La quête du design “à la française”

Rémi Garcia
We Are Outsiders
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5 min readOct 28, 2020

Cet article est un extrait de ma newsletter sur le design : DEEX, dans laquelle j’explore les tenants et aboutissants du design et la formalisation d’un design moins “startupien” et plus français.

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Le design moderne est né de l’esprit de la Silicon Valley.

Un esprit pragmatique (voire mécanique), transhumaniste, libertarien.

Une approche du design qui vient avec son lot de défauts idéologiques.

Je ne dis pas que tout est mauvais dans le design américain.

Il a beaucoup apporté à la professionnalisation du métier, à sa rigueur et à sa diffusion.

Mais il est aussi devenu l’unique voie dans un monde pluriculturel.

Je vais faire de grosses généralités mais un latin ne voit pas le monde de la même façon qu’un anglo-saxon qui ne voit pas le monde de la même façon qu’un germain.

Enfin, c’est un fait.

Pour avoir personnellement vécu l’expérience de travail dans une équipe pluriculturelle, je peux en témoigner.

Dans une équipe mêlant des allemands, des japonais et des français, la rigueur et l’esprit pragmatique des nippons et des germains ne fonctionnaient pas du tout avec le chaos latin.

Cela a créé de vraies tensions dans l’équipe.

Au point que tous les designers français ont fini par sauter.

Plus loin que ça, je rencontre de plus en plus de designers qui ne se retrouvent pas dans cette approche ethno-scientifique du design.

Ils lui reprochent souvent d’être trop rigide, trop mécanique, trop froide.

Créant un univers de design très lissé et surtout relativement identique.

Pourtant même cette approche a ses limites.

Don Norman, le père de l’UX, l’a dit lui-même dans une conférence.

La première chose qu’a faite Steve Jobs quand il a repris les rênes d’Apple (donc juste avant de créer l’Ipod et l’Iphone), ça a été de virer tout ce pôle design ethnographique.

Le résultat ?

De meilleurs produits.

Comme quoi, le design centré utilisateur, l’UX et compagnie, ce n’est pas un horizon absolu.

Alors à quoi pourrait ressembler un design “à la Française” ?

C’est une question complexe.

Parce que pour définir un design “à la Française”, il faudrait définir l’esprit français.

Or, par défaut, quand on pense à la France, nous sommes biaisés par la vision très parisienne.

Étant moi-même de la région parisienne, j’en souffre d’autant plus.

J’ai donc fait mes devoirs et je me suis plongé dans l’Histoire de France et de son influence.

Les Lumières, le terroir, la gastronomie, la culture, la Révolution,….

Et je pense avoir trouvé quelques pistes.

Ce que je vais essayer de développer dans ce qui suit est donc, avant tout, une base de réflexion.

Un terreau sur lequel, nous designers, nous devons construire l’avenir de notre discipline.

Ou en tout cas d’une sensibilité de notre discipline qui doit se poser en alternative à l’approche actuelle.

Un design humaniste

C’est la première notion que je voudrais mettre en avant.

Car si notre cher pays se détermine bien par quelque chose, c’est l’idée que “tous, nous sommes libres et égaux”.

C’est la vision première des Lumières, si chère à notre bon Président (qui devrait relire ses classiques).

Un monde équitable pour tous.

Sans hiérarchie sociale.

Une monde qui veut que l’humain puisse exprimer tout son potentiel.

Un monde d’émancipation culturelle, sociale et intellectuelle.

Un monde pluriculturel.

En ce sens, le design doit faire grandir l’humain.

L’aider à devenir meilleur et lui assurer une vie meilleure.

Lui donner le pouvoir quand il n’en a pas.

La force quand elle lui manque.

Mais il doit le devenir lui-même.

Sans avoir besoin de béquilles technologiques.

Un design libertaire

Nous sommes le pays des Lumières.

Le pays de la Révolution.

Le pays de l’Anarchie.

Le pays de la Commune.

La liberté est dans le cœur de la France.

Une liberté de croyance, de mœurs, d’ambition.

Nous rejetons l’oppression (même si, très étrangement la France à une passion des grandes figures, des rois et des gourous).

Nous rejetons l’injustice.

Le design doit donc être libre à son tour.

Permettre à chacun de s’exprimer.

Autant dans sa pratique, que son art ou sa personnalité.

De se libérer des chaînes de l’oppression et de l’injustice.

Un design horizontal.

Un design ouvert.

Diverse.

Multiple.

Un design éducatif

Pour se libérer, l’humain doit s’éduquer.

Apprendre le monde qui l’entoure.

Comprendre ses rouages.

Développer son esprit critique.

Le design doit éduquer.

Pas seulement aider à faire, mais surtout apprendre à faire.

Accompagner c’est bien, instruire c’est mieux.

Car c’est en apprenant que l’on devient plus autonome.

Et en devenant plus autonome, nous nous libérons de l’obscurantisme.

Un design influent

La pensée française a contribué à changer le monde.

Les Lumières, la Révolution en sont de grands exemples.

Mais cela va plus loin que ça.

Notre gastronomie est un modèle.

On n’est pas un vrai chef si on n’a pas fait ses classes en France.

Le cinéma ne serait pas ce qu’il est sans Georges Méliès et plus tard la Nouvelle Vague.

La peinture sans l’Impressionnisme.

De tout temps, les français ont repris des concepts pour en faire des choses plus grandes, plus belles, plus majestueuses.

Le design devrait faire vivre cet esprit.

Assimiler son héritage pour le sublimer.

Devenir un autre phare dans le monde.

Un design impertinent

Le français a un avis sur tout.

À plus forte raison, si son avis peut choquer.

Notre langue fleurie.

Notre talent pour râler.

La satire est devenue une marque de fabrique.

Le roman de Renart, Jean de la Fontaine, Molière, le Canard Enchaîné, …

Le design “à la française” doit s’inspirer de cet esprit dissident.

Qui dénonce avec humour.

Se moque de l’ordre établi.

Une design joyeux

La joie de vivre.

Même les anglais l’utilisent tel quel.

C’est bien une preuve que c’est une valeur importante en France.

Le design est trop sérieux.

Se prend trop au sérieux.

Le design doit s’amuser.

Se faire plaisir.

Profiter de la vie.

Faire profiter de la vie.

Un design artisanal

La France est un pays d’artisan.

D’artistes-faiseurs.

Un pays de l’excellence.

Je le redis mais notre gastronomie est la plus réputée au monde.

La cuisine française est enseignée partout, avant même les cuisines locales.

Nous sommes aussi le pays de la mode, de l’architecture,…

Le pays qui fait se rencontrer l’excellence technique et la vision artistique.

Le design doit sortir de l’approche mécanique pour devenir artisanale.

Proposer des visions du monde dans un savoir-faire irréprochable.

Voilà ce à quoi devrait ressembler une design “à la française”

Pourtant il est important d’aller un cran plus loin en prenant aussi en compte les enjeux du monde qui vient.

Je me dois donc d’ajouter un dernier point.

Un design conscient

Parce que le monde change.

Que les enjeux climatiques et de biodiversités mettent en péril nos sociétés.

Le design doit aussi prendre en compte ces aspects.

Pour polluer moins.

Pour s’adapter à son environnement (et non l’inverse).

Pour l’aider à aller mieux.

Le design doit être conscient.

Des limites qu’il pourrait dépasser.

Des erreurs qu’il pourrait commettre.

De l’utilité de son usage.

Ceci n’est encore une fois qu’une trame.

Pleine de biais, de paradoxes et de généralités.

Pourtant si je devais le résumer simplement.

Alors le design “à la française” doit rendre le monde meilleur, plus équitable, plus beau et plus libre.

Cet article est un extrait de ma newsletter sur le design : DEEX, dans laquelle j’explore les tenants et aboutissants du design et la formalisation d’un design moins “startupien” et plus français.

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Rémi Garcia
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Designer d’expérience un peu rebelle, passionné d’éducation, touche-à-tout, illustrateur et auteur à ses heures perdues. Geek dans la vraie vie.