« VivaTech 2017 : Quelles perspectives pour une société numérique en France ? »

Cécile Fraysse
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4 min readJul 5, 2017

L’élection présidentielle 2017 fut un tournant dans l’importance accordée par les hommes politiques au numérique, ce que démontra notamment la plus forte médiatisation du secteur des civic tech. Ceci explique sans doute le succès que fut la deuxième édition du forum VivaTechnology, ayant attiré plus de 60 000 visiteurs. Startuppers, ingénieurs, dirigeants de grands groupes, étudiants, ils s’étaient tous donné rendez-vous les 15, 16 et 17 juin, à Porte de Versailles.

Qu’allaient-ils y chercher ? Sans doute, une immersion dans le futur, qui ne soit pas seulement virtuelle, celle-ci. Ce forum était en effet l’occasion d’imaginer ses rêves devenir réalité. L’exemple le plus marquant étant sans doute celui de Solar Impulse, dont l’avion fonctionnant à l’énergie solaire a pu faire le tour du monde.

VivaTech permettait également de mieux comprendre la nouvelle organisation de notre économie. Comme au sein de la Silicon Valley, de grands groupes privés ou institutions publiques s’intéressent à ce qui peut être mis en place au sein de plus petites entités, de peur d’être à leur tour « disruptés ». À titre d’exemple, les fintech furent très souvent évoquées au sein de ce salon, comme figurant parmi les innovations les plus enthousiasmantes, mais également les plus à même de bouleverser le développement des pays développés ou émergents. Le mot “blockchain” fut aussi repris bien souvent. Chainorchestra propose de tels services aux entreprises, grâce à sa technologie de traçabilité et de protection des données. Ces récentes fonctionnalités, qui pourraient potentiellement remettre en cause les prérogatives des banques traditionnelles, furent le cœur de débats, orchestrés par ces mêmes institutions bancaires. Ancien et nouveaux mondes se côtoient donc, et il semble encore difficile de discerner ce qui émergera de ces dynamiques.

Au-delà de la sphère économique, vivre à l’heure du numérique, c’est aussi observer que toute parcelle de notre quotidien sera de plus en plus reliée aux nouvelles technologies. Yann Lechelle, COO de Snips, a par exemple souligné l’importance des objets connectés (en moyenne 27 objets de ce type par utilisateur de smartphone en Europe occidentale d’ici 2020), qui ne devrait que croître. L’enjeu sera donc de bâtir une expérience utilisateur qui donne sens à la multiplication de ces outils. Ces objets devront apprendre à interagir entre eux, devenir de plus en plus « intelligents », posséder des caractéristiques toujours plus proches de l’Homme, ce que démontre le succès de Snips dans le domaine de la voix. De même, les robots de Robothespian ont pu marquer le passage des visiteurs du salon, signes les plus visibles d’une vie où l’Homme ne cesse d’interagir avec des machines qui l’imitent de mieux en mieux. Pour autant, des applications mobiles, plus discrètes, comme RunningCare, qui suggère des conseils de santé personnalisés grâce aux données récoltées sur mobile, montrent que rien n’est laissé au hasard pour le moindre de nos gestes. Optimisation, rationalisation, personnalisation, seront les grands principes à mobiliser, de manière à répondre aux besoins d’une jeunesse de plus en plus connectée.

Au sein de Vivatech, il était tout à fait possible de passer d’une conférence très sérieuse sur la nouvelle façon de répondre aux besoins des millennials dans la publicité sur les réseaux sociaux à une course de drones. Loisir ou travail, travail ou loisir, la différence semble n’être plus aussi claire qu’auparavant. L’e-sport devient une passion dont il est possible de tirer un business model convaincant. Ce fut le cas par exemple des fondateurs de Glory4Gamers, ayant réussi à faire des tournois de jeux vidéo en ligne, une véritable source de revenu, comme de crédibilité pour lever des fonds. Les agences de recrutement elles-mêmes se sont relativement « gamifiées », comme le montre WeSlash, startup incubée par AXA. Les étudiants pourront désormais postuler à des offres d’emplois ponctuelles, sans rédiger de lettre de motivation, mais en complétant leur profil en quelques clics.

Face à ces bouleversements, de nombreuses questions éthiques sont soulevées. Luc Ferry, présent à VivaTech, adresse notamment ses inquiétudes en termes de justice sociale, et ces nouvelles technologies pourraient très bien, selon lui, conduire à « des conflits que les Grecs qualifiaient de tragiques ». Ceci est peut-être la raison pour laquelle l’expression « Tech for Good » fut mise autant à l’honneur lors de ce salon. La startup Leka développe par exemple des robots pour de jeunes enfants autistes afin que ceux-ci puissent mieux communiquer avec leur environnement.

Que restera-t-il donc de ces trois jours ? La présence d’un stand « JO 2024 », la venue de personnalités politiques lors du forum, sont les signes que le numérique est un sujet qui n’est pas près de disparaître du champ médiatique. Auparavant traité de façon à part entière, il apparaît aujourd’hui comme étant davantage considéré de manière transversale, potentiellement relié à tout type de secteur, comme à tout type de politiques publiques. Rassemblant les plus grands groupes, les meilleurs pépites des startups pour quelques jours à Paris, la France semble désormais de plus en plus convaincue, qu’elle a ici une carte à jouer. Toutefois, hier, et davantage encore aujourd’hui dans un monde globalisé, rien n’est joué d’avance. De plus, au-delà même du développement de ces technologies, la manière de concevoir leur utilisation, comme leur rôle social, est déterminante. Ce sera le défi des citoyens comme des législateurs de demain, de faire rimer numérique avec liberté, égalité, ou encore fraternité.

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Cécile Fraysse
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Student Sciences Po/Paris School of Economics, ex UC Berkeley. Interested in #dataforgood, #education and #sustainabledevelopment