Je fais du marketing payant. C’est grave docteur ?

Pierre Andre
Wecasa
6 min readFeb 28, 2020

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Si vous êtes un entrepreneur sensible à la hype du “Silicon Sentier”, vous l’aurez probablement senti : en 2020, faire du marketing payant est terriblement has been. Les start-ups les plus trendy du moment l’expliquent brillamment : leur produit est tellement incroyable que les clients se l’arrachent et que leur croissance est bien sûr exclusivement organique (ce qui ne les empêche pas de faire en même temps une campagne dans le métro, mais ça n’a sans doute rien à voir…). Pour faire rêver les investisseurs, il faut parler viralité, effet réseau, recommandation… et passer discrètement sur l’acquisition payante, tellement moins sexy. Car on ne lève pas des fonds pour enrichir Google et Facebook ! Chez Wecasa (coiffure, beauté, massage et ménage à domicile), nous faisons de la viralité, de l’effet réseau, ET de l’acquisition payante. Alors, faut-il en avoir honte ?

Pourquoi ne pas faire d’acquisition payante ?

Pour comprendre, rationalisons un peu. Prenons une start-up ayant trouvé son fameux “product market-fit(terme compte triple au scrabble-up qui veut juste dire que ça marche et que les clients achètent). Imaginons donc que cette même start-up soit capable d’investir 1€ sur des canaux payants et d’en retirer 2€ de gains, et qu’à côté elle génère aussi un certain nombre de ventes par le bouche à oreille, l’organique etc…

Pourquoi alors ne pas investir cet argent en acquisition payante ? Plusieurs explications possibles :

  • Soit la société n’est pas capable opérationnellement de gérer plus de clients. Son système de production n’est pas encore assez mur pour absorber plus de commandes que ce que son acquisition organique apporte. Hum, pas génial, si ? Il va falloir développer les opérations au plus vite !
  • Soit elle n’est pas capable de gagner 2€ par l’investissement de 1€. Donc elle n’est pas capable de rentabiliser son acquisition payante. Il peut y avoir de nombreuses raisons à cela : concurrence difficile, faible rentabilité des opérations, incapacité à maîtriser ses leviers d’acquisition, taux de marge insuffisant…
  • Soit enfin la rentabilité est longue à obtenir (il faut investir 1€ tout de suite pour en gagner 2€ dans 24 mois) et la société n’a pas la trésorerie pour investir.

Pour une start-up capable de rentabiliser de l’acquisition payante, capable de gérer le flux de commandes additionnelles, et ayant la trésorerie pour le faire, il y a objectivement peu de raison de s’en passer. Car plus d’acquisition payante, c’est aussi plus de bouche à oreille, plus d’effets réseaux …

Au final, au-delà des effets d’annonce pour raconter une belle histoire aux médias, le fait pour une start-up de ne pas investir dans l’acquisition payante est rarement un signe positif, mais plutôt le signe d’une faiblesse opérationnelle, marketing ou financière. Et souvent, quelques années après, une fois ces problèmes réglés, la start-up en question sera la première à faire de l’acquisition payante…

Qui ne fait vraiment pas d’acquisition payante ?

Et pourtant, il existe de grandes success stories qui ont démarré sans acquisition payante, non ? Genre BlaBlaCar, Airbnb, Uber… ?

2 explications à cela :

1/ Des offres “low cost”

Si on y regarde de plus près, l’immense majorité des starts-up ayant bati leur succès sans acquisition payante proposaient une offre de valeur “low-cost”, c’est à dire avec un positionnement prix significativement plus faible que l’offre de référence du marché. Et en proposant une valeur supérieure pour le consommateur, souvent avec des marges très faibles, la société pouvait alors bénéficier d’un bouche à oreille très favorable.

C’est l’exemple de BlablaCar qui permet de voyager pour un tarif significativement plus faible que l’offre de référence (la SNCF), en ayant adopté au démarrage une politique de commission très faible, ce qui rendait impossible l’acquisition payante(Cette politique de prix agressive pourrait presque être assimilée à une forme de “subvention” du service par la société, et donc à de l’acquisition payante).

Imaginons maintenant que BlablaCar ait choisi une autre stratégie, avec des marges plus importantes et un tarif plus élevé. Le bouche à oreille aurait été plus faible, les marges plus importantes, et alors la société aurait peut-être opté pour des campagnes d’acquisitions payantes mais rentables…

2/ Le client n’est pas celui que l’on croit

Qu’en est-il pour Uber ou Airbnb qui se sont développés sans acquisition payante ?

Dans les deux cas, l’effet 1 est aussi applicable : Uber comme Airbnb proposaient au début une offre de valeur nettement supérieure à l’offre de référence (taxi ou hôtel) avec un prix moins cher pour un meilleur service. Cette situation a maintenant changé… (et ces deux sociétés réalisent maintenant de l’acquisition payante).

Mais surtout Uber et Airbnb sont des plateformes. Qui ont donc deux types de “tiers” : des utilisateurs (la demande) et des prestataires (l’offre). Et dans les deux cas, les plateformes ont focalisé leurs investissements du début sur l’acquisition de l’offre (les loueurs ou les chauffeurs VTC), en faisant de l’acquisition payante (marketing et / ou sales, subvention en “surpayant” les chauffeurs au début…) pour développer leur réseau de prestataires.

Ainsi, dans le cas des marketplaces, une stratégie fréquente est de “sponsoriser” une partie (l’offre ou la demande) en lui proposant un service hyper attractif, et de focaliser en retour les investissements sur l’autre partie. Cela facilite le développement d’un côté de la plateforme, et permet de dépasser le traditionnel “de la poule et de l’oeuf” des marketplaces.

Dans le cas de Wecasa, c’est ce que nous avons fait mais de manière inversée : nous avons créé une offre presque impossible à refuser pour les professionnels (recevoir gratuitement et sans engagement des propositions de prestations à réaliser) ce qui nous a permis de développer rapidement et avec peu d’investissements la partie offre du service. Et en parallèle, nous avons focalisé nos investissements marketing sur la partie demande, en déployant alors de l’acquisition payante (entre autres).

Qui fait de l’acquisition payante ?

L’acquisition payante est avant tout un besoin pour des entreprises BtoC. Une entreprise BtoB vend généralement à travers sa force commerciale. Une entreprise BtoC vend à travers ses investissements marketing. Google et Facebook deviennent les commerciaux zélés de l’entreprise…

Regardons donc en France les start-ups à succès en BtoC : Evanéos dans les voyages, Back Market dans l’informatique reconditionnée, Ornikar dans les auto-écoles, ManoMano dans le petit bricolage.

Qu’ont en commun ces sociétés ? Elles sont passées maîtres dans l’acquisition payante rentable. Elles ont travaillé à fond les canaux de marketing payants et en ont fait des sources rentables à l’origine d’une part majeure de leur croissance. Et elles ont fini par acheter de la pub télé.

Ces sociétés seraient-elles là ou elles en sont sans avoir passé des heures à tester et optimiser leurs canaux payants ? Sans doute pas…

Que se passe-t-il du côté des plus grandes marketplaces US ? Lenny Rachitsky a mené une étude pour comprendre l’origine des plus grands succès. Guess What ? Le “Performance Marketing” (l’acquisition payante) remonte comme le premier facteur de succès ! Bien avant le referral, la viralité, le SEO…

L’acquisition payante : le graal de la start-up ?

Alors arrêtons tout et allons dépenser notre levée de fonds chez Google ? Pas seulement ! Le succès est complexe et repose sur la maîtrise de plusieurs canaux. Chez Wecasa, nous avons plusieurs “réacteurs” à la fusée :

  • L’acquisition payante
  • L’acquisition gratuite (SEO, referral…)
  • L’engagement des clients (le reorder)

Et nous avons besoin de nos trois moteurs pour réussir notre projet.

Mais il est certain que l’acquisition payante est trop souvent dévalorisée et / ou sous estimée en France, alors qu’elle est indispensable pour créer de grandes start-ups en BtoC. D’ailleurs, la France produit plutôt des champions BtoB en ce moment…

Pour ceux qui ambitionnent créer une start-up à succès en BtoC en France, il est certain que réussir à “craquer” plusieurs canaux d’acquisition marketing sera une des clés du succès. Et il faudra aussi réussir à avoir des opérations efficaces, une marque forte, un produit abouti… Un long chemin !

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Pierre Andre
Wecasa
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Co-Fondateur de Wecasa.fr, la plateforme de réservation de coiffure, beauté, massage et ménage à domicile 7j/7, de 7h à 22h partout en France.