Ces start-ups qui replacent les usages au cœur des innovations du secteur énergétique

Cette tribune écrite par Christophe Tallec et Luc Jodet écrite en 2015, est mise à jour en 2016 et ce Janvier 2017 avec les derniers exemples de startups illustrant nos propos

L’innovation dans le secteur de l’énergie est très souvent présentée uniquement du point de vue des technologies. La cleantech est un secteur porteur qui attire aujourd’hui de grandes masses de capital risque. Pourtant certaines des succes-stories du secteur de l’énergie de ces dernières années ne se sont pas appuyées sur des innovations technologiques de rupture. Nest aux USA a réimaginé le thermostat pour en faire un objet facile à utiliser, esthétiquement attrayant et “apprenant”. Au Kenya, M-Kopa a introduit la première offre de solaire à la demande et permet ainsi à des populations vivant dans la précarité financière de s’approvisionner en électricité.

Comment y sont-ils arrivés? Nest et M-Kopa ont opté pour une approche centrée sur les utilisateurs plutôt que uniquement sur les technologies. Cette approche met les usages au cœur de la proposition de valeur là où le modèle classique les superpose aux technologies.

On observe trois grands angles à la conception contemporaine que ces nouveaux acteurs de l’industrie énergétique emploient :
Une conception pour l’adoption qui façonne l’expérience de l’utilisateur à chacune de ses interactions avec le service afin d’ancrer cette expérience et d’en maximiser l’adoption. Pour cela ces nouveaux acteurs identifient les motivations, les capacités, les déclencheurs d’un utilisateur afin de générer de nouveaux comportements et in fine de nouvelles habitudes. Ainsi, M-Kopa s’est appuyé sur le geste naturel qu’est devenu le paiement par téléphone mobile au Kenya pour offrir un service d’approvisionnement en énergie solaire à la demande.

Plus récemment, Solar City (Musk son fondateur, l’ayant désormais fait racheter par son autre entreprise Tesla) annonçait en 2016 “la rencontre du produit tuile et de la technologie solaire” en ciblant usage existant et besoin existant de ce produit, en alignant le coût d’un toit solaire à celui d’un toit de tuiles classiques

Une conception pour une transformation durable des habitudes où ce n’est plus l’offre statique mais la capacité d’apprentissage d’un service qui est conçue, apprenant des comportements utilisateurs à chaque interaction. Cette mise à jour est quasi permanente entre l’analyse des comportements utilisateurs, des nouveaux déclencheurs et de nouvelles interactions proposées par le service. Le thermostat de Nest observe le comportement de l’utilisateur et ajuste par lui-même la température du domicile tout en laissant à l’utilisateur la possibilité de passer outre manuellement. L’utilisateur développe ainsi progressivement de nouveaux comportements en interagissant avec l’objet.

Une conception pour la disruption et la création de connaissances associées car ces offres sont enfin conçues pour générer de nouvelles connaissances afin de mieux comprendre les besoins de leur utilisateurs, au-delà de la transformation des habitudes. Ces nouveaux acteurs ne se cantonnent pas à une industrie mais explorent leur chaîne de valeur sous de multiples angles. Ils réorganisent leur offre à tout moment afin de capturer de nouvelles poches de valeur inexploitées. Ils combinent une forte expertise de la donnée (Big Data) et du design pour concevoir une expérience « sans couture », à la fois pour l’utilisateur final et pour l’ensemble des parties prenantes de son service. Ils s’imposent comme des acteurs puissants en devenant l’interlocuteur principal et privilégié, aux points clés de la relation et de l’interaction utilisateur, comme le Fait Nest

Dans une dimension à vocation plus citoyenne et informationnelle, citons par exemple Tmrow sur ces aspects, un projet d’open data montrant sur l’Europe, d’où viennent nos consommations d’électricité et combien de CO2 celles-ci ont émises, http://electricitymap.tmrow.co/ . La connaissance créée et partagée de nos modes de consommations pourrait impacter notre compréhension des enjeux énergétiques, en rendant plus saisissables les impacts des politiques énergétiques sur l’environnement et nos propres comportements, par le grand public.

La mise en œuvre de ces principes n’est pas réservée à ces startups qui en ont fait leur ADN mais sont bien de nouveaux modes de conception à adopter par tous. Ils sont fondés sur le pilotage systémique de connaissances pour corréler création de valeur et adoption. Ils permettent une synergie nouvelle avec vos activités d’innovation de rupture et de recherche et développement, au contact d’un nouveau laboratoire temps réel: l’usage en contexte de vos offres.

Un nouveau regard est à adopter pour tirer pleinement parti de cette transformation des cultures de conception. Elle pose de nouvelles questions dont chacun peut s’inspirer avec quelques interrogations simples.
Quels sont les points de souffrance de vos clients actuels ou potentiels, via lesquels un renouveau de l’expérience vécue à travers vos produits, offres et services sont sources d’adoption et de nouvelles co-créations de valeur ? Pour vous? Pour vos partenaires ? Vos compétiteurs ?
Quelles sont les zones d’expériences utilisateurs stratégiques pour des transformations d’habitudes positives, de votre activité actuelle sur votre marché BtoB ou BtoC ou comme vecteur d’extension vers d’autres industries ?

Quels sont enfin les efforts stratégiques en matière d’innovation à générer sur l’ensemble de votre chaîne de valeur pour renforcer votre position clé dans l’expérience de vos utilisateurs et les zones de connaissances manquantes à consolider ?