseurs n’hésitent plus à demander sa démission. Le groupe a perdu plus de 10 % en Bourse depuis mars. Mark Zuckerberg y aurait laissé pas mal de plumes (quelque 8 milliards d’euros selon les calculs de Challenges).

Les géants américains du net vont devoir faire face à une nouvelle donne : la protection des données personnelles. Ce qui pouvait paraître comme un gros mot outre-Atlantique trouve ses lettres de noblesse en Europe au moment ou le Règlement général sur la protection des données (RGPD) doit entrer en vigueur (le 25 mai prochain).

Ce scandale aura véritablement ébranlé Facebook, qui est désormais visé par plusieurs enquêtes des deux côtés de l’Atlantique. En seulement deux jours, le géant américain a perdu 60 milliards de dollars de capitalisation boursière.

Lisa Cacheux

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