Ce conseil inattendu du CEO de Rocket Internet…

Matthieu BURIN
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6 min readSep 28, 2017

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Qui n’a pas entendu l’adage de la course à la levée, grossir vite pour prendre le marché en premier ? Cette recommandation phare que l’on entendait encore il y a peu, avant que les startups que l’on prenait tous pour modèle ne commencent à fermer…ne vaut peut-être plus pour tous les business.

A ma grande surprise, c’est le conseil inverse que je reçois depuis des mois, parfois même d’acteurs pour le moins inattendus…

24 MARS 2017, 1ère rencontre avec l’investisseur polémique que beaucoup de fondateurs redoutent : Oliver Samwer, CEO de Rocket Internet.

Pour rappel, Rocket, c’est un fonds qui finance des copycats. Qu’est-ce qu’un copycat ? Le clone d’une startup (déjà bien implantée dans un pays) dont l’objectif est de la devancer sur de nouveaux marchés géographiques. Rocket Internet a créé Zalando pour devancer Zappos sur le e-commerce des chaussures en Europe.

Concrètement, la “secret sauce” de Rocket Internet réside exclusivement dans deux paramètres : la vitesse et la qualité d’exécution.

Ce qui est intéressant, c’est que ce fonds a financé plus de 5 startups dans le secteur des travaux au sens large. Et à l’inverse de tous ses autres réussites, aucune n’est parvenue à atteindre le succès espéré sur cet énorme marché que sont les travaux : +500 Mds € rien qu’en Europe chaque année. Lorsque j’ai rencontré Oliver Samwer, je m’attendais à des retours sur ces échecs mais certainement pas ce conseil :

“Ne va pas trop vite, comprends ton marché avant d’accélérer,
sinon tu exploseras en route” O. Samwer, CEO Rocket Internet

Ca tombe bien c’est exactement la voie que l’on a choisie avec Arnaud depuis le début de Travauxlib. Nous savons que c’est contre-intuitif, à l’opposé de tout ce que l’on entend. Et pourtant, nous sommes convaincus que pour bon nombre de secteurs difficiles à craquer, la course à la croissance pour la croissance provoque l’effet inverse. Je m’explique.

Les travaux, comparés à d’autres secteurs comme le commerce ou l’industrie, n’ont jamais pu être automatisés. On fait encore (faire) nos rénovations comme nos parents. Plus effarant, le BTP est le seul secteur au monde à avoir vu sa productivité horaire diminuer depuis les années 2000. Le marché est gangrené par tellement d’entrepreneurs peu scrupuleux qu’il est en piteux état. Aucun acteur majeur n’a réussi à assainir le marché, la demande reste toujours plus forte que l’offre, qui s’en donne à coeur joie.
Résultat ? Ces 3 dernières années, du fait de la trop forte demande, le taux de retards et abandons de chantier a augmenté de 122% en 3 ans. Un français sur deux est mécontent voir traumatisé par sa rénovation. Il n’y a plus de confiance côté client.

Il y a tout à faire et tout à gagner à disrupter ce secteur, c’est une opportunité géniale. Mais si tous les plus gros s’y sont risqués, aucun ne s’en est sorti indemne.

Alors comment on s’attaque à un secteur où même les plus grands se sont cassés les dents ?

Quand tu lèves de l’argent, tu sais que tu as 18–24 mois devant toi à vivre. Si nous étions dans une logique Rocket Internet, nous aurions levé gros pour embaucher en masse et prendre le marché au plus vite. Mais deux paramètres nous ont fait prendre le contre-pied de cette stratégie : le besoin de construire de la confiance côté clients et celui de fidéliser des professionnels très volatiles et déjà largement courtisés par les sites de devis (modèle de vente de lead préhistorique) de l’autre.

Comme pour beaucoup de marketplaces, la schizophrénie de notre stratégie est que nous devons parvenir à exécuter rapidement tout en posant les jalons de bases saines et solides qui nécessitent un temps de mise en place.

Comment on s’y prend chez Travauxlib ?

  1. Devenir expert de notre marché

Notre quotidien, c’est de lister tous les problèmes, un à un. Ensuite on réfléchit à des solutions pour les “craquer” au fur et à mesure. On teste, on itère, “Do things that don’t scale” on connaît bien ;). Et puis on continue, on apprend, jour après jour, pour aller plus loin dans les détails et servir au mieux nos clients. Un an après, on arrive à une liste d’une centaine de gros problèmes… Dont on considère n’avoir résolu qu’à peine 20% aujourd’hui.

Exemples de questions que l’on se pose au quotidien et qui nous permettent de mieux comprendre notre marché :

  • Comment ne pas se faire bypasser lors de la mise en relation ?
    Côté pro, nous faisons beaucoup plus que d’être un simple apporteur d’affaires (logiciels devis-facturation gratuits, prix sur assurances, matériaux…). Côté client nous lui apportons des garanties juridiques. Le tout pour le même prix, voire moins cher, qu’un bouche à oreille classique
  • Comment attirer la supply de bonne qualité tout en parvenant à la scaler ?
    A nos process tech d’automatisation (vérification de données (ancienneté, santé financière des entrepreneurs, leurs assurances….) on ajoute du recrutement physique qui nécessite du temps humain.
  • Comment restaurer la confiance client tout en scalant ?
    Idem. Des processus tech pour automatiser la majorité des tâches chronophages, ce qui nous permet d’être deux fois moins chers que des acteurs traditionnels non digitaux. En conséquence, on peut se permettre de remettre de l’humain là où c’est vraiment essentiel c’est-à-dire de l’accompagnement et du suivi de chantier.

2. Restaurer la confiance client

Impossible d’aller plus vite sur ce point. Nos KPI ne peuvent pas être hebdomadaires, nous devons prendre le plus de recul possible pour les analyser. Chez nous, les KPI se mesurent en mois, voire en trimestre. Ici, notre stratégie pour rassurer et redonner confiance aux particuliers, c’est donc de leur fournir bien plus qu’une simple mise en relation. Nous mettons en place un cadre juridique qui les protège (notre contrat est sécurisé), nous lui attribuons un interlocuteur dédié qui suit son chantier jusqu’au parfait achèvement, nous l’accompagnons dans le montage de ses démarches administratives. Sur chantier, notre mission est de rééquilibrer le rapport de force entre les entrepreneurs et les particuliers pour que cela se passe super bien.

3. Fidéliser les stars du BTP : les entrepreneurs de qualité

La vraie difficulté du secteur vient de l’inconsistance de l’offre. Jusqu’à présent, aucun acteur n’est parvenu à fidéliser les entrepreneurs du BTP et se rendre indispensable auprès de cette cible. Première difficulté, nous ne pouvons pas faire de l’acquisition en masse, notre exigence de qualité nous oblige à refuser 90% des entreprises qui soumettent leur candidature.
Conséquence : nous nous efforçons d’être le plus attractif possible pour réduire notre churn rate au maximum. Et puisque nous considérons nos entreprises labellisées comme notre communauté, il faut lui donner envie de nous suivre au quotidien. C’est pourquoi nous lui développons des outils de gestion clientèle gratuits, nous négocions pour elle des unfair advantages (assurances, matériaux…) et nous les faisons monter en compétence.

Pour toutes ces raisons, nous savons que nous ne céderons pas aux sirènes du dopage de croissance. C’est long, très long, mais les signaux sont au vert : nous faisons maintenant autant de chantiers sur 1 mois que durant toute l’année 2016, nous ouvrons notre première antenne régionale à Lyon et nous pouvons désormais compter sur une team quatre fois plus grosse, encore plus forte.

Nous construisons notre déploiement brique par brique à la sueur de notre front. Mais après tout, qui mieux que nous pour savoir qu’une forteresse ne tient pas sans des fondations saines… Parole d’un entrepreneur du BTP ;)

PS : Merci Hugues de Braucourt pour l’intro ;) Super articles à dévorer pour la structuration opérationnelle d’une startup

PS² : RDV sur Travauxlib pour vos (gros) travaux :

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Matthieu BURIN
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CEO : hemea (ex-Travauxlib) All in one marketplace for architectural & renovation projects - Experiencing The Hard Thing About Hard Things