Le goût des fruits et légumes

Guillaume Fourdinier
Agricool
Published in
11 min readJan 16, 2017

Quand on donne des légumes verts à un enfant ça donne souvent ça.

Jusque-là rien d’anormal, tout est question de point de vue. Mais il arrive maintenant que de plus en plus de personnes aient cette réaction à l’âge adulte. Nous avons voulu comprendre pourquoi le goût de certains fruits et légumes ne plaît pas. Rectification. Pourquoi le goût ne plaît plus autant qu’avant. Pour le découvrir, nous sommes revenus à la base. Pourquoi mangeons-nous ?

La réponse est simple. L’alimentation est vitale pour notre organisme. Elle nous apporte l’ensemble des nutriments nécessaires au bon fonctionnement de notre corps. C’est-à-dire, des calories pour l’activité et toutes les fonctions de l’organisme (respiration, digestion…), mais aussi des éléments pour la croissance et l’entretien de l’organisme, et pour le maintien d’un bon système immunitaire. Le fameux…

Mange de la soupe si tu veux grandir !

Donc manger, c’est la vie. Mais c’est aussi et surtout un plaisir avant tout. Or, ce plaisir tend à s’effacer avec la disparition du goût des fruits et légumes que nous mangeons. Nous avons voulu comprendre la raison de ce changement.

LES FRUITS ET LÉGUMES, NOYAUX DE NOTRE ALIMENTATION

Pour avoir un impact positif sur notre santé, l’alimentation doit être variée. Si certains revendiquent se nourrir exclusivement de hot dog, ou de steak/frites, ce n’est malheureusement pas un idéal en termes de routine alimentaire.

Pour que le corps fonctionne comme une machine bien huilée, nous avons besoin de trouver dans les aliments une grande diversité de nutriments.

Nous avons besoin de macro (#gros) nutriments en grande quantité. Soit un méli-mélo de noms pas très beaux. Des glucides (amidons, sucres et fibres alimentaires), des lipides et des protéines. Nous avons aussi besoin de micro (#petits) nutriments, en plus faible quantité. Il en existe toute une ribambelle: vitamines, minéraux, acides gras essentiels, acides aminés.

Tous ces nutriments nous les trouvons lors des repas. Et où concrètement ? Dans les fruits et légumes en grande partie. On les trouve aussi dans les féculents, les produits laitiers et alternatives végétales, les matières grasses ajoutées et oléagineux, et enfin dans les produits gras et sucrés. Attention à ne pas abuser de ces derniers.

Revenons-en à nos fruits et légumes, ou ce qu’on considère être à la base de la pyramide alimentaire. D’après les recommandations de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) et de la FAO (Food and agriculture organization) il faudrait en manger au moins 400 g par jour. C’est ce que vous connaissez sous le fameux slogan “manger 5 fruits et légumes par jour”. Jusque là, tout va bien. Mais manger est-il vraiment uniquement une question de besoin physiologique ?

MANGER, UNE OBLIGATION OU UN PLAISIR

Nous mangeons certes parce que nous en avons besoin, mais aussi parce que c’est un plaisir. Ca tombe bien, parce que quitte à avaler 400 gr de fruits et légumes par jour, autant que cela soit fait avec le sourire. Et justement, 54% des français déclarent beaucoup aimer les fruits et 46% les légumes. Un ratio de ½. Ce n’est pas fou, mais déjà pas mal.

Et donc pourquoi cette autre moitié de la population n’est-elle pas convaincue ? Pour une raison simple. Ils émettent quelques réserves sur le goût. Seulement 59% d’entre eux se disent satisfaits par le goût des fruits et légumes qu’ils achètent. Et plus de 60% des consommateurs jugent les fruits et légumes qu’ils achètent “ni murs ni sucrés”. Il faudrait donc manger chaque jour des produits que l’on n’aime pas, et le tout en grande quantité… Et ça c’est pas gagné.

Quand on demande les 3 critères les plus importants pour la composition des repas, la réponse est frappante. Le goût arrive en premier avec 53% des personnes l’ayant cité dans leur top 3. Vient ensuite la qualité avec 52% et le plaisir avec 42%. D’autres stats sont encore plus parlantes, le goût est pour 3 français sur 4 un critère majeur au moment de l’achat de produits alimentaires.

Se nourrir ne se limite donc pas à un besoin physique. C’est avant tout un plaisir, et le goût semble être central dans le processus d’achat. Alors comment expliquer que connaissant ces attentes, le goût ait quand même disparu de nos assiettes ?

Il y a quelque chose qui ne colle pas. Est-ce un problème au niveau de la perception du goût ou est-ce un problème au niveau de la production elle-même ? Pour mieux le comprendre, nous nous sommes penchés davantage sur ce qui se cache derrière cette perception du goût. Qu’est-ce que ça signifie ? Le goût d’une fraise est-il perçu de la même façon par un parisien que par quelqu’un vivant à l’autre bout de la planète ?

QUE SE CACHE T-IL DERRIÈRE LE GOÛT ?

Pour répondre à ces interrogations, nous sommes revenus aux origines du goût. Le goût est un des 5 sens de l’homme et il est rendu possible grâce aux papilles gustatives présentes dans notre bouche.

Ces dernières se comptent au nombre de 5 000 à 8000 à l’âge adulte et la majorité sont réparties sur la langue. Il en existe différentes catégories : caliciformes, fongiformes, foliées (celles qui renferment les cellules du goût). Chaque papille est constituée de 50 à 100 cellules qui transmettent les informations qu’elles reçoivent à un neurone.

Le goût permet d’identifier 4 saveurs primaires réparties par zone sur la langue. Le bout de la langue pour le sucré, les côtés pour le salé, et l’acidité, et le fond de la langue pour l’amertume. Et n’oublions pas le fameux 5ème goût ou umami, ce composé essentiel de l’art culinaire nippon.

À noter que la perception du goût change avec l’âge. On peut donc détester les légumes verts en étant enfant (comme c’est souvent le cas) et les adorer à l’âge adulte. Ouf, il y a donc encore de l’espoir pour les épinards. Enfin peut-être.

Mais ce qu’on appelle le goût dans le sens commun fait en fait référence à ce que les scientifiques nomment la flaveur. C’est-à-dire l’ensemble des perceptions gustatives (vu juste avant) mais aussi olfactives et trigéminales (trigéquoi ? On vous dit tout un peu plus loin).

L’odorat a donc également un rôle important. Les aliments ont des arômes, constitués par des molécules odorantes (parfois plus d’une centaine de molécules pour un arôme) qui sont libérées dans la bouche lorsque l’on mâche. En passant par les cavités nasales à l’arrière du palais, ces molécules sont détectées par les neurones olfactifs qui s’agitent alors pour repérer toute la diversité des arômes.

Les sensations trigéminales quant à elles font référence à la perception thermique, mécanique et chimique. Elles permettent de dire si un aliment est piquant, astringent, brûlant ou rafraîchissant.

Le goût est donc un méli-mélo de plusieurs facteurs. C’est un processus complexe dans lequel la perception individuelle joue un rôle important puisqu’il fait en grande partie appel à un jugement subjectif et personnel. Mais quand 50% de la population estime que les fruits et légumes ont moins de goût qu’avant, cela devient un fait avéré et non l’avis de quelques consommateurs aux sens aiguisés.

Alors soit il y a une épidémie qui affecte l’état des papilles de la moitié de la population, soit il y a un problème à la base, au niveau de la production de nos aliments.

CHERCHIONS-NOUS VRAIMENT LE GOÛT ?

Pour comprendre l’origine du phénomène, il faut revenir il y a un peu plus de 50 ans. En 1960, la dépense de consommation dédiée par les ménages à l’alimentaire était de 34,6%. Elle constituait même le principal poste de dépense. Les fruits et légumes avaient la part belle avec plus de 18% du panier moyen.

Entre temps, les fameuses « trentes glorieuses » sont passées par là. Les revenus des ménages ont augmenté et leur façon de consommer a évolué. La part dédiée à l’alimentaire est descendue à 20,4%, et les fruits et légumes ne représentent plus que 15,5% du panier moyen.

A l’inverse, certaines dépenses prennent de plus en plus de place au sein du panier alimentaire : c’est le cas des plats préparés, des produits sucrés (sucre, confiserie, chocolat, confitures…) et des boissons non alcoolisées.

Entre 1960 et 2010, les attentes des consommateurs n’étaient pas celles d’aujourd’hui. L’objectif a été de dépenser toujours moins dans les fruits et légumes. L’Agriculture a réalisé ce souhait, en réalisant évidemment quelques compromis.

LE PRIX, ENNEMI DU GOÛT ?

Cette exigence vis-à-vis des prix a eu des répercussions importantes sur la façon de produire. Il est essentiel ici de tenir compte de deux facteurs qui ont largement influencé ces changements.

D’un côté, la démographie a explosé. On est passé d’environ 40 millions d’habitants en France en 1950 à 66 millions en 2016. Les producteurs ont donc dû trouver des stratagèmes pour baisser leurs coûts de production tout en augmentant les rendements.

De l’autre côté, les villes se sont agrandies au détriment des surfaces agricoles. Elles ont perdues en superficie et ont dû s’éloigner des consommateurs. Plus de 26m2 de surfaces agricoles disparaissent chaque seconde en France. Résultat, aujourd’hui les fruits et légumes sont produits à plus de 1500 km en moyenne du lieu de consommation final. En France par exemple, les fraises que nous mangeons viennent à 75% d’Espagne ou du Maroc.

Le monde agricole a donc dû trouver des solutions pour faire face à ces changements. Il s’est éloigné, modernisé et a fait évoluer ses critères de choix des fruits et légumes. Ces derniers ne sont plus sélectionnés pour leur goût mais pour une floppée d’autres critères : pour leur durée de vie (survivre au transport), leur aspect visuel (la fameuse tomate toute belle toute ronde du supermarché), leur résistance aux maladies et aux températures (de vrais warriors) ou encore pour leur rendement (facile à produire en grande quantité).

Résultat, c’est le goût qui en prend un coup. Nos fruits et légumes sont cueillis avant maturité. Vu que le fruit est toujours vivant une fois cueilli, il puise ainsi dans ses réserves de sucres pendant le transport afin de continuer sa croissance et produire des pigments et composés aromatiques. Cueillir un fruit avant maturité signifie donc qu’il aura moins de sucre. Pour le cas de la fraise par exemple, le goût perçu pour le fruit est directement lié au rapport taux de sucre/acidité. Donc plus une fraise est acide, moins elle plaît. Et plus elle est cueilli tôt, plus ce sera le cas.

La majorité des fruits et légumes que nous consommons aujourd’hui subissent donc un véritable parcours du combattant avant de parvenir jusqu’à nous. Ils arrivent beaux sur les étals de nos supermarchés, mais sans avoir eu le temps de transformer en explosion de saveurs, d’où le ressenti de la part de la majorité des consommateurs. Mais alors, est-il possible de retrouver le goût d’antan ? Quelle solution existe-t-il ?

VERS LA FILIÈRE DU BIO ?

Le bio apparaît comme une solution idéale sur biens des aspects. Une étude parue récemment a d’ailleurs montré les bienfaits du bio sur l’environnement, la santé, et la société. Pour ce qui est du goût, le bio est généralement mieux, à condition de respecter un critère essentiel : le local.

Et les chiffres sont d’ailleurs très parlants. Plus de 43 % des consommateurs d’aliments biologiques mentionnent un « meilleur goût » comme une des principales raisons d’acheter des fruits et légumes biologiques. Des réponses encourageantes donc.

Il existe cependant un effet de halo qui peut être assez important. C’est-à-dire un biais cognitif qui affecte la perception que l’on a des gens et des choses. C’est notamment le cas lorsque l’on voit une étiquette bio sur un produit. C’est le fameux test Coca/Pepsi.

La grande majorité des personnes disent préférer un coca et en distinguer clairement le goût par rapport à Pepsi. Sauf que si on réalise un test à l’aveugle, il y a finalement très peu de personnes capables de faire la différence entre les deux marques. Plus impressionnant, 75% des gens préfèrent le Pepsi. C’est ce que certains appellent le neuromarketing, et qui fait référence ici à l’effet de halo.

Par ailleurs, plus d’un quart des produits bios sont issus de grandes exploitations d’Europe centrale, de Pologne ou d’Allemagne, transportés sur des centaines de kilomètres. S’il existe de nombreuses exploitations bios et locales, ce n’est donc pas le cas de toutes.

De manière générale, le bio reste une approche qui semble être plus durable que l’agriculture conventionnelle. En revanche, à ce jour, aucune étude n’a encore prouvé réellement les bienfaits du bio en terme de valeur nutritive des aliments et de goût. Excepté pour le phosphore, les quantités de vitamines, minéraux, ou encore protéines ne diffèrent pas significativement entre les aliments bios et conventionnels.

Le bio est donc une filière plus responsable et plus bénéfique pour la santé et pour l’environnement. Il permet également dans une grande partie des cas de retrouver un goût et une qualité perdue. Le bio est donc une excellente alternative aux produits traditionnels à condition qu’il soit produit localement. Alors la question qui nous vient est la suivante : est-il possible de combiner une méthode de production responsable, locale et centrée autour du goût ?

L’AGRICULTURE URBAINE SERAIT-ELLE LA SOLUTION ?

Produire localement est indispensable pour obtenir un goût exceptionnel.

Il n’existe pas une seule solution idéale mais de multiples opportunités. Cela permet d’éviter les transports et de pouvoir ainsi se permettre de choisir des variétés de fruits et légumes plus fragiles mais meilleures. Les fruits et légumes retrouvent ainsi le circuit classique et n’ont plus à subir toutes les étapes actuelles : réfrigération, transport, conservateurs…

En partant de ce constat, l’agriculture urbaine semble être une solution idéale. On produit sur place, des fruits et légumes qui sont consommés le jour J.

Et justement, c’est un mouvement qui fait de plus en plus d’adeptes. Plus de 800 millions de personnes dans le monde sont impliquées dans l’agriculture urbaine et périurbaine (AUP). Selon la FAO, il serait possible de produire jusqu’à 50 kg de produits frais horticoles (fruits, légumes) par m2 et par an en milieu urbain. Contrairement aux idées reçues, l’agriculture urbaine n’est donc pas incompatible avec une certaine productivité.

A Paris, ce phénomène prend d’ailleurs de plus en plus d’ampleur. Aujourd’hui il y a plus de 73 hectares destinés à des surfaces d’initiatives d’agriculture urbaine en Ile-de-France. Et la Mairie de Paris a annoncé vouloir accroître cette surface de 33 hectares d’ici 2020.

Dans cet univers en pleine expansion, Agricool est une des solutions largement plébiscitées. Le premier Cooltainer à Bercy a déjà suscité une forte curiosité, et nous lançons dès 2017 plus de 75 cooltainers sur Paris et sa région. Notre objectif ? Produire directement aux pieds des consommateurs, des fruits et légumes de qualité, accessibles à tous. Il ne sera bientôt plus nécessaire de puiser dans vos mémoires pour retrouver le véritable goût des fruits et légumes du jardin de vos grand-parents.

Le goût est de retour, et nous sommes impatients d’avoir vos feedbacks.

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