La transformation digitale à l’hôpital : une transformation organisationnelle et culturelle

La transformation digitale comme moyen d’améliorer les performances économique, organisationnelle, sociale et environnementale de l’hôpital

En accélération continue depuis ces dernières années, la transformation digitale est devenue un enjeu stratégique pour toutes les organisations, quelle que soit leur taille et leur secteur d’activité. Le secteur hospitalier n’échappe pas à cette loi. En effet, la mutation numérique de l’hôpital offre de nouvelles perspectives pour les établissements, notamment en matière d’amélioration de la qualité de la prise en charge des patients. Ce qui représente entre autre un levier puissant d’amélioration de la performance des établissements de santé.

L’hôpital Henri-Mondor AP-HP de Créteil.

Le changement des modes d‘interaction à l’hôpital​

En effet, avec l’arrivée des nouvelles technologies digitales à l’hôpital, il semblerait que les informations soient plus claires et circulent beaucoup mieux, et c’est l’une des choses qui permettrait de générer un gain de temps énorme sur la prise en charge du patient.

Parmi les changements notables engendrés par la transformation digitale de l’hôpital, il faut noter une évolution dans la demande d’examen et de transport interne : plus simple et beaucoup plus rapide.

C’est ce que j’ai pu observé lors du déploiement du PTAH aux Urgences du CHU Henri-Mondor :

👁️‍🗨️ Coup d’oeil rapide sur le logiciel PTAH

• Avant le PTAH, les brancardiers devaient garder un œil sur une bannette qui regroupait les prescriptions imprimées puis déposées par les médecins, et sur leur téléphone cellulaire. Avec le PTAH, l’organisation du brancardage est relativement beaucoup plus simple : les brancardiers doivent seulement garder un œil sur leur smartphone.

L’organisation du brancardage aux Urgences avant le PTAH (à gauche) et après le PTAH (à droite)

• Avec le PTAH, les brancardiers ont un accès en temps réel à leur demande de transport, directement sur leur smartphone, via l’application PTAH conçue pour être simple à utiliser, et ainsi ils peuvent exécuter beaucoup plus rapidement leurs courses.
• Avec le PTAH, il y a un accès au nombre de courses effecté par chaque brancardiers du service, et ainsi cela permet de mieux organiser le travail des brancardiers, notamment en rééquilibrant la charge de travail entre eux.

ID du brancardier | Indice de connection | nbr_courses_annulées/nbr_courses_effectuées | Temps d’inoccupation | Position du brancardier

• En améliorant la rapidité et en fluidifiant l’activité, le PTAH a pour effet d’augmenter considérablement le nombre de transports internes dans la journée du service dans lequel il est déployé, entraînant alors une réduction voire une élimination du nombre de retard de transport de patient dans la journée.

Statistiques mi-journée du nombre de courses effectuées par les brancardiers du brancardage central

En outre, avec la tranformation digitale on constate surtout une évolution du mode de collaboration entre le personnel du service (intra-service) et les services entre eux (inter-service).

C’est ce que j’ai pu observé, une nouvelle fois, avec le déploiement du PTAH aux Urgences du CHU Henri-Mondor :

• L’utilisation du logiciel PTAH impliqua l’introduction d’un régulateur qui va servir d’intermédiaire entre les services demandant un transport et les brancardiers​. Les brancardiers ne communique plus directement avec les services.
• La communication entre les brancardiers et le régulateur (a) et celle entre les brancardiers eux-mêmes (b) se fait essentiellement via leurs smartphones.

Différence entre communication verticale (a) et horizontale (b)

Une sécurisation de la prise en charge du patient

Par ailleurs, un des autre aspects positif engendré par l’utilisation des technologies numériques à l’hôpital c’est le renforcement de l’identitovigilance.

L’identitovigilance, qu’est-ce que c’est ?

• L’identitovigilance est l’ensemble des mesures mises en œuvre pour fiabiliser l’identification de l’usager afin de sécuriser ses données de santé, à toutes les étapes de sa prise en charge.

Un renforcement que j’ai eu l’occasion d’observer avec les logiciels PTAH et ORBIS à l’hôpital :

• Avec le PTAH, lorsque le brancardier récupère le patient, il peut scanner le code barre du bracelet d’identification du patient avant le début du transport afin de s’assurer de son identité.
• Avec ORBIS, toutes les informations du patient sont stockées dans le logiciel, et ainsi, chaque patient possède un identifiant patient unique : impossible de confondre les dossiers patient comme c’était le cas avant avec les dossiers papiers.

De plus, on pourrait faire un autre constat : l’usage des outils numériques à l’hôpital permet aussi de sécuriser​ l’environnement de travail du personnel de santé.

C’est ce que j’ai pu observé avec le PTAH :

• Grâce à cet outil, lorsque le brancardier récupère le patient, il a directement accès aux précautions à prendre avec le patient et ses particularités (patient covid, patient contaminé par un microbe dangereux, etc). Le brancardier peut ainsi enfiler son masque et sa combinaison jetable au besoin afin d’effectuer son transport sans risque pour sa santé

Les particularités et les observations annotées par le médecin sont accessibles par le brancardier via son application PTAH

Le changement de culture d’entreprise à l’hôpital​

En considérant l’hôpital comme une entreprise publique, on remarque que la transformation digitale, bien au-delà d’un simple changement matériel et organisationnel, s’accompagne nécessairement d’une transformation culturelle​, d’un changement de culture d’entreprise.

La culture d’entreprise, qu’est-ce que c’est ?

• La culture d’entreprise est un ensemble de connaissances, de valeurs et de comportements qui facilitent le fonctionnement d’une entreprise en étant partagé par la plupart de ses membres.

Les principales manifestations de la culture d’entreprise

C’est ce que j’ai pu observé lors du déploiement du PTAH aux Urgences, qui a bouleversé « la culture du service » avec la manifestation de :

• Nouveaux rituels : à l’image du brancardier qui doit désormais se connecter chaque matin sur son smartphone, puis se déconnecter à chaque fin de service.
• Nouveaux langages : à l’image des options de l’application PTAH et leurs nouveaux termes associés comme « Sur lieu de départ » ou « Rejet au départ », ou bien l’arrivée du terme « Régulation » due à l’introduction du nouveau rôle éponyme au sein du service.
• Nouvelles valeurs : à l’image des régulateurs qui, grâce au PTAH comptabilisant le nombre de courses effectué par chaque brancardier, sont désireux de maintenir un esprit d’égalité en répartissant équitablement la charge de travail. Cependant, nous avons pu constater aussi que cette comptabilisation du nombre de courses engendre aussi un esprit de compétition entre les brancardiers. À un tel point que cela me laisse dire qu’ici la digitalisation a engendré une légère « gamification » du travail pour les brancardiers.

La réduction de l’impact négatif sur l’environnement​

Par ailleurs, il va sans dire que la transformation digitale offre au milieu hospitalier la possibilité de réduire son impact environnemental et notamment celui lié à sa consommation importante de papier.

C’est ce que j’ai pu constater avec l’utilisation des logiciels PTAH et ORBIS à l’hôpital :

• Avec le PTAH, il y a eu une disparition des bons de transport en papier aux Urgences, parce que désormais les demandes de transport se faisaient numériquement.

La banette de bons de transport interne aux Urgences avant le PTAH (à gauche) et après le PTAH (à droite)

• Avec ORBIS, il y a eu une disparition des bons d’examens en papier dans tout l’hôpital, parce que les demandes d’examen sont à faire numériquement. Par ailleurs, il y a aussi eu une disparition du dossier patient en papier, parce que ORBIS permet la gestion partagée du dossier médical patient​, et tout cela informatiquement.

On constate que la transformation digitale permet véritablement à l’hôpital de digitaliser ces procédures administratives, et donc réduire sa consommation en papier considérablement et ainsi amorcer une transition vers « l’hôpital zéro papier ».

L’évolution des compétences du personnel​

Outre toutes ces questions de développement durable, il faut noter que la transformation numérique engendre et implique le développement de nouvelles compétences pour le personnel de santé. De fait, ce phénomène serait à l’origine de l’évolution des métiers mais aussi de l’apparition de nouveaux métiers à l’hôpital.

C’est ce que j’ai pu m’apercevoir lors du déploiement du PTAH aux Urgences :

• L’arrivée du PTAH a clairement provoqué une évolution du travail du brancardier et du médecin en les obligeant à développer de nouvelles compétences digitales/informatiques afin de maîtriser l’outil.
• Avec le PTAH, il y a eu l’introduction du métier de régulateur aux Urgences jusqu’à lors inexistant dans le service. Ainsi, suite à une formation, la secrétaire hospitalière du SAU a due se reconvertir en régulatrice. Mais son rôle étant semi-permanent, cela necessité la formation d’infirmière et d’aide-soignant afin que le service puisse gérer la régulation du brancardage de façon continue (même de nuit).

Notons aussi qu’avec la transformation numérique, il y a apparition de nouvelles données numériques qui ont besoin d’être traitées puis valorisées : les données de santé, ​dont la mise à disposition et l’exploitation, on le sait, sont un des enjeux du XXIe siècle.

Toutefois, au-delà de toute considération bioéthique ou légale, sur le plan de la faisabilité, l’exploitation des données de l’hôpital peut rencontrer quelques freins. C’est l’exemple de la cadre du brancardage central qui avaient la possibilité d’avoir un accès aux statistiques de l’activité du brancardage — via un logiciel dédié lié au PTAH — mais dont la faible maîtrise de l’outil l’empêchait d’exploiter de manière optimal les données.

Cela pose donc la question des freins à la transformation numérique à l’hôpital. C’est ce que j’aborde dans cet article :

Face aux limites de la transformation digitale à l’hôpital​

Mlachahe SAID SALIMO.

Sources :
- Les principales informations ont été récolté durant de mon stage d’immersion au sein du Centre Universitaire Hospitalier Henri-Mondor à Créteil, en été 2022.
- Informations complémentaires : L’hôpital soigne sa transformation digitale, L’identitovigilance, Culture d’entreprise