« Lost In Orientation »

Laila Ducher
Weeprep
Published in
6 min readSep 29, 2015

Je m’appelle Laila, j’ai aujourd’hui 36 ans, j’accompagne les transitions personnelles, scolaires et professionnelles.

Aussi loin que je me souvienne, je ne crois pas avoir eu l’occasion durant ma scolarité dans le secondaire de réfléchir sérieusement à mon avenir scolaire et in fine professionnel.

Etre capable de me projeter dans un avenir lointain m’était assez pénible mais aussi difficile.

Bien qu’ayant été une bonne élève, je n’arrivais pas à savoir ce pour quoi j’étais faite. Et quel serait l’endroit où je pouvais m’épanouir le plus.

« La connaissance de soi-même est la première de toutes les connaissances.» Citation de PIERRE CHARRON Le traité de la sagesse (1601)

L’exercice de recherche de soi, me semblait tellement élevé que j’ai fini par me focaliser sur mon travail à l’école. La finalité de mes apprentissages importait peu.

N’ayant pas particulièrement été aidée et encouragée par mon entourage familial et scolaire à circonscrire un projet professionnel, j’ai fini par faire mes propres choix, qui se sont avérés être des choix par défaut, quelques années plus tard. Je suis effectivement allée là où le vent me portait, c’est tout.

Rétrospectivement, j’avais déjà loupé le coche dès la 4ème. J’aurais dû à cette époque balayer les métiers qui auraient été potentiellement faits pour moi.

Pour émettre mes vœux d’orientation en 3ème, je me suis simplement fondée sur les matières où j’avais les meilleurs résultats. J’ai donc choisi de préparer un Bac Littéraire.

Après avoir obtenu mon BAC avec mention, je pensais effectivement que j’allais avoir tout le temps de réfléchir à ce que je voulais vraiment faire de ma vie.

Cependant, dès ma première année d’études supérieures, j’ai vite découvert, que je n’avais pas vraiment le temps d’y songer, car pour financer mes études, j’ai dû prendre un travail de nuit : la journée j’étais en cours et le soir à partir de 17h30 jusqu’à 7H30 du matin je travaillais, et ainsi de suite.

Je me rendais bien compte que prendre le temps de réfléchir était un luxe que je ne pouvais pas me permettre. C’était trop tard !

Je me suis donc tournée vers la littérature et les langues étrangères. Comme les études de langues en France ne mènent généralement qu’à l’enseignement, je suis par la force des choses devenue enseignante, Mais je ne savais pas quel type d’enseignante j’allais devenir, ni pourquoi j’allais exercer ce métier. Je devais avancer c’est tout.

Au début, mes études supérieures étaient loin d’être un long fleuve tranquille. En effet, la confiance et la motivation s’altéraient d’année en année universitaire. J’ai fait une première année d’études en Langues Etrangères Appliquées à l’entreprise. J’ai découvert une formation très peu professionnalisante et à la fois très académique sur l’apprentissage des langues étrangères. Cela ne me convenait pas. J’ai décroché au second semestre. Et après que faire ?

Je me suis donc inscrite l’année suivante par défaut en Langues Littératures et Civilisations Anglophones. La réussite était de retour, cependant je n’arrivais pas à être particulièrement motivée, engagée et confiante. Je ne voyais pas le bout de ces études. Et je n’arrivais pas à comprendre pourquoi.

A la fin de ma licence, j’ai eu l’occasion de vivre et travailler aux USA en tant qu’assistante linguistique. C’était pour moi une véritable trêve, car je ne pouvais plus supporter ce manque de vision d’avenir, et ce sentiment d’inutilité. Pendant un an j’ai initié des enfants au français dans une école primaire. Je me suis prise au jeu de l’enseignement, j’ai adoré.

J’étais dans un nouveau pays, et le contexte d’enseignement était inédit, et je me suis sentie valorisée et reconnue par mes pairs. J’ai découvert que j’avais envie de poursuivre mon expérience dans l’enseignement à l’étranger, j’ai donc préparé une candidature pour l’Angleterre, ma candidature fut retenue. Je suis donc partie immédiatement en Angleterre pour enseigner le français à des collégiens et des lycéens pendant un an.

Quand je rentre en France, le vide et le doute s’installent rapidement. Je n’ai pas trouvé d’emploi en tant que professeur de Français Langue Etrangère avec ma licence d’anglais mention FLE et mes deux années d’expérience à l’étranger.

Puis s’en sont suivies des errances estudiantines et professionnelles, une perte de repère totale assez déstabilisante. J’ai touché le fond. L’avenir était flou, j’avais 25 ans.

Une année et demie de chômage s’en est suivie, tout de même.

J’ai donc repris mes études d’anglais par le CNED, sans avoir d’objectif précis car il fallait bien être quelque part, et s’occuper le plus possible. J’enchaine en parallèle des jobs précaires (cours particuliers essentiellement), payés au black, à temps partiel. Je me sentais exclue, malgré tout le mal que je me donnais pour me frayer un chemin.

A presque 27 ans, j’ai obtenu, mon premier vrai contrat en tant qu’enseignante en FLE et de coordinatrice d’une structure de réinsertion des décrocheurs dans un lycée professionnel. Et c’est en aidant les adolescents en difficulté que j’ai découvert que j’étais passionnée par l’accompagnement des élèves dans leurs projets. A cet endroit-là, j’étais utile, motivée et confiante car je me sentais très efficace. Il m’a fallu passer par différentes expériences pour comprendre ce pour quoi j’étais faite.

« Dans 20 ans, vous serez plus déçu par les choses que vous n’avez pas faites que par celles que vous avez faites. Alors sortez des sentiers battus. Mettez les voiles. Explorez ». Rêvez. — Mark Twain

A 30 ans, mon poste de coordinatrice est supprimé pour des raisons de réduction budgétaire dans l’Education Nationale, je quitte par la même occasion mon poste d’enseignante en FLE, et je décide de réaliser une reconversion professionnelle en préparant un master en Ressources Humaines suivi d’un autre master en coaching cognitif et comportemental. En tout il m’a fallu 4 années d’études alternant travaux de recherches et pratiques pour trouver ma voie.

J’ai pris un chemin de traverse pour comprendre qui j’étais, et ce pour quoi j’étais faite. Ce que j’ai appris sur moi lors de toutes ces expériences c’est mon attrait particulier pour la relation d’aide, la recherche constante de nouvelles techniques pour améliorer ma vie et celle d’autrui.

J’ai eu de la chance d’avoir rencontré des personnes qui m’ont aidée à me réaliser, c’est une des principales raisons de ma réussite.

Aujourd’hui, j’ai compris qu’en allant de plus en plus vers ce que je suis, et ce que je souhaite, j’ai développé un sens de la créativité, j’ai compris que si je voulais que le monde change, ce n’était pas à lui de changer pour moi, mais à moi de changer. J’ai décidé de travailler à mon compte et d’apporter une nouvelle vision de ce qu’est l’accompagnement des personnes dans les phases de transitions..

De mon cas personnel et d’autres parmi mes amis, j’en tire quelques axes de réflexion.

Pour éviter l’exclusion des jeunes en France, il me semble qu’il serait temps de remettre de l’ordre dans notre écosystème lié à l’orientation scolaire et proposer des solutions permettant d’accompagner plus efficacement les individus.

Alors en tant que praticienne de l’accompagnement aujourd’hui, je me demande pourquoi les effets de l’orientation scolaire en France ont aussi peu d’impact sur les plus fragilisés ?

Aujourd‘hui les chiffres concernant l’efficacité de l’orientation scolaire en France parlent d’eux-mêmes :

15% des jeunes sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification (chiffres E.N, 2013)

45% des étudiants qui ont choisi leur orientation n’avaient pas une idée précise de leur métier » (Opinion Way, 2014)

67% des étudiants auraient souhaités être davantage accompagnés dans leur orientation » (Opinion Way, 2014)

« Plus d’un jeune sur cinq est sans emploi, trois après avoir quitté l’école. Un taux de chômage qui n’a jamais été aussi haut, particulièrement chez les non-diplômés. » (Etude Cereq 2014)

Toujours selon la même étude :

81% des diplômés du «supérieur court» (jusqu’à bac plus 4) ont un emploi au bout de trois ans

88% pour ceux du «supérieur long» (bac plus cinq et au-delà) ont un emploi aussi au bout de 3 ans

41% seulement des non-diplômés travaillent (génération 2010)– une baisse de 16 points par rapport aux jeunes de la Génération 2004).Conséquence de cette forte dégradation: la majorité (48%) se retrouve au chômage, un niveau record, contre 32% six ans plus tôt.

Pour mieux comprendre cette situation, essayons d’appréhender les clés du processus d’orientation scolaire actuel.

Laila D.

https://weeprep.org/

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