Ma vision de l’école: une utopie à reconstruire

Nataspa Mom'ziles
Weeprep
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5 min readJul 12, 2017

Je suis professeure des écoles depuis 2007. Dès mes premières années d’enseignement, j’ai été affectée dans une zone d’éducation prioritaire en banlieue parisienne.

Cela m’a paru très vite évident qu’il n’était pas possible d’enseigner sans prendre en compte le vécu des enfants. Avant toute chose, il fallait fédérer le groupe classe afin que les enfants puissent apprendre et envisager de construire ensemble des projets.

Apprendre était une chose mais le plaisir d’être à l’école me paraissait essentiel. J’ai pris conscience de cela, tout au long de mes années d’enseignement au contact des enfants, des familles et des différents partenaires.

Inutile de vous lister l’ensemble des mes actions auprès de mes élèves, ce serait sans grand intérêt, cela dit, voici le type d’actions efficaces que j’ai pu mettre en place jusqu’alors permettant à l’école d’être un lieu de socialisation et de plaisir d’apprendre.

Pour moi, l’école est un lieu de plaisir et de découverte de l’autre.

Pour cela nous devons faire en sorte que les enfants deviennent acteurs de leurs apprentissages et des règles de vie qui les concernent en classe.

Les années précédentes, j’enseignais en CM2. Mes élèves choisissaient avec moi le projet et participaient activement à ce dernier (budget, financement éventuel, organisation etc.) Je n’hésitais pas à faire appel à des parents afin de m’aider dans certains domaines (créer des livres sur i-pad par exemple) Nous avons mis en place plusieurs projets dans l’école afin de collaborer avec les parents.

La fête des 100 jours avec les classes de CP et de CE1 consistait à constituer une collection de 100 objets et au bout du centième jour de classe une grande fête était organisée. Les parents y étaient conviés et étaient en charge de l’organisation des ateliers prévus ce jour-là. Un événement comme celui-ci permet de créer du lien entre la famille et l’école. Une “mission” est donnée par l’école aux familles. Cette dernière amène une partie de “soi”, de chez lui à l’école.

L’aboutissement se joue le jour de cette fameuse fête et en amont. Les activités sont élaborées en partenariat avec les parents. Ce jour-là, les parents sont responsables d’une activité et non de l’encadrement comme nous en avons bien souvent l’habitude.

Le projet “cuisinons ensemble” avait pour objectif d’élire par les élèves de chaque classe trois recettes parmi les recettes proposées par les parents d’élèves afin d’écrire un livre de cuisine. Le parent de la recette sélectionnée anime en classe un atelier cuisine auprès des enfants. Le partage de la connaissance de la famille et de sa culture est essentiel, il y a donc inclusion des cultures, des valeurs des familles d’élèves, ce qui permets aux enfants de développer une ouverture d’esprit sur le monde plus importante et de se sentir accepté, valorisé dans sa culture d’origine et de sentir citoyen français.

Cette année, j’enseigne également en zone d’éducation prioritaire mais hors de la région parisienne auprès d’enfants de moins de 3 ans (l’année avant la petite section).

J’ai fait un travail de co-éducation au sein de ma classe grâce à un partenariat ou une collaboration étroite avec la CAF, la PMI, la RAM, la Halte Garderie, la crèche familiale, la mairie, le Centre social éducatif, le PRE (projet de réussite éducative) etc.

L’ouverture de cette classe aux enfants âgés de moins de 3 ans a pour volonté de faciliter l’entrée à l’école et d’établir un contact entre les familles et l’école et de permettre aux parents de découvrir des activités ludiques, pédagogiques qui permettrons de développer des compétences de socialisation, de psychomotricité chez leurs enfants.

Dans ce dispositif de co-éducation (famille/école) je propose de nombreuses activités “parents/enfants” :

Des ateliers de :

  • cuisine
  • d’arts plastiques

Des séances de lecture double :

  • un album sélectionné est lu dans deux langues (français/russe ; français/arabe ; français /lingala).

La création d’un imagier sonore plurilingue (sur tablette)

La réalisation d’un jardin des 5 sens

Toutes ces activités permettront de rétablir la confiance perdue entre l’école et la famille. Si l’enfant sent sa famille en confiance, il sera plus en mesure de se concentrer sur ses apprentissages. En effet, des études, sur la figure d’attachement par exemple, montrent qu’un enfant a besoin d’un figure d’attachement sécurisante afin de pouvoir profiter pleinement des situations d’apprentissage.

La prise en compte de la langue maternelle de l’enfant lui permet de développer son langage plus aisément contrairement aux idées reçues. Cette richesse de posséder deux langues ne doit en aucun cas être “étouffée par l’école”.

Certains collèges (Collège de Lucé, Eure-et-Loir) reconnaissent et valident leurs élèves dans de nombreuses autres langues que le français, l’espagnol, l’anglais ou l’allemand. Cette valorisation de l’identité des familles par le biais de la reconnaissance de “langue invisible” a permis un regard différent des enseignants sur ces élèves.

Les “temps partagés” (jusqu’en CP)

En partenariat avec la CAF et le Centre Social Educatif : les parents viennent dans l’école jouer avec les enfants à des jeux de société pendant 1h, dans un second temps ils se retrouvent entre eux pour un temps d’échange. L’école est désacralisée, elle peut devenir un temps d’échanges et de convivialité.

Le café des parents

La semaine de la maternelle (projet national) : une semaine de classe ouverte aux parents toute la journée afin de participer à diverses activités (projet réalisé sur toute l’école — 6 classes). Nous allons étendre le projet en 2017/2018 en proposant d’autres semaines à thème :

  • la semaine de la maternelle (avril 2018/thème DEDANS/DEHORS)
  • semaine du goût (octobre 2017)
  • semaine des sciences (février 2017).

Durant ces événements, tous les parents sont conviés et les bienvenus.

Le thème de l’école sur l’année est la diversité “Mon école d’ici, ton école d’ailleurs”. Nous cherchons donc à mieux connaître notre école mais également nos familles avec une prise en compte des diversités culturelles de chacun tout en permettant aux enfants de s’ouvrir sur un ailleurs.

L’école doit être un lieu où l’enfant et se famille se sent en sécurité affective, émotionnelle, intellectuelle… Maria Montessori disait “Le monde de l’éducation est une espèce d’île où les individus déracinés du monde se préparent la vie en y restant étrangers .”

Le rôle des enseignants et de l’école d’aujourd’hui serait que justement l’élève ne se sente plus déraciné et arrive dans un monde accueillant et amicale avec son histoire et sa famille.

Natacha Cazogier

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