Vers un retour du lien entre producteur et consommateur

Guillaume Fourdinier
Agricool
Published in
8 min readApr 20, 2017

Savoir d’où viennent les produits que l’on consomme, réduire le nombre d’intermédiaires, avoir l’opportunité de serrer la main de la personne qui a cultivé nos fruits et légumes… Il semblerait que l’appel des circuits courts et circuits de proximité se fasse de plus en plus fort. Effet de mode ou véritable changement de société ? Nous avons étudié le sujet.

Un retour aux sources

Les circuits courts alimentaires ont toujours été présents, de façon non exclusive, aux abords des villes. Mais ce mode de distribution s’est peu à peu effacé au 20ème siècle, parallèlement à l’apparition du fameux “global food system”. On a vu arriver de nombreuses évolutions : l’émergence des transports ferrés, la croissance forte du transport routier, frigorifique notamment, l’internationalisation corrélative des marchés alimentaires, et le développement de structures industrielles d’approvisionnement. La distribution s’est globalisée et industrialisée. Le lien entre le producteur et le consommateur est devenu plus rare.

Prenons l’exemple de Paris

Il y a deux siècles, la distance moyenne d’approvisionnement de la région francilienne était d’environ 150 km. Aujourd’hui, elle est d’environ 660 km (tous produits confondus, hors produits de la mer). La distance a été multipliée par plus de 4 en à peine 2 siècles.

Il est à noter qu’il y a des variations importantes selon les filières :

  • moins de 500 km pour les céréales, traditionnellement produites dans le bassin parisien, celui-ci s’étant peu à peu spécialisé dans la production et l’exportation de céréales.
  • jusqu’à 660 km pour la viande et le lait, dont la production vient pour l’essentiel de l’Ouest et du Nord de la France.
  • environ 800 km pour les fruits et légumes, dont la zone de production traditionnelle s’est élargie à l’Espagne, l’Italie, l’Afrique…

Si on élargit l’échelle d’analyse, certaines statistiques montrent que les fruits et légumes parcourent en moyenne en Europe plus de 1500 km entre le champ et l’assiette du consommateur.

Un renouveau des circuits courts

Mais si la distance parcourue par nos aliments s’est allongée, les circuits courts n’ont pourtant jamais réellement disparus. Bien qu’ils soient devenus minoritaires, ils ont persisté à travers de nombreuses formes : dans les marchés forains, via de la vente directe à la ferme ou encore via le développement dans le dernier quart du 20ème siècle de fermes-cueillettes accueillant du public urbain.

On constate même, suite aux crises sanitaires de la fin du 20ème siècle, un nouvel essor et une demande croissante des consommateurs pour des produits locaux, de qualité. Le terme qualité est d’ailleurs très souvent assimilé à la proximité et à la connaissance de l’origine des produits.

La progression a ensuite stagné pour finalement reprendre ces dernières années avec l’apparition de formes innovantes de circuits courts. Cela a permis de réactiver la fonction alimentaire de l’agriculture de proximité. Cependant il est à noter que, les circuits courts restent encore insuffisamment connus et répertoriés, y compris dans les outils de statistiques nationales. Ils restent difficiles à quantifier car très diversifiés, très nombreux et souvent de petite taille.

Un programme de soutien aux circuits courts

Aujourd’hui, l‘avenir des circuits courts dépend fortement des systèmes de production dominants, des pratiques et attentes des consommateurs ainsi que des politiques de soutien mises en place à l’échelle locale. Et justement, à ce niveau on constate une véritable dynamique.

De nouvelles structures d’appui apparaissent à l’échelle mondiale. C’est le cas par exemple du RUAF, une fondation qui cherche à contribuer à la réduction de la pauvreté urbaine, à l’amélioration de la sécurité alimentaire, à l’amélioration de la gestion de l’environnement urbain et à la promotion de la gouvernance participative des villes. La RUAF a mis en place des programmes dans plus de vingt villes en Asie, Amérique Latine, Amérique du Nord, Afrique et Europe.

En Grande-Bretagne, les circuits courts ont été incités à travers une politique agricole nationale. L’objectif est de favoriser la production dans les zones rurales excentrées et les fermes traditionnelles, plus qu’autour des zones urbaines, afin de maintenir un tissu agricole actif.

Ce rôle « rural » de circuits courts existe aussi en France et constitue par exemple un des thèmes d’action du Centre d’études et de ressources sur la diversification (CERD). Par ailleurs, ce dynamisme est aussi présent au niveau des différentes institutions régionales, à travers des groupes indépendants d’agriculteurs, ou via des associations et entreprises.

Les consommateurs ont joué et jouent encore un rôle considérable dans l’émergence et l’installation de ce type de circuits de distribution. Ils sont de plus en plus nombreux à les soutenir et à créer des liens via des circuits courts avec l’agriculture de proximité.

La nuance entre circuits courts et circuits de proximité

Une petite précision s’impose. L’amalgame est souvent fait entre circuits courts et circuits de proximité. Il existe cependant une nuance importante, qui fait que ces deux circuits de distribution ont des approches réellement différente.

Les circuits courts

Il existe de nombreuses définitions officielles, nous avons choisi de nous concentrer sur celle donnée par le ministère de l’agriculture en 2009 🚜 “Un circuit court est un mode de commercialisation des produits agricoles qui s’exerce :

  • par la vente directe du producteur au consommateur (vente à la ferme, marché de producteurs…)
  • ou par la vente indirecte, à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire entre l’exploitant et le consommateur (commerçants détaillants de type épicier, bouchers, ou restaurateur)”

Si on s’en tient à cette définition, on voit qu’en Île-de-France environ 800 exploitations pratiquent la vente en circuit court en 2010. Cela représente plus d’une exploitation sur six. Voici un graphique qui résume en quelques chiffres le fonctionnement de ces circuits sur le réseau francilien. Il est basé sur une analyse comparative des recensements agricoles entre 2000 et 2010.

Pour élargir un peu l’analyse, nous avons également regardé l’impact des circuits courts à l’échelle nationale. Selon l’INRA, en France, 1 exploitant agricole sur 5 vend tout ou partie de sa production en circuits courts. Notons au passage que 11 % des exploitants en circuits courts pratiquent une agriculture biologique, soit 5 fois plus qu’en circuits traditionnels. Et enfin, pour 57 % des pro­ducteurs de légumes impliqués dans le court, cela représente plus de la moitié du chiffre d’af­faires des ventes.

Voici un graphique représentant les circuits courts les plus fréquentés par les consommateurs.

Alors, avez-vous déjà fréquenté un de ces lieux ?

Il est à noter qu’il existe une disparité géographique. Les circuits courts sont plus développés dans le Sud-Est, dans le Nord et en Alsace. Deux tiers des agriculteurs corses utilisent les circuits courts, quels que soient les produits commercialisés. Profitant d’un bassin de consommation important, près de deux tiers des exploitations franciliennes produisant des légumes — et quasiment autant pour ceux produisant des fruits — vendent en circuits courts. Plus souvent organisés en filières, les agriculteurs bretons empruntent eux davantage les circuits longs : les producteurs de légumes ne sont que 18 % à distribuer leur production en circuits courts.

Les produits distribués en circuits courts sont par ailleurs très variés. Voici le top 10 des produits achetés par ce type de circuit de distribution :

Enfin, il est important de noter que cette filière est largement soutenue par le Ministère en charge de l’Agriculture. Ce dernier a présenté en 2009, un plan de soutien aux circuits courts avec l’objectif de mieux valoriser les productions, de créer des emplois et de mettre en place une nouvelle « gouvernance alimentaire » à l’échelle des territoires. Inscrit dans le prolongement du Grenelle de l’Environnement, ce plan répond à la volonté de développer la part des produits de proximité dans les achats alimentaires dans le double intérêt des consommateurs et des agriculteurs.

Les circuits de proximité

Selon France Agrimer, ces circuits correspondent à l’idée d’une “distance spatiale maximale mesurant le chemin à parcourir entre le lieu de production et celui de vente”. Cependant, la notion reste assez vaste et n’a fait l’objet d’aucune définition officielle ou juridique. Ce concept qu’il soit agricole, commercial ou éthique est, par ailleurs, extrêmement variable selon les personnes interrogées, pouvant allier des notions de distance parcourue par les produits, de production régionale, de relations avec les producteurs, de retour à des usages traditionnels, de respect de saisonnalité, etc. Elle peut varier selon le type de production concernée — d’environ 30 km pour des produits agricoles simples, comme les fruits et légumes, à 80 km pour ceux nécessitant une transformation.

Selon l’ADEME, ces circuits s’inscrivent dans une vraie complémentarité avec les artisans, commerces de bouche et autres commerces de proximité. Voici quelques exemples de circuits pouvant être considérés comme de proximité :

  • marché de plein vent (le plus ancien mode de commercialisation)
  • vente à la ferme (le plus court circuit de commercialisation)
  • magasins de producteurs, plateformes de ventes aux collectivités territoriales
  • AMAP
  • e-commerce

Ces stratégies de proximité sont également développées dans des circuits traditionnellement « standardisés » et pouvant faire intervenir plusieurs intermédiaires.

Vers un combo entre les deux ?

Donc circuit court ne veut pas dire circuit de proximité et vice versa. Mais il existe bien entendu des initiatives qui essayent de rassembler ces deux approches : réduire à la fois le nombre d’intermédiaires et la distance parcourue par les aliments.

L’innovation dans ce secteur touche tous les domaines : la logistique (plateforme Ferme bio Île-de-France, précommandes par internet pour La Ruche qui dit Oui), le mode de transport (marché sur l’eau), le marketing (développement des marques mettant en avant la proximité dans la grande distribution — Casino et Le meilleur d’ici par exemple, ).

Info bonus : De notre côté, nous allons commencer à distribuer des fraises cultivées au coeur de Paris très prochainement. Une chose est sûre, nous allons faire en sorte d’arbitrer le meilleur combo entre proximité, goût excellent, et expérience inoubliable. Suivez notre page Facebook pour avoir toutes les infos 😉

Vous avez aimé cet article ? Passez le mot : recommandez, commentez, partagez ;-)

--

--