Avant, le design c’était être créatif, aujourd’hui c’est maîtriser les risques.

Rémi Garcia
We Are Outsiders
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3 min readJul 15, 2019

En 10 ans, le design a bien changé. Toute la culture autour du design a évoluée. En mal ? En bien ? Ce n’est pas vraiment le sujet. Comme pour tout il y a des aspects positifs et négatifs.

Le design un métier créatif

Le design a toujours été vu comme un métier créatif, voire même artistique parfois. Car même si le métier reste incroyablement technique, l’esthétisme a toujours été la part la plus importante. Après tout, c’est ce que voit le client. Peu importe toute la réflexion, toutes les analyses qui étaient menées en amont, tout ce qui comptait était le résultat final.

Le designer était vu, au même titre qu’un artiste. Un artisan, qui grâce à des années de pratique et un sens artistique certain, était capable de créer des logos, des supports et même des interfaces plaisantes et agréables à utiliser.

Le process de création était lié au designer et c’est son propre spectre créatif, ses influences, sa personnalité qui était infusé dans ses créations.

Les clients voulaient du beau, du symbolique, de l’artistique.

La scientifisation du design

Un nouveau courant de pensée est alors apparu, les progrès scientifiques tant techniques que psychologiques ont fait apparaître des standards dans nos comportements face à des interfaces. Internet a permis de mettre en place des campagnes de tests à très grandes échelles. Il était possible maintenant de faire en quelques jours ce qui auraient pris des mois avant. Doucement, les spécialistes du business du design, on découvert des patterns qui fonctionnaient mieux que d’autres appuyés par les découvertes des neurosciences et de la psychologie cognitive. C’était la naissance des disciplines du design de conversion et des optimisations. Les experts de ces disciplines étaient capable de promettre un retour sur investissments aux entreprises qui les embauchaient.

En parallèle grandissait la communauté des designs thinkers et autres UX designers. Ensemble ils ont codifiés la démarche du design pour la rendre plus prévisible et éviter les écueils liés a la subjectivité intrinsèque des designers et des clients. Identifier les besoins, mesurer les résultats, s’assurer de l’efficacité de ce qui est produit dans l’objectif de satisfaire au maximum l’utilisateur.

Pendant cette période le design est doucement passé d’artisanat à protocole scientifique.

Maîtriser les risques

Ce qui nous amène à la dernière phase, la phase actuelle. À force de rationnaliser les process, de maîtriser de mieux en mieux les tenants et les aboutissants des projets, nous, designers, avons mis en exergue un vice inhérent à la plupart des entreprises : la peur du risque.

Aujourd’hui le rôle du designer n’est plus de proposer un travail créatif, ou d’être user-centric. Non le rôle du designer est, implicitement, d’éviter à l’entreprise de prendre des risques. On voit de plus en plus la demande de mesure du ROI avant même d’avoir amorcé quoi que ce soit (en gros ce qui se résume par faire une estimation au hasard), pour s’assurer de la valeur potentielle de tel ou tel ajout. On organise des séances de design thinking non pas pour co-créer, mais pour trouver un consensus (éviter donc les risques que quelqu’un s’oppose à la décision finale).

Refaire du design un outil de création

Or, une part de risque est indispensable pour vraiment sortir du lot et proposer de l’innovation. On n’est pas innovant en faisant ce que tout le monde fait sans prendre aucun risque. Et c’est toute la force de base du design. Le design avant d’être une méthode orientée utilisateur est un merveilleux process intellectuel qui permet de concevoir de la nouveauté. Chaque personne ayant un parcours et une personnalité unique, il voit le monde de façon unique et donc peut apporter une vision unique au design.

Aujourd’hui en essayant de tout standardiser, de contrôler tous les aspects et de faire en sorte d’avoir le consensus le plus large possible, nous perdons cette capacité du design à concevoir de la nouveauté et de la créativité.

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Rémi Garcia
We Are Outsiders

Designer d’expérience un peu rebelle, passionné d’éducation, touche-à-tout, illustrateur et auteur à ses heures perdues. Geek dans la vraie vie.