Et si… on devenait tous indépendants

Céleste Lévy
Vocation
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6 min readJun 29, 2021

Bonjour, à toutes et tous,

Ici Céleste pour la troisième édition de notre nouveau newsletter, En 2050, les voitures ne voleront toujours pas mais on ira encore au boulot, où l’on explore le futur du travail en écrivant des fictions utopiques (ou dystopiques, c’est vous qui voyez !).

Cette semaine, on vous raconte l’histoire d’Ariane et Yannis.

Si 50% des travailleurs étaient indépendants ?

On est en 2024 et après des années d’enlisement post-Covid, la crise économique semble enfin se terminer. En près de cinq ans, notre rapport au travail a complètement changé : le télétravail s’est totalement démocratisé. Les entreprises se montrent elles aussi très flexibles car ce format leur permet de faire de grosses économies, de loyer notamment. Mais depuis quelques années, une autre tendance est aussi à la hausse : le travail indépendant. Que ce soit par obligation suite aux licenciements et faillites massives au début des années 2020, ou par choix, force est de constater qu’une énorme partie de la population travaille désormais de manière indépendante. Interrogé.e.s dans les médias, les indépendant.e.s avancent de multiples avantages liés à leur nouvelle condition : pouvoir avoir plusieurs activités à la fois, travailler pour plusieurs clients, être libre de choisir ses mission, ne pas subir la pression d’une hiérarchie, habiter où l’on veut…

En mai 2024, une nouvelle loi vient entériner cette tendance et se positionne en faveur des indépendants. Désormais, quand un.e salarié.e veut quitter son entreprise pour devenir indépendant.e, son entreprise est obligé de le.la réembaucher sous ce statut s’il.elle le désire. Immédiatement, on assiste à une vague de départs de salarié.e.s et de réembauches en tant qu’indépendant.e.s, qui atteignent en quelques mois 50% de la population, et ce dans tous les secteurs. Dans le secteur tertiaire bien sûr et chez les traditionnel.le.s cadres, car c’est le secteur plus à même de s’adapter à ce statut, mais aussi dans les secteurs primaires et secondaires (agriculture, artisanat, restauration…), qui sont d’un coup revalorisés, tout le monde devenant plus disponible pour y consacrer une partie de son temps.

L’économie qui entoure ce statut est en plein boom : les plateformes de mises en relation de freelance explosent et des plateformes spécialisées se créent aussi. C’est alors qu’un jeune couple décide de tenter l’aventure…

Ci-dessous Ariane et Yannis : ils se sont rencontrés sur Bumble il y a trois ans et depuis filent le parfait amour.

Ariane, 28 ans, sort de grande école de commerce. A sa sortie d’école, elle a été embauchée dans une boîte tech en tant que product manager, mais elle vient du sud et a du mal à s’acclimater à la vie parisienne et au rythme métro-boulot-dodo. A l’annonce de cette nouvelle loi, elle se dit que c’est enfin le moment de changer de vie. Elle décide de s’installer dans les Landes, là où elle a grandi, et demande à Yannis de venir avec elle. Là bas, elle pourra continuer à travailler pour son entreprise, toujours en tant que product manager, mais 3 jours par semaine seulement. Elle est payée à un tarif journalier, de manière très correcte, et la vie là-bas est beaucoup moins chère qu’à Paris ! Le reste du temps, elle travaille dans le restaurant de ses parents. Elle se dit que les mois où elle voudra gagner un peu plus, elle trouvera facilement des missions de conseil pour diverses boîtes via des plateformes spécialisées. Pour elle, c’est le plan idéal : elle revient dans la région de son enfance et avec sa famille, elle gagne toujours bien sa vie mais en ayant un meilleur cadre de vie, et surtout elle trouve du sens dans ce qu’elle fait.

Yannis accepte immédiatement de partir avec Ariane. Lui, il n’a pas vraiment le même parcours “traditionnel” qu’elle. Après une faculté de cinéma, il a été embauché dans une toute petite société de production de films, où il a travaillé cinq ans avec un maigre salaire. Malheureusement, la boîte vient de faire faillite, après des années de réductions des aides de l’Etat consacrées au cinéma, secteur jugé “non essentiel”. Il est désormais un peu perdu mais il se voit bien de l’autre côté de la caméra : et s’il devenait influenceur, créateur de contenus? Il y a quelques mois, il a fait pour rigoler une vidéo sur Tiktok qui a percé en une semaine et a fait des millions de vues, partout dans le monde : sur le coup, cette histoire l’avait plus fait rire qu’autre chose, mais maintenant qu’il est au chômage, pourquoi ne pas explorer cette voie? Après tout, on est en 2024 : être Tiktokeur est un choix de carrière comme un autre. La proposition d’Ariane tombe donc à pic : il est content de s’installer avec elle, d’autant plus que vivre à Paris commence à devenir trop cher pour lui. Là il sera hors de toute cette agitation, près de la mer. Le cadre idéal pour se lancer à fond dans sa nouvelle activité!

Ils déménagent début janvier 2025. Mais bien évidemment, tout ne se passera pas comme prévu…

Alors qu’Ariane sera la grande gagnante de l’affaire, l’exemple type du.de la freelance “privilégié.e”, la freelance de haut niveau qui ne galère pas, Yannis se rendra compte qu’il s’est lancé corps et âme dans ce projet d’indépendant pour de mauvaises raisons… Cette édition retrace l’histoire d’Ariane : rendez-vous dans deux semaines pour la suite et la conclusion !

Mars 2025, deux mois après. Ariane nage en plein bonheur depuis le déménagement. Elle a l’impression d’avoir totalement changé de vie, en mieux, pas seulement juste à cause de ce retour dans les Landes, mais surtout grâce à ce nouveau statut, qui lui offre énormément d’opportunités :

  • Déjà, comme de plus en plus de citadins se sont rués hors des villes à partir de 2020, la plupart des grosses entreprises et start-ups françaises ont fait un partenariat avec l’entreprise de coworking WeWork pour créer des espaces de coworking géants partout en France, réservés aux freelances travaillant pour ces entreprises partenaires, parmi lesquels Ariane. Et énorme coup de chance, un de ces espaces a ouvert à côté d’Hossegor deux semaines après leur arrivée ! Elle peut donc travailler dans un incroyable cadre de travail et rencontre chaque jour des personnes nouvelles et inspirantes.
  • Par ailleurs, ces mêmes grandes entreprises et start-ups ont prévu un régime spécial pour les indépendants qui travaillent pour eux en freelance. Ce régime comprend notamment l’affiliation à une excellente mutuelle et des cotisations spéciales pour les retraites de ces indépendants. Ariane n’a donc pas trop à s’inquiéter de soucis administratifs et financiers.
  • Enfin, elle vient d’être approchée par une plateforme extrêmement sélective de freelances spécialisés dans le digital et depuis son inscription au site reçoit régulièrement des propositions de mission de conseil très bien payées.

Yannis, au contraire, est plus dubitatif. En effet, il se rend compte que si tout a été plutôt bien prévu pour les freelances et indépendants de haut niveau qui rentrent dans le moule, ça l’a beaucoup moins été pour les autres, comme lui. Il enchaîne en effet galère sur galère depuis qu’il est indépendant…

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