Le design est devenu chiant

J’ai une idée pour le rendre plus fun

Rémi Garcia
We Are Outsiders
6 min readJul 26, 2019

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Je ne sais pas exactement par quel bout prendre cet article. Cela fait plusieurs fois que je le réécris sans jamais être vraiment satisfait. J’essaye de trouver un angle et des justifications qui vont plus loin que mon impression personnelle mais comme je ne suis pas dans la tête de tous les designers de cette planète, je bute un peu sur le sujet.

Je vais donc faire comme d’habitude. Arrêter d’essayer de mettre les formes et me contenter de dire ce que j’ai à dire.

Le design me fait chier

Ou plutôt le process du design me fait chier. Non pas parce que je le trouve inutile (même si je trouve que sur certaines parties on en fait un peu trop) mais parce que je le trouve froid et peu engageant. C’est trop scientifique, trop ingénieur à mon goût. On a perdu toute la folie des designers créatifs d’il y a quelques années.

1. Je n’aime pas les ateliers collaboratifs

Pas mal de designers essayent de rendre l’approche plus ludique, notamment par l’utilisation d’ateliers collaboratifs. Les ateliers ont cet avantage de faire participer toutes les parties prenantes et de les faire réfléchir sur un sujet tous ensemble. Elle crée du consensus, de la cohésion et de l’engagement.

Mais personnellement je n’aime pas les ateliers. D’abord parce que l’animation d’atelier m’épuise et que les ice breakers et autres approches collaborativo-ludiques me mettent terriblement mal à l’aise (ne me demandez jamais de faire un jeu de rôle en atelier, c’est le meilleur moyen pour me faire décrocher).

Mais surtout, et ça n’engage que moi, quand je suis devenu designer ce n’était pas pour être moniteur de colo.

En plus je trouve que le consensus, c’est le meilleur moyen d’arriver à une solution molle et donc moyennement intéressante.

2. Le design c’est plus que du problem solving

Aujourd’hui les designers se voient comme des problems solvers (ou pire encore des optimiseurs). Du coup tout le process est axé sur la recherche de solution.

Mais je reste persuadé que le design a un rôle plus important que juste résoudre les problèmes des gens. Le design devrait rendre la vie plus belle, plus grandiose, plus efficiente. Pas juste régler ce qui ne va pas.

C’est un vrai manque d’ambition que je regrette. Surtout que derrière ça la loi de Jakob, qu’on peut résumer par : les gens sont des fainéants donc il vaut mieux leur proposer des trucs qu’ils connaissent déjà pour s’assurer qu’ils vont bien s’en servir, vient encore aplanir l’innovation.

Encore une fois, la vision scientifique de l’UX tend (pour la plupart des designers qui se contentent de suivre la méthode) à limiter la nouveauté et la créativité. Et c’est ce qui rend le design chiant (faut voir la normalisation à outrance des sites et des applications, il n’y a plus rien de vraiment original).

Si j’avais voulu suivre des protocoles et faire de la science, je serais devenu chercheur.

Transformer la méthode en une quête

Ça fait un moment que je réfléchis à une approche un peu différente du design et de son process. D’abord pour moi. Pour me donner un peu plus de motivation et m’amuser plus. Mais surtout pour changer la vision classique que l’on peut avoir aujourd’hui.

Les objectifs sont simples :

  1. Sortir de l’approche problem solving
  2. Ramener de la créativité dans le design
  3. Transformer l’approche en un jeu
  4. Redonner du pouvoir au designer

Changer le rôle du designer

Si aujourd’hui le designer est avant tout un technicien, c’est aussi une personne avec une culture et une vision qui lui est propre. Et même si il ne design pas pour lui mais pour d’autre, intégrer une part de sa personnalité dans le design qu’il conçoit est une excellente façon d’apporter de l’originalité. Si on attend des designers qu’ils soient des robots capable de suivre la procédure proprement, ce que je propose là est une approche différente.

Le designer devient un magicien, un génie, un dieu, un mentor,…

Sa mission est d’apporter à ceux pour qui il fait un design, une nouvelle source de pouvoir, un outil unique et magique qui lui permet de rendre sa vie meilleure.

Il n’est pas là pour résoudre un problème, ni pour effacer les difficultés des personnes pour qui il fait son design, sans parler de ce contenter de faire des optimisations pour inciter les gens à consommer plus.

Les étapes de la quête

Avec ce nouveau rôle en tête, il est temps de partir en quête pour bâtir ce nouveau pouvoir. Cette quête se base sur les principes de base du Design Thinking avec quelques étapes supplémentaires pour s’assurer que le résultat prendra bien en compte les objectifs énoncés plus haut.

L’appel
Une nouvelle mission peut commencer de bien des façons. La découverte d’un problème, une idée de projet, l’envie d’améliorer de telle ou telle population, l’amélioration d’une base déjà existante, une frustration…ce sont autant de raison qui peuvent lancer le début de la quête. C’est l’étape zéro de notre aventure.

Le héros
Avant de changer le monde, il faut trouver un héros à aider. Celui qui sera le porteur d’un pouvoir capable de changer sa vie. C’est ce héros qui sera la base de tout notre travail, celui que l’on doit aider à devenir meilleur et plus libre.

Dans l’approche classique, ce serait l’étape de recherche utilisateur et de définition du persona.

L’univers
Le héros va naviguer dans un univers qui est celui de la (future) marque pour laquelle on va travailler. En fonction des univers les pouvoirs que nous allons lui octroyé ne seront peut-être pas tout à fait les mêmes. Mais surtout cet univers sera ce qui différenciera son aventure par rapport à la concurrence.

L’univers va aussi déterminer les règles d’utilisation du pouvoir, les circonstances de son usage,…

Le(s) pouvoir(s) magique(s)
Le pouvoir magique c’est l’outil qu’aura besoin le héros pour atteindre cette meilleure vie que nous voulons lui offrir. Un pouvoir magique c’est quelque chose qui lui donnera la force d’affronter un obstacle dans sa vie (un obstacle découvert dans l’appel ou dans la phase de découverte du héros).

Est-ce qu’on veut lui donner une super vitesse pour accomplir ses tâches quotidienne ? Un sort de mémoire pour qu’il n’oublie plus rien, la capacité d’apprendre une ou plusieurs langues,… Le pouvoir magique c’est le coeur de toute cette approche. L’élément le plus important.

La carte
Pour utiliser son pouvoir, le héros va devoir partir à l’aventure. La carte est la route qu’il doit prendre avant de pouvoir utiliser son pouvoir. Par quelles étapes va-t-il passer ? Doit-il apprendre à faire quelque chose avant de pouvoir exploiter son pouvoir ?

La carte, c’est l’avant, l’onboarding, la phase d’apprentissage et l’usage même du pouvoir.

La forge
Pendant cette étape, nous allons construire l’artefact qui possèdera le pouvoir. C’est l’étape de la réalisation concrète. Qu’il s’agisse d’une application, d’un site, d’un accompagnement,… il faut passer par la forge pour donner une réalité tangible au pouvoir.

La confrontation
Il est temps de s’assurer que le pouvoir fonctionne bien comme on le souhaite car l’idée d’un pouvoir n’est jamais exactement ce qu’il sera dans le vrai monde. La confrontation c’est l’étape de test du pouvoir.

Si le test échoue alors il faut repartir à la forge pour affiner encore le pouvoir.

Un plateau de jeu et des outils

Nous voila arriver à la dernière partie de cet article. L’idée derrière tout ça est de produire un “plateau de jeu” pour voir concrètement l’avancement. En ajoutant des étapes intermédiaires, des sous étapes dans les grandes catégories, impossible de se tromper sur ce qu’il y a à faire.

En plus du plateau de jeu, il y aura des dizaines d’outils pour faciliter la prise en main et se simplifier le boulot. Je parle ici de canvas divers et variés, de kits prêts à l’emploi pour les phases de recherches ou d’idéation, des cartes pour trouver les pouvoirs ou concevoir la carte de l’aventure,…

Le plateau et les outils pourront être utilisés en solitaire ou en collaboratif sur les projets. Faire participer les clients, leur montrer l’avancement. Mais surtout rendre la mission du designer un peu plus fun.

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Rémi Garcia
We Are Outsiders

Designer d’expérience un peu rebelle, passionné d’éducation, touche-à-tout, illustrateur et auteur à ses heures perdues. Geek dans la vraie vie.