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Design et Marketing : tout les oppose, tout les rassemble

Clarisse Moisand
Wedo studios
Published in
4 min readSep 27, 2019

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Deuxième volet de mon cours sur le Design Management, enseigné dans le cadre du Master 2 Innovation et Transformation Numérique à Sciences Po. Lors du cours précédent, nous avions abordé la question de l’intégration du design dans les organisations sous un angle historique. Cette semaine, nous nous concentrons sur une période précise : 1975–1992. Elle marque l’émergence du design dans les organisations, en tant qu’outil du marketing.

Des objectifs communs

À partir de 1975, le design prend de plus en plus d’importance dans les organisations, grâce à de nouveaux points d’entrée : les directions marketing. Le design est utilisé pour articuler les signes visuels permettant l’appropriation d’une marque, la signature d’un produit, le packaging et la présentation d’un lieu de vente.

Dans ce cadre, Design et Marketing semblent poursuivre des objectifs communs : faire correspondre les besoins des utilisateurs avec la création de produits et de services. Pour autant, les deux disciplines tendent à s’ignorer, et s’apprécient peu. Alors que le marketing recherche la création de la valeur économique via la modification de la perception des clients, le design se concentre davantage sur l’identification des besoins clients et la conception de produits ou de services répondant à leurs usages. Dans la pratique, les relations entre designers et marketers sont souvent compliquées. Les designers qui travaillent aux côtés des marketers méconnaissent leurs responsabilités et expertises, tandis que les marketers considèrent le design comme un résultat et non comme un processus créatif.

Voici les ponts que l’on dessine entre les deux disciplines dès le début des années 1970.

L’espace influence les comportements clients

À travers plusieurs études et modèles de consommation expérientiels, on découvre que le design d’espaces et de produits a une incidence sur les émotions et les comportements des consommateurs. Dans un article de 1973, Philip Kotler utilise le terme d’« atmosphère » pour décrire l’action d’un environnement commercial sur la génération des émotions et l’accroissement de la probabilité d’achat. Le consommateur n’est pas associé à une décision mais participe à une expérience.

La lumière, par exemple, est un puissant vecteur d’attraction et d’attention. Elle peut provoquer des achats compulsifs et influencer sur le temps passé en magasin. La couleur, elle, génère des réactions émotionnelles, selon ses tons chauds ou froids, et peut engendrer des sentiments de réassurance ou d’excitation.

La forme affecte les perceptions

Les théories de Gestalt, développées en Allemagne à partir du XXème siècle démontrent que la forme impacte fortement les croyances et les perceptions des consommateurs sur la qualité, la pérennité et la valeur des produits et des marques. On distingue notamment les lois de proximité, de continuité, de bonne forme ou de similitude.

Les lois de Gestalt

La loi de proximité décrit, par exemple, que notre œil va instantanément regrouper les éléments qui sont les plus proches les uns des autres et les considérer comme faisant partis du même ensemble. La loi de similitude montre que nous avons tendance à regrouper les éléments qui ont les mêmes fonctions, la même lumière, les mêmes formes, ou les mêmes échelles.

La clarté et l’esthétique de la forme influencent donc notre interprétation cognitive de celle-ci. En faisant appel à plusieurs paramètres tels que la mémoire, le raisonnement, les émotions, les perceptions, la forme induit une image mentale, une projection libre, qui détermine nos prises de décisions. Au regard de ces processus de catégorisation, le consommateur aura par exemple tendance à préférer les produits modérément différents des produits existants.

L’objet en tant que représentation symbolique

Barbara Kruger — Untitled (1989)

En 1981, Jean Baudrillard décrit la consommation comme un « moyen de différenciation et non de satisfaction ». À travers une étude des différents niveaux de structures sociales, le philosophe et sociologue montre que le consommateur n’est plus en quête de satisfaire ses besoins mais de produire des symboles.

En marketing, on s’intéresse à la sémiotique. La forme, l’aspect des objets en tant que mode de communication est davantage travaillé, sans pour autant exclure leurs fonctionnalités.

À la même époque, Pierre Bourdieu montre que les produits mettent le consommateur sur scène et font de lui un objet social. Selon ses travaux, le symbolisme social que l’on trouve dans la forme est la principale raison d’acheter un produit. L’image véhiculée par la marque sera dès lors clé dans la génération d’un sentiment commun ou d’une implication sociale pour le consommateur.

Conclusion

Entre 1975 et 1992, le design est perçu comme un outil du marketing, que ce soit comme moyen de différenciation, pour résoudre des problèmes, pour mieux comprendre ses utilisateurs ou pour influencer les comportements des consommateurs.

L’esthétique des produits s’éloigne du fonctionnalisme pur grâce à de nouvelles gammes de couleurs et de matériaux. L’ère du design au service du marketing prend sa fin au début des années 1990, pour laisser place à l’ère de l’innovation de 1993 à 2005.

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Clarisse Moisand
Wedo studios

Founder of @wedo_studios, teaching at @essec and @sciencespo #Servicedesign, #DesignThinking, #Technologies