Savez-vous vraiment ce qu’est le goût ?

Guillaume Fourdinier
Agricool
Published in
9 min readJan 27, 2017

Ce mois-ci nous avons abordé la thématique du goût sur notre compte Medium. C’est un sujet essentiel puisqu’il semblerait qu’il soit directement lié à la perception que nous avons des aliments. A tel point que dans le langage commun, «goûter» signifie tout simplement essayer une substance à l’intérieur de la bouche et la savourer. Pour mieux comprendre l’origine de ce lien, nous avons enquêté sur le sujet. 🕵

L’art de percevoir toute la richesse du goût des aliments

Pour bien comprendre l’origine du goût, rien de mieux que de se projeter. 🌟

Imaginez que vous êtes sur le point de manger une fraise. A tout hasard, disons que c’est une fraise Agricool, qu’elle est sucrée et qu’elle a du goût donc.

A la seconde où vous la mettez dans votre bouche, cela enclenche un transfert d’informations complexes et variées en direction de votre cerveau.

Votre première impression? Cette fraise est (sacrément) bonne. Et en pensant “bonne”, vous faîtes référence à son goût. Vous associez donc directement le goût qui se dégage de la fraise à l’expérience du fruit dans votre bouche.

Mais si le rôle de ce sens est important, il n’est cependant pas le seul à influencer la perception que vous avez des aliments. Le goût est en fait une petite fraction de ce qui se passe réellement. Il existe une quantité considérable d’informations, provenant de nos 5 sens, et qui ont toutes une rôle important.

Pour le comprendre, nous allons rentrer un peu plus dans le détail. 🔬

Goûtez, savourez, dégustez

Revenons-en au goût. Ce sens qui détermine notre perception des aliments et qui est essentiel lorsque nous testons une nouvelle saveur.

Et justement, il est temps de mâcher de bon coeur cette fraise qui est posée devant vous.

En faisant une telle action, vous activez les récepteurs dans vos papilles gustatives et êtes ainsi capables d’identifier quelques premières informations. Vous serez capable de dire si ce que vous mangez est sucré, salé, aigre, amer, ou umami. Mais les capteurs dans la bouche ne font pas tout. La preuve.

Voici un petit test à réaliser chez vous. 🕹

Pincez-vous le nez et mâchez cette fraise. Votre langue détectera immédiatement que c’est doux. Cette douceur vient du sucre, et c’est le goût primaire du fruit. Mais à ce moment là, vous ne serez pas encore capable d’identifier l’aliment que vous avez dans la bouche. Laissez maintenant votre nez. Vous allez immédiatement percevoir la saveur : ah, une fraise.

Alors, c’est grave docteur? Non, ne vous inquiétez, tout va bien. C’est juste que le “goût” tel que vous l’entendez est un phénomène beaucoup plus complexe. Il implique directement vos 5 sens, sans quoi vous ne vivez et percevez qu’une partie infime de l’expérience. L’odorat est un de ceux qui joue le rôle le plus important.

Sentez, respirez, percevez

Pour preuve, il a été démontré que ce que la plupart des gens associent au goût des aliments provient en fait du nez. 👃

D’ailleurs, lorsque l’on demande à des personnes d’évaluer les qualités perceptives d’un ensemble d’odeurs, elles utilisent généralement des termes qui dérivent à l’origine du système sensoriel gustatif. Vous entendrez donc des mots tels que «sucré» et «aigre». Alors même que le système olfactif ne contient pas lui-même les récepteurs sensibles à ces saveurs. Faites l’expérience lors d’un prochain repas avec votre famille, vous verrez c’est surprenant.

Revenons-en à notre fraise. Lorsque vous respirez son odeur, vous stimulez instantanément les récepteurs olfactifs présents dans votre nez.

Si par chance, vous en avez déjà mangé précédemment au cours de votre vie, la mémoire va automatiquement activer les centres de récompense (dopamines pour le jargon technique) situés dans votre cerveau. Autrement dit, vous allez frétiller d’impatience de déguster cette fraise. Vous allez en quelque sorte enclencher votre madeleine de Proust.

Commencez maintenant à manger la fraise. Ca y est, votre cerveau reçoit immédiatement de nouvelles impulsions sensorielles.

Quand nous mâchons, avalons et expirons, Bartoshuk a expliqué que «les molécules volatiles de la nourriture sont forcées derrière notre palais et dans notre cavité nasale par l’arrière». En fait, c’est un peu comme de la fumée qui monte dans une cheminée. L’odeur que nous percevons des aliments vient à la fois de l’extérieur, quand nous le sentons, et de l’intérieur de la bouche, quand nous le mâchons.

Dans la cavité nasale (le nez!), les molécules volatiles de la fraise se lient à des récepteurs d’odeur. Nous en avons entre 350 et 400 différents. Ils sont en fait la principale source de ce que nous percevons comme la saveur.

D’ailleurs, de nombreuses recherches ont montré que les odeurs peuvent induire des changements dans la douceur perçue (c’est-à-dire le goût) des aliments.

Un exemple concret pour illustrer ce phénomène? 👉 Lorsque vous êtes malade et que vous avez le nez bouché, vous n’avez jamais remarqué que vous sentiez moins le goût des aliments ? C’est l’illustration parfaite de l’importance de l’odorat dans la perception de la saveur des aliments. Parce que, vous en conviendrez, techniquement le goût n’a pas disparu. Il n’est d’ailleurs pas moins fort dans la bouche et au niveau des papilles. En revanche toutes les effluves qui se dégagent de la mastication ne parviennent pas jusqu’au cerveau et ainsi nous avons l’impression que les aliments n’ont plus de goût.

En bref, les récepteurs olfactifs peuvent ainsi être stimulés par deux voies distinctes: le nez (#reniflement) et la bouche (#goinfre). L’odorat est capital pour percevoir toute la finesse de notre alimentation.

Le cerveau combine l’information de tous les sens pour produire l’expérience de la saveur. Vous savez maintenant que le goût et l’odorat sont essentiels. Qu’en est-il des autres sens ?

Et n’oubliez pas l’importance des autres sens

On vous le disait plus haut, les scientifiques ont montré que le goût est un phénomène complexe qui implique directement nos 5 sens. Pour le goût et l’odorat, vous connaissez la raison. Pour les autres sens, la vue, le toucher et l’ouïe, c’est un peu plus subtil.

Les scientifiques soutiennent que bien que les sens soient anatomiquement séparés avec des fonctions distinctes, ils ne sont pas cognitivement indépendants. Autrement dit, ils interagissent les uns avec les autres et forment ensemble un phénomène très complexe.

Selon leurs définitions physiologiques, le goût a le statut d’un sens mineur. C’est le canal d’un nombre limité de sensations: la douceur, l’acidité, l’amertume, la salinité et l’umami. Alors que l’odeur est élevée au statut d’un double sens étant donné son rôle à la fois renifler l’air autour de nous et à savourer la nourriture. La vue, le toucher et l’ouïe interviennent quant à eux comme des sens secondaires, qui viennent simplement compléter et affiner l’information déjà perçue.

Le goût à lui tout seul ne permet pas d’identifier un aliment. Combiné à l’odorat, nous pouvons par contre passer cette étape avec brio et avoir une information plus précise sur l’aliment que nous mangeons.

Ensuite, les autres sens viennent compléter cette expérience gustative.

👉 Le toucher vous permettra d’y ajouter de nouveaux contrastes. Vous serez ainsi capable d’identifier la texture ou la température de la fraise par exemple. Tous ces éléments vont directement impacter votre jugement. Si vous touchez la fraise et qu’elle est dure comme de la pierre, vous n’aurez pas envie de la manger. En revanche, si vous la touchez et que vous vous rendez compte qu’elle est charnue, vous risquez fortement de commencer à avoir l’eau à la bouche.

👉 L’ouïe agit sur les mêmes caractéristiques que le toucher. Elle permet de savoir si un aliment est craquant par exemple. Dans le cas de la fraise, l’ouïe a une influence assez limité. Mais si on prend l’exemple d’une chips, on comprend de suite ce que ça implique. Entendre le croustillant rajoute clairement un élément complémentaire à l’analyse de l’aliment en question. Cette analyse va directement impacter la perception que nous avons de l’aliment, et va permettre d’anticiper la texture de ce dernier.

👉 Et enfin la vue vient reconnecter l’ensemble des perceptions précédentes, et la compléter une dernière fois. Par exemple, si vous voyez une fraise bien rouge, le parfum vous semblera bien plus explosif que si vous voyez une fraise à moitié mûre. Et ce n’est pas uniquement dû à la maturité du fruit mais bel et bien à la perception que vous vous en faites. La vue arrive donc un peu comme la cerise sur la gâteau.

Ce qui nous amène à parler de l’aspect purement grammatical du phénomène. Si le goût n’est pas le bon terme pour désigner cette expérience de la dégustation d’un aliment, existe-t-il un terme plus approprié ?

Devenez familier avec la notion de “flaveur”

Donc si on ne parle plus de goût, de quoi parle-t-on? Selon le neurobiologiste Gordon Shepherd, le cerveau s’appuie sur tous les sens pour assembler une «image de saveur» complexe qui est ancrée dans notre mémoire. Les scientifiques ont nommé ce phénomène : la “flaveur”.

Il existe par ailleurs une autre information essentielle dans la perception de la flaveur. L’usage ordinaire des termes “goût” et “odeur” se réfère à ce que l’on appelle un système perceptuel.

Autrement dit, le terme flaveur implique également un autre facteur essentiel : la perception de chaque individu. Autrement dit, si nous décidons de faire goûter la même fraise à deux personnes de cultures totalement différentes, elles n’auront très certainement pas le même jugement au niveau de son goût.

C’est ici ce que Ali Bouzari appelle “the ultimate personal status update” que l’on pourrait traduire par “la dernière mise à jour de votre statut personnel”.

Quand vous avez une expérience gustative, l’ensemble de votre culture et de votre personne jouent un rôle considérable : votre histoire, vos souvenirs, votre présent, les personnes qui vous entourent…

Par exemple, une de ses hypothèses est de dire que manger des fruits de mer est bien plus agréable quand on connaît l’océan. La question est donc, à quelle distance doit on être de l’océan pour que cela affecte notre perception? Si l’on reprend l’exemple de la fraise, êtes-vous plus sensible à ce fruit si vous l’avez déjà goûté précédemment dans votre enfance? Serez-vous dégoûté par un aliment parce que vous l’avez trop mangé, ou trop vu au cours de votre vie?

Ce phénomène explique d’ailleurs pourquoi il existe aujourd’hui très peu d’études permettant de connaître le goût des aliments.

Pour finir, Ali soulève également un dernier point. Pour chacun de nos sens nous avons des seuils minimum qui nous permettent d’identifier la présence d’une information. Par exemple en dessous d’une certaine quantité de sucre nous ne sommes pas capable de la déceler. Alors ça nous amène à une question essentielle. Et si il existait une infinité de sensations, tellement discrètes que notre conscient ne les détectait pas, mais que notre inconscient serait capable d’analyser? Et si toutes ces infimes informations influencaient une fois de plus notre perception globale d’un aliment? Pour le moment rien n’est prouvé mais ça laisse une très grande question ouverte.

Alors quand on parle du goût des aliments, et du fait qu’il n’est plus le même qu’il y a 50 ans, est ce que vraiment le goût qui a changé? Ou est-ce notre vision qui a évolué ? Ou même nos exigences? Quoi qu’il en soit, il semblerait que nous soyons souvent déçus par la perception que nous avons de la flaveur des fruits et légumes. Avec Agricool, nous avons l’ambition de changer cette perception, de replacer le goût aux centres de nos préoccupations et d’y apporter une nouvelle solution. Nous voulons redonner du plaisir à l’expérience gustative.

Faîtes de votre prochaine dégustation un moment inoubliable

Alors, la prochaine fois que vous goûtez une fraise, nous comptons sur vous pour vivre l’expérience au maximum. Tenez compte de tous les facteurs qui sont autour de vous, des gens, de l’environnement, de vos souvenirs. Vivez toutes les subtilités de ce moment qui restera gravé dans votre mémoire. Prenez le temps et savourez. Ce fruit que vous mangez va faire partie intégrante de votre personne. Cette flaveur que vous percevez, va faire partie de votre histoire et jouer un rôle déterminant dans vos expériences futures. 🍓

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