Penser l’écosystème de mon projet, concevoir l’écosystème de mon entreprise ?

Christophe Tallec
WDS en Français
Published in
6 min readJan 17, 2017

(NB: Déjà convaincus que l’écosystème de votre entreprise est un élément clé à concevoir ? la deuxième partie de l’article vous en partage une vision)

Introduction

Concevoir l’écosystème de son entreprise n’est plus une activité stratégique à démontrer. Les exemples contemporains sont nombreux. Citons Tesla pour sa capacité d’ingénierie de déploiement, c’est à dire “la manière dont une offre innovante se déploie et l’écosystème associé”, des mots de Christophe Midler. En effet, à l’instar d’autres constructeurs, Tesla a considéré l’écosystème critique de son véhicule et notamment ses bornes de recharges. Celles-ci, installées et fournies gratuitement le temps nécessaire, ont accéléré la diffusion et l’adoption du véhicule, avant que ne soit entamé plus récemment leur monétisation. Le rachat de Solar City par Tesla confirme cette approche d’Elon Musk qui connecte toutes ses activités en écosystème.

Au même titre, Amazon avec Alexa, a fait de son haut parleur un point d’entrée incontournable de la reconnaissance vocale des objets connectés, en pensant très fortement l’écosystème de l’objet et sa capacité à interagir avec.

Cette approche n’est pas nouvelle. Cinquante ans auparavant, Disney avait par exemple construit son empire sur un écosystème vertueux et un pilotage de l’ensemble de ses activités.

L’économie contemporaine ne fait qu’exacerber la pertinence de cette approche qui a pour principe que les “chaînes de valeur” ne sont plus linéaires et que n’importe quel acteur peut prendre n’importe quelle valeur en remontant et en redéfinissant des réseaux de valeurs (Chanal). Ce qu’il faudrait donc plutôt appeler des écosystèmes de valeurs. Apple aurait ainsi été tenté un moment pour étendre son marché de “l’entertainment en mobilité” à l’activité de “constructeur / fournisseur de véhicule autonome”. Cette idée avait presque fait son chemin dans nos imaginaires collectifs. Ou inversement Tesla, générant de la valeur sur ces mêmes territoires qu’Apple et absorbant désormais l’expertise de cette industrie. Comme un logiciel, les ingénieurs de Tesla lancent en production non pas seulement des véhicules mais aussi leurs nouvelles fonctionnalités.

Cependant l’écosystème d’une entreprise est encore un sujet aux contours mal maîtrisés dans nos organisations. Peu d’approches méthodologiques sont aujourd’hui généralisées en interne pour explorer les différentes hypothèses, prototyper ou formaliser cet élément clé de voûte de succès des projets, de la performance et de la mutation de l’organisation. Et pour cause, cet écosystème n’a parfois pas de définition commune car il reste un territoire à concevoir.

Parmi les points de souffrances liés à la formalisation et à la conception d’écosystèmes que nous avons observé au sein des organisations, un premier, central, est à noter. Agréger des connaissances sur les acteurs, leurs relations (flux de valeurs) tout au long des projets, des offres et du point de vue de l’organisation, n’est pas réellement une activité de conception reconnue, pourtant indispensable pour modéliser des scénarios et des stratégies d’écosystème.

Pourquoi cela serait-il utile ? Les applications sont nombreuses. Au delà d’accompagner le déploiement et l’adoption de ses offres innovantes en pensant et faisant muter l’écosystème de l’organisation, par exemple pour systématiser l’exploration de valeur d’offres et activités au sein d’écosystèmes d’acteurs . Valoriser des technologies et des brevets dormants sur des contextes d’acteurs. Ou encore formaliser une stratégie d’innovation ouverte. Et pour le faire de manière transverse et décloisonnée.

Comment concevoir son écosystème ?

Chez WDS, nous avons voulu aborder l’écosystème du double point de vue des sciences de gestion et de l’approche design pour lui donner forme. Représenter visuellement un écosystème fait aujourd’hui consensus, composé :

  • d’acteurs qu’il faudra catégoriser, pondérer, et sur lesquels acquérir les différentes dimensions de connaissance nécessaires au projet
  • et de leurs relations, dans notre cas des flux de valeurs (ces flux
    de valeurs reflètent des activités économiques, d’innovation
    ou de connaissance).

Quelques éléments clés pour aborder la réflexion sur vos écosystèmes, à mettre en perspective de vos projets et de leurs objectifs.

1 / Définir les “dimensions” de représentation et de conception
de votre écosystème

L’écosystème, qu’il soit l’écosystème business, d’innovation ou de connaissances (Valkokari), va tout d’abord être “l’écosystème des objets que vous produisez”. L’identité de ces objets et donc de leur écosystème associés est directement lié à leur conception, dont “une conception innovante déstabilise cette identité” (Hatchuel).

Chaque projet est donc soit l’opportunité d’optimiser et de renforcer l’écosystème de l’entreprise ou de le faire muter, par la conception. Selon le projet, différentes dimensions de l’écosystème sont à définir.

Par exemple sur un enjeu de R&D, inclure la dimension recherche de votre écosystème dans l’effort de conception et représentation. Notamment la spécification et/ou l’identification des connaissances maîtrisées par des acteurs, absentes de votre organisation, sur des volets clés nécessaires au projet.

2 / Orienter l’effort de conception de l’écosystème

Pour optimiser l’acquisition et le management des connaissances lié à un écosystème, il faut adapter, au regard du projet :

  • les processus de définition et d’identification optimum de ces acteurs et de leurs activités au sein d’un écosystème (connaissances, activités, rôles)
  • la scénarisation d’ “alternatives désirables” associée.

Que l’exercice soit réalisé en situation de conception réglée ou de conception innovante, l’écosystème, ces acteurs et leurs relations (flux) seront dans le premier cas existants (les connaissances associées plus ou moins formalisées
et plus ou moins partagées en interne) et dans le second cas à scénariser.

3 / Agréger progressivement les connaissances produites (ou identifier les connaissances à acquérir) qui permettent de réduire les incertitudes

Un projet de conception ou d’innovation (d’offres, de produits), comporte des incertitudes sur ses différents aspects et votre capacité à produire des connaissances est le facteur du succès du projet. Qu’il s’agisse d’acquérir des connaissances sur la pertinence stratégique du projet vous permettant de créer l’adhésion, la manière dont votre organisation va l’adopter, la définition de la valeur pour les différents utilisateurs, sa faisabilité technologique, ou encore son modèle économique.

Il faut donc structurer les connaissances existantes sur un écosystème en situation de conception réglée (certaines pouvant manquer comme des connaissances utilisateur), tout en formalisant les connaissances à acquérir en conception innovante, qui par définition pourrait être une situation sans acteurs ni besoins. Dans ce cas, les contextes et applications d’une technologie peuvent être définies plus facilement pour ensuite en identifier les acteurs et besoins potentiels.

Pour ces acteurs potentiels non définis en conception innovante, il s’agira par exemple :

  • de décrire le rôle de l’écosystème interne d’acteurs et les activités de l’organisation associées au projet (dont les connaissances et expertises seront existantes et à valoriser ou à faire muter)
  • de décrire l’écosystème potentiel d’acteurs externes et les connaissances à acquérir, comme la spécificité des acteurs, de leur rôles, de leurs poids et de leurs flux de valeur autour des contextes envisagés pour ce projet.

Pour compléter cette exploration, nous nous intéressons aux travaux de Xavier Lecoq et Benoît Demil de l’IAE de Lille. Ceux-ci développent l’approche RCOV et formalisent l’idée que “le business model est un filtre de conception et mutation de l’écosystème d’acteurs” et qu’il faut donc aller jusqu’à penser l’aspect durable des modèles économiques entre ces acteurs au sein même
de cet écosystème.

4 / Intégrer à votre conception d’écosystèmes votre pilotage stratégique et en faire des outils d’aide à la décision

Définir les flux de valeurs et en cartographier la valeur, des différents points de vues de l’organisation, est un élément clé pour faire de la représentation et conception d’un écosystème un outil d’aide à la décision. Et rassurer les décisionnaires sur les différentes dimensions pertinentes de valeur qui les concernent. Cela nécessite donc d’avoir complété une exploration systématique des différents scénarios stratégiques de votre écosystème en regard de votre projet, qu’il s’agisse :

  • d’optimiser et rendre plus robuste un écosystème existant
  • ou de donner forme à un nouvel écosystème dont les incertitudes
    auront été diminuées par l’acquisition des connaissances stratégiques.

Différentes méthodes ont été développées, notamment en France, par exemple au Centre de Recherche Gestion de Polytechnique avec la méthode Full Value d’un projet qui vous permettra d’évaluer vos flux d’activités business et de recherche ou immatériels ou encore la réconciliation du pilotage économique et des incertitudes liées à la conception innovante, du côté des Mines avec le dernier ouvrage de Hooge et Stasia, qui croisent à la valeur économique, la valeur stratégique et d’adhésion du projet.

La formalisation, le prototypage et le pilotage des écosystèmes business, de recherche et de connaissances de nos organisations sont un terrain de jeu à forte valeur ajoutée combinant développement des méthodes et digitalisation des capacités associées. Chez WDS, nous développons ECOS, logiciel qui aura pour vocation de réunir ces capacités pour les organisations et d’oeuvrer pour le partage de données permettant d’améliorer la conception de ces écosystèmes entre nos partenaires industriels et clients. Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à nous contacter !

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