Maman, qu’est-ce que tu ferais si je meurs aujourd’hui ?

Si tu meurs aujourd’hui, je meurs demain… Mon enfant

Laila Ducher
Weeprep
4 min readJun 17, 2017

--

J’ai tué ma mère, Xavier Dolan (2009)

J’ai visionné aujourd’hui un film au titre couperet « J’ai tué ma mère » de Xavier Dolan (2009).

Le titre est dur mais à la fois, quel enfant n’y a jamais songé ? Aimer c’est aussi haïr. Ce film est sans conteste, une pure déclaration d’amour d’un fils à sa mère.

Etre une mère n’est pas facile, être seule à faire le job est encore pire. On fait avec ce qu’on peut, on donne ce qu’on a, on utilise les armes qu’on connaît pour permettre à notre enfant de grandir et de se frayer une place dans ce monde.

Être enfant, c’est recevoir, apprendre, faire des efforts pour devenir autonome et être « reconnaissant » de ce qu’on a reçu. Pourtant être reconnaissant n’est pas chose aisée lorsqu’on a eu des parents maltraitants, absents.

Donner, recevoir, tels sont les rôles de chacun dans cette dyade

La maman du héros (Hubert) de ce long métrage, n’est pourtant pas une mère maltraitante, mais au fil des années a changé et s’est endurcie, face à sa solitude et son désenchantement vis-à-vis de la gente masculine, mais aussi aux épreuves de la vie. Elle élève seule son fils depuis qu’il a l’âge de 7 ans.

Son fils lui est devenu un homme, il a 17 ans et pose un regard d’adulte sur sa mère. Il n’est pas tendre avec elle. Il n’aime pas la façon dont elle s’habille, décore sa maison, ni la façon dont elle s’exprime, ni ses fréquentations, ses hobbies. Il lui dit frontalement qu’elle est un peu pèquenaude et qu’il a honte d’elle. C’est en tout cas les raisons qu’il évoque pour lui exprimer son envie de s’émanciper.

Il veut partir car il ne la supporte plus et puis d’ailleurs elle ne l’écoute pas assez.

Il n’arrive pas à se séparer d’elle et elle de lui justement parce que leur relation semble fusionnelle. Elle l’a élevé seule, et voir son “bébé” devenir grand et devoir le traiter en tant que tel, lui est impossible, insoutenable, car cette fois-ci, elle sera vraiment seule au monde.

Pourtant le rôle d’un parent est de pousser son enfant dans la vie et de lui apprendre à se séparer (serge Hefez)

Quant à lui, Hubert, l’adolescent, essaie tant bien que mal de sortir de la dépendance affective de sa mère par tous les moyens, il n’y parvient pas.

Trop d’amour, tue l’amour…

Hubert souffre de trop d’amour. Il ne parvient pas à trouver une sécurité intérieure suffisante pour se séparer sereinement de sa mère.

Dans cette relation mère/fils, il n’est pas simple d’identifier les ressentis et les émotions propres à chacun, ou qui appartiennent à la famille. Par conséquent, la famille devient un espèce de méli mélo d’émotions contradictoires dans lequel tout le monde se perd, se noie.

Face aux innombrables disputes avec son fils, elle l’inscrit de force en pensionnat, avec la complicité du père absent, évoquant de mauvais résultats scolaires.

Hubert est choqué, comment en effet sa mère en est arrivée à le placer dans un pensionnat? Le considère t-elle comme une source de problèmes? N’arrive t-elle plus elle aussi à le supporter? Veut-elle reprendre sa liberté de femme? Si c’est le cas, alors quel égoïsme!

Hubert lui exprime tout ce qu’il ressent, elle, ne lui exprime que peu de choses. Chez elle, la parole est bloquée.

A 17 ans pourtant, on n’est plus un enfant mais on est pas tout-à-fait un adulte. Pourtant on exprime des désirs, des idées précises que les adultes ont souvent du mal à entendre, justement parce qu’on est pas considéré comme suffisamment mature. Hubert exprime son refus, mais se doit d’obéir à sa mère.

Au pensionnat, il s’adapte, mais n’est pas heureux et se fait agressé régulièrement, justement parce qu’il est différent.

La séparation prend acte…

Mais parvient-on réellement à se séparer une bonne fois pour toute de sa mère, de ses parents ?

Les liens parentaux ont la particularité de ne jamais être tout-à-fait défaits, ils sont permanents. A la vie, à la mort.

Ce film pose donc une problématique dans laquelle, je suis certaine chaque parent ou futur parent pourrait se reconnaître:

Est-ce que je l’aime suffisamment? suffisamment bien?

J’ai peur de mal l’aimé…

Qu’est-ce que j’attends de mon enfant ?

J’ai peur de trop lui mettre la pression pour qu’il obéisse à mes propres exigences, j’ai peur de l’étouffer…

M’aimera-t-il aussi intensément, passionnément que moi je l’aime, tout le long de la vie ?

J’ai peur qu’un jour il ne m’aime plus et qu’il ne veuille plus me voir, j’en mourrais…

Serais-je à la hauteur de son éducation ?

Je ne suis pas parfait(e), je ne suis pas infaillible, est-ce que je fais de bons choix éducatifs pour l’aider à devenir lui-même?

Je le fais souffrir parfois, et je n’aime pas du tout ça, m’en voudra-t-il éternellement ?

J’ai peur que nos relations ne soient pas sereines et qu’on passe notre vie à se déchirer pour oui ou pour un non

Et s’il n’est pas comme les autres, l’aimerais-je aussi inconditionnellement que maintenant ?

J’ai peur de ne pas trouver la bonne attitude, les bons mots face à mes propres émotions. Mes désirs ne sont pas les siens, je le sais, pourtant je ne puis m’empêcher…

Et, il y a tellement d’autres peurs… Tellement d’autres questions que l’on se pose quand on est parent.

J’invite donc les parents à compléter cet article, si le coeur leur en dit.

-Je dédie cet article à ma mère qui me manque tant.-

Laila Ducher

https://weeprep.org/

--

--