Chronique d’Une Violence Quotidienne

Laila Ducher
Weeprep
Published in
10 min readSep 9, 2016

Manifeste d’un entrepreneur qui veut construire un monde meilleur.

Fraîchement rentrée de vacances pendant lesquelles j’ai passé quelques semaines dans la grandeur des espaces de l’Ouest Américain, isolée, loin de la cohue parisienne, loin du brouhaha urbain, loin du vent mauvais que les média, les dirigeants politiques diffusent à longueur de journée dans nos esprits et dans nos coeurs.

Je ne me suis jamais aussi bien sentie qu’entourée d’animaux sauvages vivant paisiblement dans leur environnement. J’ai pu les observer durant de nombreuses heures et parfois je les ai enviés.

Quel bonheur de voir qu’il reste encore des espaces naturels quasi vierges de toute activité humaine. D’ailleurs, comment se fait-il que le monde parvienne encore à offrir ces beautés sauvages tant nous le polluons par nos industries et nos façons de vivre et de consommer. Il y a pourtant des endroits dans le monde qui nous font vivre un rêve éveillé. Mais pour combien de temps?

Les animaux sauvages n’ont pas de vie compliquée comme nous autres êtres humains. Ils trouvent ce dont ils ont besoin dans la nature pour se nourrir, ils se reproduisent, jouent, et mais parfois meurent sous la dent de leurs prédateurs, c’est le cycle de la vie sauvage.

L’Homme est le prédateur le plus dangereux au monde. Un ranger dans le Wyoming (USA), m’a expliquée que le loup, le prédateur les plus craint des autres animaux, n’attaquait jamais l’Homme.

Le loup fuit l’Homme, car il sait que ce dernier est redoutable et aura toujours le dernier mot.

Les supermarchés et la restauration rapide nous ont fait oublier que les Hommes sont des tueurs-nés. Cela peut paraître surprenant: nous sommes fragiles, lents et faibles et nous ne disposons ni des dents ni des griffes meurtrières des autres carnivores comme les lions, les loups, ou encore les crocodiles.

Les humains semblent donc mal armés pour chasser. Pourtant, nous sommes les prédateurs les plus impitoyables au monde, et ce, bien avant que nous ayons commencé à fabriquer des chars de guerre pour traquer nos cibles et des fusils pour anéantir tout ce qui peut entraver notre conquête et ce qui peut nuire à notre survie.

En observant les animaux, je me suis dis qu’est-ce qui nous fait croire que l’humanité porte quelque chose de sacré en elle comparée aux animaux? J’ai été bercée par la philosophie des Lumières qui faisait l’apologie de la raison, pourtant je constate que c’est notre rationalité qui en partie consume à petit feu notre environnement et tous les êtres vivants y compris nous-mêmes.

Emmanuel Kant (1724–1804) a dit que l’ Homme se différencie des animaux par sa conscience, sa capacité à distinguer le bien du mal, et à définir ses valeurs morales, à les respecter. L’Homme s’élève au dessus des autres animaux car il utilise sa raison avant d’agir. Il respecte son code moral, c’est en tout cas ce qui constitue sa dignité. Pourtant, Emmanuel Kant ne précise pas si ce code moral auquel l’Homme tient tant est bienveillant ou pas. L’Homme est conscient qu’il peut aussi faire du mal à son prochain. Sa capacité à faire des choix calculés est ce qui le différencie des autres espèces vivantes.

Pour Jean-Jacques Rousseau (1712–1778), ce qui différencie l’Homme des animaux c’est sa capacité à ressentir de la compassion et de la pitié vis à vis de ses congénères. Pourtant, selon les anthropologues, la compassion tend à affaiblir la conscience, c’est à dire la raison. En tout cas c’est le sentiment propre de l’Homme… C’est pour cela que la gentillesse est rarement valorisée dans nos sociétés.

Les réflexions philosophiques menées autour de la prétendue supériorité de l’espèce humaine ont pourtant été inspirées par les religions et notamment la Bible.

La façon dont nous traitons notre environnement a été dictée par notre morale religieuse. En effet, pas besoin d’avoir lu l’ancien Testament, Génèse 1, Verset, 26, 27, 28 pour savoir que Dieu a crée l’Homme a son image et qu’il devait régner sur l’ensemble de la nature: les être vivants, les terres, et les mers.

“Dieu dit: Faisons l’homme à notre image, à notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail; enfin sur toute la Terre et sur tous les êtres qui s’y meurent.”

L’homme se distingue des autres animaux sur un point essentiel: il tue même s’il a le ventre plein. Il ne tue pas uniquement pour des raisons de survie. Il est calculateur, il cherche à dominer l’autre, il prend le pouvoir en accumulant de l’argent, des biens, et en manipulant les esprits.

Si ce dernier est éduqué alors, il pourra s’en servir pour arriver à ses fins. On pourrait pourtant penser que l’éducation est ce qui permet à l’Homme de se transcender, et d’aller vers des valeurs telles que la compassion. L’éducation qu’on reçoit pour réussir dans la vie devrait je crois être repensée quand on voit le résultat qu’elle génère.

Si notre monde en est arrivé-là, c’est que nous faisons un piètre usage de notre raison.

Notre monde ne s’est pas bâti sur la compassion, mais sur la domination des uns et des autres.

La plupart des organisations humaines qu’elles soient politiques, religieuses, etc. sont structurées de façon pyramidale à l’intérieur desquelles se jouent des relations de supériorité ou de subordination. Les statuts définissant les liens hiérarchiques ont largement contribué à l’altération des relations entre les Hommes.

Cette manière de répartir les pouvoirs génère des crispations et des frustrations, chez les uns et les autres et dénature les personnalités, les modes de raisonnements, les comportements humains. Comment puis-je savoir qui je suis, ce que je désire, s’il règne au-dessus de moi une personne qui décide de la façon dont je dois penser et agir et qui ne m’écoute pas?

Si nos organisations ne mutent par vers une autre forme de répartition des pouvoirs plus équitable, nous stagneront dans l’ignorance et la peur des uns et des autres, mais aussi de nous-mêmes.

Les gens sont la plupart du temps coupés de leur énergie, de leurs émotions dans certaines situations. Vous pouvez le constater partout, à l’école, au travail, en famille.

Parce qu’ils sont seuls.

La domination de l’autre est partout. Nous nous mangeons les uns les autres, nous ne nous aimons pas les uns les autres, ou en tout cas pas suffisamment ou pas de la bonne manière. Si nous étions plus ouverts à la différence peut-être aurions-nous plus d’égard vis-à vis de la nature et de nos semblables?

Nous détruisons la nature sans jamais penser aux conséquences, sans jamais penser à l’avenir lointain de nos descendants.

Nous détruisons ce qui fait la particularité de notre Terre : la possibilité de la vie.

Nous n’avons toujours pas compris qu’en détruisant notre maison, la Terre, nous nous suicidons collectivement.

Avons-nous compris que si certaines espèces animales disparaissent les unes après les autres, nous pourrions aussi disparaître un moment ou un autre?

J’ai appris récemment que le gorille est en danger, il n’en existe plus 5000 à travers le monde… Comment arriverons-nous à renverser la donne, si nous continuons à agir ainsi vis-à-vis de notre environnement?

L’agriculture intensive, prétend nourrir la planète, en réalité, il n’en n’est rien.

Au moins 1 milliards d’êtres humains souffrent de la faim dans le monde.

En effet, elle produit essentiellement des matières premières destinées à l’industrie chimique, ou agro-alimentaire qui entre autre dénature nos aliments par une transformation déraisonnée donc dangereuse pour la santé de l’Homme. La voracité des industriels a mené à la destruction des espaces naturels des animaux, à l’appauvrissement des sols, mais aussi à une réduction drastique des terres pouvant être cultivées de façon responsable et écologique par des paysans qui eux peuvent avoir la prétention de nourrir leur voisinage.

Mais pas d’inquiétude diraient certains, avant l’extinction de la l’humanité, on pourra vivre sur Mars ou trouver une planète viable où l’on pourra recommencer à tout détruire, parce que c’est notre nature. Tout le monde ne pourra pas avoir la chance de rester en vie, ne vous bercez pas d’illusion, seule une poignée pourra s’offrir les moyens d’accéder à cette vie ailleurs. les autres pourront se contenter de l’au-delà. Et puis, who cares? Parce qu’on est comme ça.

Cette conception de la répartition des pouvoirs, et des relations humaines nous a éloigné les uns des autres depuis trop longtemps.

Insidieusement, c’est une guerre bruyante ou silencieuse qui se déroule sous nos yeux et nous ne réagissons pas de façon constructive.

J’ai pris conscience, il y a très peu de temps, que s’il arrivait une catastrophe, la plupart des êtres humains seraient incapables de trouver des solutions pour se nourrir, se réchauffer, se soigner, car nous sommes tous dépendants des supermarchés, des pharmacies, et des fournisseurs d’énergies. Nous ne sommes par formés à la vraie vie, à la survie.

Pour vous donner un exemple, je suis incapable de maintenir une plante en vie, alors imaginer un potager! Je suis incapable aussi de créer un feu, j’ai très peu de connaissances sur les plantes médicinales, apparemment elles sont nombreuses autour de nous. Je ne sais pas faire grand chose de mes mains. Mais je me soigne au quotidien car j’apprends.

Sommes-nous conscients que si nous étions davantage autonomes nous pourrions pourvoir une grande partie de nos besoins en nous réappropriant nos territoires? Nous pourrions ainsi définir la façon dont nous souhaitons nous soigner, éduquer nos enfants, nous alimenter, et de communiquer et travailler ensemble?

J’ai le sentiment que les gens subissent les désirs et les exigences des autres, l’expriment par de la violence, une violence revancharde mais qui n’aboutit à rien de constructif, mais aggrave le phénomène de l’exclusion et renforce le pouvoir des dominants car elle fait peur.

La violence est un symptôme. Elle est un catalyseur puissant de toutes les frustrations.

La violence est fascinante, pour ceux qui l’exercent ou qui en sont des spectateurs assidus, elle permet de se sentir vivants et de ressentir des sensations fortes. Mais, elle est surtout la marque de l’incapacité des gens à prendre leur vie en main, à trouver leur liberté et leur autonomie.

Pas plus tard qu’hier un ami m’a dit:

J’en peux plus de toute cette violence des gens sur les forums, sur les réseaux sociaux, la TV, autant dans la bouche des dirigeants que celle des gens “normaux”, et parfois dans la rue, on chope des bribes de conversation de personnes jamais satisfaites, toujours à râler pour être servie en premier, ou pour casser du sucre sur quelqu’un parce que ceci ou parce que cela, ou parce que c’est la solution facile de se victimiser.

Il faut dire que les boucs émissaires ne manquent pas en ce moment pour nous faire oublier l’essentiel: la misère ancrée dans notre société causée par un chômage de masse qui ne semble pas vraiment vouloir diminuer, et une impossibilité d’avoir une vision d’avenir positive pour l’ensemble de la population. Les politiciens posent un regard sur le monde à travers une étroite lorgnette mal essuyée.

Je crois que beaucoup d’entre nous sommes témoins de cela quotidiennement. Comment ne pas acquiescer à ces propos?

Depuis que les média de masse (TV, radio, presse écrite) se sont largement concentrés sur les faits divers, ils parviennent à distiller la peur de l’autre, grâce à un climat anxiogène et insécurisant davantage qu’avant, ce qui, à mon sens conduit à la haine de l’autre.

D’autre part, les sujets qui sont traités le plus souvent tournent autour de la vie politique, du roi et de sa cour. Pourquoi tant de spectacle inutile et nuisible au bien commun?

Les gens sont davantage invités à s’exprimer sur des petits sujets, comme celui du burkini, ils font monter les polémiques, attirent des lecteurs sur les réseaux sociaux qui pourront en même temps visionner des pages de publicités et, faire aussi le bonheur de politiciens sans envergure.

En attendant, la nature se meure, les gens souffrent de la pauvreté, parfois meurent de faim, ou de maladie, ou s’écroulent sous les bombes…

Réveillons-nous. Nous pouvons changer la donne, renverser cette situation de façon pacifique, constructive, mais cela suppose un effort intellectuel, permettant une remise en cause de nos croyances autour de la réussite sociale, et du confort. Nous pouvons réussir socialement autrement et être heureux. Pour le reste nous connaissons les techniques, et nous avons l’intelligence et la créativité pour poursuivre nos efforts autour de l’innovation sociale et écologique.

Tant qu’il y aura de l’humanité en nous.

Essayons et mettons-nous en mouvement pour bâtir un autre monde, un autre modèle économique et social pour offrir un monde à nos enfants plus respirable et apaisé, où l’on peut bâtir de grands projets ensemble. Changer notre modèle ne signifie pas régresser mais entrer la modernité absolue.

L’Homme est un animal politique, et la seule chose qu’il ait retenu de ce passage de la Génèse c’est la domination. Si nous n’étions pas aveuglés par le pouvoir, alors sans doute en aurions-nous eu une toute autre lecture : la nature est précieuse, elle nous nourrit, et il faut en prendre soin.

Laila Ducher

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