Hyperparentalité

Quand l’enfer est pavé de bonnes intentions

Laila Ducher
Weeprep
18 min readMar 6, 2018

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Dès les années 70, l’idée que l’enfant est une personne à part entière émerge grâce aux travaux de Françoise Dolto, pédiatre et psychanalyste (1908–1988). Ceci a eu comme conséquence de mettre l’enfant au centre des préoccupations parentales. On a développé progressivement une sorte de vision sacralisée de l’enfance, l’enfant est à présent considéré comme notre ultime utopie, en l’absence d’autres idéaux à défendre (la paix dans le monde, par exemple).

Dans la société occidentale, le taux de mortalité infantile a largement chuté grâce à un suivi médical rigoureux des grossesses et des nouveaux-nés. La contraception est maîtrisée, les familles nombreuses sont de moins en moins répandues. Ajoutons aussi que les femmes sont émancipées, travaillent, ont une vie sociale riche et par conséquent font des enfants de plus en plus tard. L’âge moyen de la maternité ne cesse de reculer en France, selon l’INSEE, il a atteint au 1er janvier 2016 l’âge de 30,4 ans. L’indice conjoncturel de fécondité est de 1,96 enfants par femme en 2016.

Les parents actuels font des enfants désirés, programmés (grâce à la Procréation Médicale Assistée). Nous serions presque tentés de dire qu’avoir des enfants signifie l’apogée de la réussite sociale, en effet notre société offre de moins en moins d’opportunités professionnelles stables et les places sont chères sur le marché de l’emploi et ce malgré un niveau d’études plus que convenable. Le taux de chômage s’élève à l’heure actuelle autour de 10% de la population active en France et les jeunes décrochent leur premier vrai contrat de travail autour de 28 ans. Avoir des enfants représente donc un investissement notoire.

Tout ce contexte explique en partie, pourquoi l’enfant est devenu important et que sur lui se cristallisent tous les espoirs de ses parents.

On observe donc depuis les années 90, l’émergence d’une nouvelle forme d’éducation : l’hyperparentalité.

L’hyperparentalité constitue un excès d’exigence et/ou de surveillance envers les enfants et les adolescents.

Ces nouveaux comportements parentaux s’expliquent peut-être par une envie de faire réussir son enfant à tout prix car le contexte socio-économique n’est pas favorable et que l’éducation scolaire ne semble pas être à la hauteur des exigences d’un marché du travail en constante mutation. Mais pas seulement… Les hyper-parents voudraient protéger leurs enfants des dangers du monde extérieur, alors ils les font grandir dans un monde de coton, où rien ne peut les égratigner. Pourtant, les maîtres-mots de ces parents sont implication, rigueur et travail. Tout cela bien sûr dans le but que leurs enfants soient heureux et épanouis.

Paul 5 ans a déjà un agenda de ministre, il a en plus de l’école 1 à 2 activités tous les soirs : judo et cours d’écriture le lundi, éveil musical et yoga les mardi, musée le mercredi après-midi, Anglais le jeudi, cours de tennis le vendredi, et samedi et dimanche c’est weekend chez mamie pour s’initier à la permaculture. Le rythme est effréné.

L’hyperparentalité a donc pour objectif de surstimuler et de surprotéger les enfants.

Aujourd’hui, cette forme d’éducation parentale pose problème à la fois au développement et à l’épanouissement de l’enfant mais aussi aux parents eux-mêmes.

Quels sont ses effets et ses limites sur les enfants, les adolescents et les parents? Quels sont les signaux d’alerte ? Comment trouver la juste dose d’implication parentale ? Comment changer sa posture de parents après des années de contrôle de son enfant?

I. L’hyperparentalité et si on en parlait ?

1.1 Bienveillance et hyperparentalité pas franchement synonyme…

L’hyperparentalité semble de prime abord être une expression de bienveillance à l’égard de sa progéniture. Les parents s’érigent donc en grands protecteurs et sauveurs dans ce contexte.

Pourtant, l’hyperparentalité semble davantage rimer avec contrôle et exigence en vue de mener son enfant vers une forme de performance, de réussite sociale.

L’hyperparentalité bascule donc dans ce que l’on pourrait qualifier de totalitarisme éducatif.

Pour rappel, la bienveillance est une disposition affective d’une volonté qui vise le bien et le bonheur d’autrui, la bienveillance est une modalité de l’amour, mais n’est pas le synonyme de l’amour.

Emmanuel Kant, dans Les “Fondements de la Métaphysique des Moeurs” (1785) différencie l’amour pathologique de l’amour pratique.

L’amour pathologique est le sentiment amoureux que l’on éprouve pour quelqu’un et il n’est pas exigible. L’amour pratique, quant à lui, est le devoir d’aimer quelqu’un, c’est donc une obligation.

Le devoir d’aimer c’est l’injonction quasi religieuse d’aimer et de protéger notre prochain. La raison guide cet élan vers autrui. La morale est donc faite d’obligations et de devoirs, cela n’a rien a voir avec notre sensibilité.

Dans nos rapports à autrui, il y a donc une obligation morale d’agir avec bienveillance. Ce comportement ne semble cependant pas relever de la bienveillance mais plutôt de la bienfaisance en l’absence d’élan, de sentiment sincère vis-à-vis de la personne qu’on aide, épaule, accompagne. Cet élan vers autrui est calculé et donc l’aide, le bien que l’on exprime vis-vis d’autrui est pollué par des enjeux personnels.

Dans la bienveillance, il y a l’idée de l’oubli de soi: on est dévoué à autrui et on n’attend pas grand chose en retour.

La bienveillance hypertrophiée des parents pose questions. En effet, ces hyperparents agissent-ils ainsi avec leurs enfants uniquement dans le but de les faire réussir et les rendre heureux? Ou le font-ils plutôt pour parachever leur propre réussite sociale? C’est une question douloureuse car l’amour filial est considéré comme allant de soi, normal.

La pression qu’exercent ces parents sur leurs enfants sous couvert de bienveillance se traduit bien souvent par des injonctions du type:

il faut absolument que tu maîtrises une langue étrangère, que tu joues d’un instrument, que tu sois excellent en mathématiques, que tu saches nager avant l’âge de 3 ans. Il faut que tu vises le 18/ 19 de moyenne au bac pour pouvoir accéder aux meilleures écoles car de nos jours, le bac ne vaut plus rien etc.

Réfléchissons un peu…Toutes ces choses ne semblent pas relever de la bienveillance et pourtant dans la tête de ces hyperparents c’est le cas: ils investissent beaucoup de temps, d’énergie et d’argent dans l’éducation de leurs enfants. Quand on investit, on s’investit, on attend beaucoup en retour, il n’y a donc point de désintéressement dans cette dyade parent/enfant. C’est le propre d’une transaction réussie. Lorsque l’on capitalise sur l’éducation de nos enfants à ce point, nous entrons dans une logique de rentabilité, nous entraînons donc notre enfant à devenir un redoutable citoyen, un bon exécutant qui pourra à son tour mettre sa performance au service d’une entreprise compétitive.

1.2 Qui sont ces hyperparents?

Les parents ont l’obligation morale de prendre en charge l’éducation et la santé de leurs enfants. D’ailleurs, la fonction parentale est régie par la loi. C’est leur responsabilité.

Les hyperparents peuvent être issus de tout bord social, car la plupart des parents se sentent responsables et impliqués. Pourtant en scrutant de près les études réalisées sur le niveau de l’implication parentale, on voit nettement qu’il y a parmi les différents profils éducatifs parentaux identifiés, des types de parents plus enclins à adopter cette stratégie éducative qu’est l’hyperparentalité:

Voici les 4 profils éducatifs les plus communs:

  • Les autoritaires: ils sont contrôleurs et peu affectifs
  • Les démocrates: ils sont chaleureux et affectifs, ouverts mais imposent des règles et des exigences
  • les permissifs: ils sont affectueux mais peu contrôleurs
  • Les négligents: ils n’assument ni le contrôle ni l’attachement

Il est à noter qu’il n’existe point d’éducation familiale idéale. Cette typologie n’est qu’un repère et on peut avoir reçu une éducation permissive et avoir vraiment bien réussi sa vie.

Les autoritaires et les démocrates semblent plus enclins à devenir des hyperparents.

Pourtant, on constate que l’hyperparentalité est plus présente chez les catégories sociales aisées car elles ont les moyens intellectuels et financiers pour faire faire des activités extra-scolaires à leurs enfants, elles dialoguent très souvent avec les équipes pédagogiques de l’école de leurs enfants et elles les aident aux devoirs.

Elles s’organisent aussi pour améliorer les conditions de scolarité de leurs enfants en participant aux élections de parents délégués, elles font parfois preuve d’expertise parentale auprès des enseignants, ce qui souvent détériore la relation avec eux. La pression parentale sur le corps enseignant a certainement eu une fâcheuse conséquence: la fermeture de l’école aux parents.

Pour ce qui est des classes sociales défavorisées, on constate une démission éducative (contrôle des connaissances et soutien scolaire à leurs enfants), justement parce qu’ils se sentent éloignés de l’école et que l’école ne leur évoque rien de positif pour l’avenir de leurs enfants. Il existe un écart important entre eux et l’école quant à la représentation des savoirs et leurs appropriations. L’absence de relation avec l’école a creusé un sillon culturel important entre l’institution et les familles populaires. Pour autant, cela ne signifie pas que ces parents ne s’intéressent pas à la réussite scolaire de leurs enfants.

II. Les effets délétères de l’hyperparentalité

Dès la naissance de leur premier enfant, les parents font un choix éducatif. Ce choix va bouleverser l’ensemble de leurs habitudes et va heurter parfois leurs valeurs, celles qu’ils s’étaient forgées avant. Ils vont porter le masque du jeu parental, cultivant l’exigence vis-à-vis d’eux-mêmes et de leurs enfants, au risque parfois de se brûler les doigts.

Nous avons vu que définir les contours de la bienveillance était primordial pour améliorer notre façon d’éduquer nos enfants. Qu’attendons-nous de nos enfants et de nous-mêmes?

Quand nos actions éducatives, même en partant d’un bon sentiment, entravent l’élan de nos enfants, nous devrions réagir pour rectifier le tir avant qu’il ne soit trop tard. Dans cette partie, nous allons donc explorer les effets pervers de l’hyperparentalité à la fois sur les enfants, les adolescents, et les parents.

1. 1 Les effets de l’hyperparentalité sur les enfants

Pourquoi exige-t-on d’un enfant qu’il acquière des bases de piano dès l’âge de 3 ans, ou apprenne à danser, lire, peindre, calculer? Pour ne pas contredire les thèses des neuroscientifiques qui stipulent que le cerveau des enfants est une éponge et que par conséquent, il ne faut pas faire perdre de temps aux tous petits afin de les propulser dans la réussite scolaire mais aussi sociale? Ou pour juste flatter nos égos démesurés de super parents?

Les petits sont dociles, ils aiment inconditionnellement leurs parents, ils s’adaptent très bien aux exigences parentales, et de toute façon, ils ont été conditionnés à obéir au doigt et à l’œil depuis leur naissance.

Mais rêve- t-on d’un enfant qui obéit au doigt et à l’œil?

On en demande de beaucoup à nos enfants, alors que si nous nous re-connections à notre propre enfance, nous nous rappellerions toutes ces journées passées avec nos copains à jouer dans l’herbe fraîche, monter aux arbres, cueillir des fleurs, des fruits, aider nos parents à peaufiner leur potager, et sauter dans les flaques d’eau, faire du vélo, du patin à roulettes sans casque. On se faisait gronder parce qu’on avait troué ou sali nos vêtements mais nos parents n’étaient pas sans arrêt en train de nous surveiller de crainte qu’on se fasse mal.

A la campagne, comme en ville, ils nous laissaient tranquilles et on s’en portait très bien. Nous pouvions faire des bêtises, toucher à l’interdit, sans faire souffrir qui que ce soit, ou presque… Et surtout, ils ne s’inquiétaient pas quand on s’ennuyait !

Nous faisions nos devoirs tout seuls, nous étions autonomes, et nous assumions nos mauvaises notes, et nos parents nous grondaient mais n’en faisaient pas tout un fromage, ils finissaient par nous faire la leçon et ça nous encourageait à améliorer nos résultats scolaires ou pas. Cela ne signifie pas que nos parents étaient totalement laxistes, ni malveillants, ils ne se mettaient dans des exigences éducatives qu’ils ne pouvaient pas tenir, et qui n’appartenaient pas à leurs vision de l’éducation.

Nos petits sont donc sous pression depuis leur naissance avec tous ces jeux d’éveil sensés leur apporter une intelligence supérieure, qui sont en fait un leurre, car quand on observe nos bambins, ils jouent avec tout ce qui leur passe sous la main, ils n’en n’ont cure de tous ces jeux colorés à la manufacture parfaite.

Avec ce type d’éducation parentale, l’enfant risque de développer du stress, de l’anxiété et de manquer de créativité et d’autonomie mais surtout de manquer de confiance en lui, car il a toujours l’impression qu’il n’a pas le droit à l’erreur et que s’il se trompe c’est la fin du monde…

Lorsque ses parents choisissent tout pour lui et contrôlent tous ses moindres faits et gestes à l’école mais aussi avec ses amis, l’enfant peut se sentir dépossédé de sa vie, et va développer l’idée que sans ses parents, il n’est rien.

Le risque est que l’enfant perde sa capacité à s’auto-réguler*, c’est-à-dire à mettre en place des stratégies alternatives pour se défendre, prendre des décisions, gérer sa solitude, ses relations, ses émotions, s’affirmer. L’hyperparentalité peut donc engendrer très rapidement un mal-être chez l’enfant.

Quand on retire à l’enfant le plaisir d’apprendre par une surstimulation, et une surprotection, le risque est de voir émerger chez lui des signes de dyscalculie, de trouble de l’apprentissage, de dyslexie etc. Le cadre éducatif rigide peut donc mener l’enfant vers une fatigue structurelle qui va affecter les zones d’apprentissage de son cerveau.

Les sciences cognitives ont identifié quatre facteurs principaux de réussite d’un apprentissage : l’attention, l’engagement actif, le retour d’information, et enfin, la consolidation (Stanislas Dehaene)

Face à ces difficultés, les enfants consulteront nombreux professionnels de santé pour être remis sur les rails.

1.2 Les effets sur les adolescents

Les enfants qui ont grandi dans ce cadre éducatif finissent stressés, épuisés, gavés, ce qui a pour conséquence directe l’échec scolaire et ensuite le décrochage scolaire qui vont affecter progressivement l’estime de soi et la motivation.

La communication entre les parents et les adolescents se fait de plus en plus rare, rien ne passe, tout devient source de conflit.

A l’adolescence, l’enfant n’est désormais plus du tout docile. Il est dans la phase de séparation avec ses parents, il tente de s’incarner d’un point de vue identitaire et il peut être davantage en souffrance à ce moment précis de sa vie. Il nourrit des frustrations justement parce qu’il n’est pas suffisamment armé pour s’affirmer et sortir du joug de ses parents, mais aussi de toutes les pressions que l’école, son groupe d’amis (entourage) peuvent exercer sur lui.

Construire son projet de vie et projet professionnel s’avéra comme une épreuve sans fin.

1.3 Les effets sur les parents

Etant donné que les parents visent la perfection pour leurs enfants, ils sont souvent frustrés, voire même déçus de voir que parfois leurs efforts peuvent être vains.

Comme nous l’avions mentionné auparavant, les parents portent l’habit du protecteur, de l’enseignant, de l’éducateur, du juge, du psychologue et donc montrent un visage à leurs enfants qui n’est pas authentique.

Personne ne peut maîtriser autant de compétences techniques, d’ailleurs la compétence parentale est difficile à définir précisément.

Dans cette (…) approche que Leplat (1991) appellerait « béhavioriste », l’accent est mis sur les activités/actions que les sujets doivent savoir effectuer correctement. Dans le champ de la parentalité, nous avons un exemple de ce type d’approche, par référentiel de compétences, dans le guide canadien des capacités parentales de Steinhauer (2003) qui fait l’inventaire des différents champs de la parentalité et dresse une liste de tâches avec des niveaux de réalisation. (…)

“Le parent compétent est un parent mesuré, qui se tient en équilibre et répond à la « philosophie du Ni/Ni » évoquée avec humour par F. de Singly lors de ses conférences. Le parent compétent n’est ni fusionnel, ni détaché, ni trop autoritaire, ni trop laxiste, ni ceci, ni cela …

Quand un enfant pleure, à quels savoirs se réfère un parent pour y répondre ou non, quel savoir-faire et savoir-être mobilise-t-il, comment collecte-t-il les informations qui lui permettront de résoudre le problème auquel le confronte son enfant ? Ce n’est donc pas tant la réponse du parent qui intéresse les cognitivistes que la démarche suivie par ce parent, l’analyse de la stratégie qu’il développe. (Théorie de l’auto-détermination*, Richard Ryan & Edward Deci (1975))

Ces hyperparents, obnubilés par la réussite et l’épanouissement de leurs enfants en viennent à perdre de vue les leurs, au risque de mettre leur famille en péril: problèmes de couple et de communication avec leurs enfants.

Toutes ces mères de famille qui ont à la fois une vie professionnelle accomplie et qui font tout pour rester compétitives, performantes aussi bien au travail qu’à la maison finissent par faire un burnout.

Malheureusement, ce sont souvent elles qui mettent à exécution ce type de parentalité pour garder la face en société et paraître au top vis-à-vis de leurs conjoints. Personne ne leur a demandé d’en faire autant, pourtant, chacun le sait, la pression sociale est insidieuse, elle se lit dans les regards et dans les silences des gens. Voici un reportage très éclairant sur cette thématique:

III. Trouver sa voie en tant que parents dans une autre forme d’éducation

1.1 Se connaître et connaître ses limites

Avant de devenir parents et notamment pendant la période de grossesse chez les femmes, nous nous abreuvons de littératures pour devenir de “bons et parfaits” parents responsables. Nous nous mettons en 4 pour être fin prêts à la naissance de l’enfant:

  • tout faire pour allaiter bébé pour son bien-être, sa santé, alors que l’on est épuisé
  • faire du co-dodo alors que vous aimeriez enfin retrouver le sommeil, mais aussi votre vie de couple
  • stimuler votre enfant toutes les deux secondes avec des jeux d’éveil alors qu’il ne demande qu’à être câliné, se plonger son regard dans le vôtre, écouter votre douce voix, sentir vos caresses et se reposer…
  • investir dans du matériel de puériculture encombrant s’avérera souvent inutile
  • respecter l’écologie en vous ajoutant une masse de travail en plus en utilisant des couches lavables
  • vous mettre au régime, alors que votre corps est déminéralisé par la grossesse etc.
  • faire du sport pour retrouver des abdos et des fesses en acier

Autant de choses qui ne nous facilitent pas nécessairement la vie en tant que jeunes parents, d’autant plus que l’arrivée en soi d’un enfant bouleverse l’équilibre d’un couple (réveils nocturnes pour nourrir et changer bébé, épuisement maternel, réaménagement des week-ends et journées de travail etc.).

(PS: nous ne disons pas que nous sommes contre l’allaitement, ni contre l’écologie, nous mettons simplement en exergue qu’il y a parfois des moments où nous pouvons nous sentir vulnérables et qu’il faut se respecter, s’écouter pour pouvoir accueillir un enfant sereinement).

Alors “les bons parents” ne voyagent plus, ne sortent plus, ne reçoivent plus et ne prennent plus de temps pour rester un couple amoureux. Comme si ce bébé était la petite chose fragile que l’on doit couver avec assiduité pendant au moins 3 ans. La surprotection commence dès le début.

Il y a une forme de tyrannie de l’enfant qui s’installe au beau milieu du couple. Pourtant, c’est bien les parents qui en sont totalement responsables.

La pression ne finit pas et on entre d’année en année dans ce que l’on pourrait qualifier de course à la réussite de sa parentalité. L’enfant devient le prolongement de l’ego de ses parents, l’hyperparentalité prend ses racines ici.

1.2 Quelques pistes pour enfin se sortir de ce cercle vicieux et impulser le changement

a. Vers un questionnement de fond

Ces pistes sont simplement des questions fondamentales à se poser individuellement ou en couple, car il existe mille et une manières d’être parent

  • Qui suis-je (valeur, quêtes, culture, idéaux) ?
  • Quelles sont mes vrais objectifs par rapport à mon projet parental?
  • Quelles sont mes attentes vis-à-vis de mon enfant? Sont-elles justifiées?
  • Quels sont mes démons, mes contradictions?
  • Quels sont mes modèles de parents à suivre ou à éviter dans ma famille?
  • Quelles sont mes vraies difficultés et priorités parentales? Qu’est-ce qui est juste pour moi en tant que père, en tant que mère? Suis-je capable de tenir dans la durée ce mode d’éducation? Suis-je cohérent?
  • Quelles sont les atouts sur lesquels je peux m’appuyer pour affronter des situations difficiles?
  • Qui sont les personnes sur lesquelles je peux compter si je suis en difficulté?
  • Mon projet éducatif est-il réalisable et respectueux de mon enfant mais aussi de mon couple et de ma famille?

Voici quelques clés qui vont permettre aux parents de sortir de ce totalitarisme éducatif afin d’aller davantage à la rencontre de leurs enfants et de leurs réels besoins.

b. Vers une Définition d’un cadre éducatif respectueux de l’écologie de chacun

Carl Roger a travaillé sur la relation d’aide en psychothérapie et a défini un cadre relationnel (Approche centrée sur la Personne ACP) qui peut tout-à-fait convenir entre les parents et leurs enfants pour bâtir des liens solides, le voici:

  • La Chaleur et la bienveillance : cela favorise les relations positives entre Les membres de la famille, elles sont fondamentales. Sans cela l’enfant peut avoir le sentiment de ne pas être aimé inconditionnellement et de pas trouver sa place au sein même de sa propre famille.
  • La confiance : cela développe son autonomie et favorise de facto sa responsabilité, vous voyez votre enfant comme une personne capable de dire, de penser et de faire.
  • L’écoute active: elle permet, lors d’entretien d’entre-aide d’être à l’écoute de la personne, à fois sur les faits, mais aussi sur les émotions et les sentiments exprimés ou implicites. Elle permet une plus grande ouverture et compréhension d’autrui dans sa globalité, même avec ses colères, ses peines et ses contradictions. Être à l’écoute c’est être en position méta d’observateur, rien ne peut nous atteindre.
  • L’ouverture : c’est monter que vous n’êtes pas cantonné à vos propres croyances et c’est accepter que votre enfant est différent de vous, qu’il n’est pas le prolongement de votre égo.
  • La reconnaissance: elle est constitutive de l’identité de l’enfant, sans elle l’ancrage de l’enfant pourra s’avérer plus tard difficile, les enfants sont en demande de reconnaissance constamment. Ils cherchent l’approbation à travers le regard de leurs parents pour se mettre en mouvement et forger leur identité. Ce besoin de validation est vital pour l’enfant au risque de sombrer.
  • Le non-jugement: nous ne faisons qu’évaluer, juger arbitrairement les gens en général et nous ne nous en privons pas avec nos enfants. Sortir du jugement, c’est aussi apprendre à écouter (donc se taire) pour mieux accepter nos enfants, cela renforce les liens et accentue notre bienveillance à leur égard.
  • La non-complaisance: pour ne pas blesser autrui ou pour éviter de perdre un être qui nous est cher, nous évitons des lui dire quelque vérités qui peuvent éventuellement heurter, mais l’aider très franchement à avancer. Pourtant, en tant que parents, nous avons besoin de dire les choses à nos enfants pour qu’ils grandissent et qu’il prennent conscience que la vie est un apprentissage constant. Parler “vrai” est une des clés de la relation parent/enfant.

c. Le développement des compétences non cognitives chez le parent et chez l’enfant

Nous sommes tous les héritiers d’une éducation traditionnelle et scolaire, et avec nos enfants nous ne faisons que reproduire les us et les pratiques d’une éducation parfois oppressante et sclérosante. Pour rappel, l’hyperparentalité s’articule donc autour de deux axes: la surprotection et la surstimulation de l’enfant. Or, nous avons bien compris que ces actions peuvent être des entraves au développement de l’enfant ou de l’adolescent.

Certains parents souhaitent donner à leurs enfants ce dont il ont été privés quand ils étaient eux-mêmes enfants. Sauf que nos enfants ne seront jamais comme nous et que leur imposer nos activités, ou transmettre nos peurs va avoir les effets inverses du résultat escompté.

Nul besoin d’être riche, érudit, parfait pour faire cheminer nos enfants dans leur propre vie . Il faut simplement avoir confiance en nous, en eux, être à leur écoute, savoir mettre du cadre (protection) là où il en faut, les autonomiser, les responsabiliser (prises de décision), leur insuffler le goût d’apprendre, de les mettre en action dans leurs champs d’intérêts, d’être en lien avec leur entourage, d’être bienveillants à l’égard de leurs amis et des personnes qu’ils rencontrent, et de leur apprendre à être authentiques et non-influençables.

L’ancrage identitaire est sans doute ce qui permettra à nos enfants d’exprimer leurs idées, leur créativité.

Pour cela, il faudra leur donner de la liberté, celle qui libère les énergies, les talents, enfouis en chacun d’entre eux.

Nous serons ainsi fiers d’eux car ils seront invincibles pour affronter les aléas de la vie. Nous serons fiers de nous, car nous aurons tout mis en oeuvre pour être des parents courageux et soucieux du bien-être de nos enfants.

C’est difficile, mais pas tant que cela, il suffit de lâcher-prise, sortir du contrôle et entrer en lien avec eux. Lâcher-prise ne signifie pas être laxiste, la fonction parentale est structurante et essentielle pour l’enfant, sans nous, il manque de repère solide pour se construire et construire leur vie d’adulte.

Voici les 10 compétences non-cognitives à faire acquérir à nos enfants pour les faire grandir en mettant en place un cadre éducatif bienveillant (celui cité ci-dessus):

lui apprendre à:

  • demander de l’aide
  • apprendre
  • être curieux, questionner le monde
  • devenir autonome
  • s’engager
  • s’auto-réguler
  • être exigeant avec soi-même
  • Entretenir de bonnes relations avec autrui et être respectueux
  • s’affirmer
  • rencontrer de nouvelles personnes (développer son réseau)

Pour devenir un adulte responsable, authentique et heureux, l’enfant devra donc bénéficier d’un soutien parental solide. Cela lui apportera bien plus que des exigences qui à la longue le fatigueront avant qu’il ait eu le temps de faire ses propres choix.

Conclusion

L’hyperparentalité n’est que le stigmate d’une société davantage centrée sur la performance et l’apparence sociale que sur l’humain. Dans cette affaire personne n’y gagne, ni les enfants, ni leur parents, ni même la société entière, car nos enfants devenus grands deviendront des soldats et n’auront pas à cœur ni les relations humaines, ni l’environnement.

Ce type d’éducation coupe les personnes de leurs émotions et développe des frustrations, des névroses allant de la plus anodine à la plus grave. Finalement, cette éducation ne respecte pas l’humain car elle ne rend heureux ni les enfants, ni leur parents. Elle ne fait qu’altérer les liens entre eux. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire plus simple?

La bientraitance (éthique du care) est au cœur de ce sujet, c’est elle qui va nous guider vers une parentalité heureuse, juste et épanouie.

Nous devons donc nous interroger ensemble sur la finalité de l’école sur ce qu’elle devrait véhiculer en terme de valeurs. Quel signal cette école envoie à tous ces parents qui souhaitent sincèrement le bonheur de leurs enfants? Peut-on bâtir ensemble une nouvelle vision de l’éducation parentale pour faire bouger les lignes dans nos écoles?

Nous tenons à conclure cet article en insistant sur notre démarche. Nous avons constaté que la littérature destinée aux parents est parfois, (souvent) infantilisante. Nous avons voulu ici donner un éclairage nouveau et surtout redonner aux parents leur autonomie. Notre but n’est donc pas de donner des leçons mais au contraire, de rendre la totale liberté et responsabilité aux parents. Prenez votre envol, sachez vous écouter car vous avez très souvent raison!

Laila Ducher

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