Mes pensées après une rencontre éphémère dans un bar

Hind Elidrissi
Wemind stories
Published in
6 min readMay 16, 2016

Jeudi 12 mai 2016, Paris, 22h30.

Je suis au Dalva, un bar dont le premier étage a été privatisé pour le Mangrove Monthly Meeting.

Au fait, si vous ne connaissez pas la communauté Mangrove, il faut absolument la découvrir : c’est une des communautés les plus inspirantes pour ceux qui s’intéressent au futur du travail.

Adrien me présente Thomas.

“Quoi, tu ne connais pas Thomas ?”

“Ah non, je ne le connais pas”

“Tu connais pas Tchret ?” (ne pas prononcer tschreute, mais TI-CRETE, un peu comme le T-Rex)

“Ah si, je connais Tchret ! ”

Qui est Thomas ?

Bien sûr que j’ai déjà entendu parler de TChret, aka Thomas Chrétien. J’ai entendu parler de lui pour plusieurs raisons.

Thomas a été le premier employé du Wagon.

Au fait, si vous ne connaissez pas le Wagon, c’est que vous ne savez pas coder, et si vous ne savez pas coder, vous devez absolument découvrir le Wagon.

Thomas est aussi connu pour avoir switché. Il a quitté son dream job au Wagon pour devenir freelance. Switcher = quitter une activité professionnelle donnée pour faire quelque chose qui te correspond mieux — à ne pas confondre avec Swaper = changer de boite pour faire à peu près la même chose mais en étant payé 30% plus cher.

Au fait, il faut absolument découvrir Switch Collective, le collectif qui aide les gens à trouver la voie professionnelle qui leur correspond, mais CALMEMENT (sans démissionner du jour au lendemain sur un coup de tête).

Thomas est aussi celui qui a réalisé le nouveau site d’une startup que j’aime beaucoup : bricool.co

Au fait, il faut vraiment découvrir Bricool, la startup qui te permet de trouver un plombier sympa et pro ET qui ne t’arnaque pas sur les prix.

Enfin, si je sais tout ça sur Thomas, c’est par le biais de Mikael avec qui nous avons co-fondé Wemind.io, des services qui facilitent la vie des freelances.

AU FAIT, il faut vraiment…Bon, vous avez compris.

Thomas n’a aucune protection et n’en veut pas

En reconnaissant Thomas, je sais que Mikael lui a forcément expliqué que les freelances sont les personnes les plus mal protégées en France. En cas d’accident grave, par exemple, un freelance pourrait se retrouver du jour au lendemain avec le RSA pour seul revenu, à vie peut-être. Ce n’est pas le cas des salariés bien entendu, ni même des autres indépendants. Les médecins et les avocats se sont dotés depuis bien longtemps d’une protection sociale complémentaire qui leur garantit le maintien de leurs revenus en cas d’accident ou de maladie. La plupart des freelances, dont Thomas, ne se sont jamais occupés de leur protection avant que nous leur expliquions cela. Mais ce qui me surprend, c’est que Thomas sait, lui… et pourtant il n’est toujours pas membre de Wemind.

Je lui demande pourquoi, et son visage a l’air de buguer.

Je crois que si je lui avais demandé pourquoi il n’avait jamais lu le livre le plus chiant du monde, il n’aurait pas réagi autrement. Oui, j’ai tapé dans Google “livre le plus chiant du monde” et j’ai mis le résultat en lien.

En le regardant, moi aussi je bugue. Car voyez-vous, c’est une chose de ne pas savoir qu’on est mal protégé, et c’en est une autre de n’en avoir rien à cirer. Pour moi, c’est inconcevable.

La philosophie du présent

La suite de la discussion me donne l’explication :

Hind “Tu as quel âge ?”

Thomas “21 ans”

Adrien “YOLO!!!”

YOLO signifie “You only live once”, une expression dont on peut facilement se moquer tant elle fait penser à ces adolescents américains irresponsables, mais en réalité, elle porte une signification philosophique plus profonde.

Quand j’en parle avec Thomas, il me dit que sa façon de vivre serait plutôt “Seize the day”

Seize the day pourrait presque être la traduction exacte du Carpe Diem d’Horace qui signifie “Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain”.

L’expression Carpe Diem peut avoir une double interprétation : soit vivre le moment présent en recherchant le plaisir maximal, c’est la version hédoniste des adolescents américains, ou vivre le moment présent en se connectant à soi-même et en se détachant des plaisirs, c’est la version ascétique. Horace parlait bien sur de la seconde version, qui était aussi celle d’Epicure.

C’est un débat qui m’est familier, comme probablement à tout être humain.

Faut-il vivre l’instant présent sans se soucier de ce qui n’est pas le présent, au risque d’en subir (malgré tout) les conséquences plus tard ?

Ou faut-il se préoccuper un minimum de l’avenir, au risque que la seule pensée du futur nous fasse rater le présent ?

Honnêtement, je n’ai pas la réponse à cette question.

Que peut-on dire à quelqu’un, comme Thomas, qui a choisi de tracer sa voie, en mettant de côté toutes les préoccupations qui ne sont pas directement au service de son évolution personnelle ? Personne n’a envie de le freiner dans son effort.

Et que peut-on dire à quelqu’un, comme moi, qui se soucie des conséquences, non seulement dans le futur, mais aussi dans le présent, de nos actions. Car toute personne qui cotise à un système de mutuelle ne fait pas que s’occuper de l’avenir : d’abord, elle finance de façon certaine la protection de ceux qui sont malades aujourd’hui et qui sont les bénéficiaires immédiats de ces cotisations, ensuite, c’est seulement de façon hypothétique que cette personne pourrait bénéficier de cette protection, si et quand elle en aura besoin.

Pour moi, la mutuelle est à la fois une façon de se protéger, mais aussi de manifester sa solidarité aux autres.

C’est exactement ce que je dis à tous les freelances qui me demandent s’il ne serait pas plus intéressant de quitter RSI et Sécurité Sociale française pour aller s’assurer à Londres pour 10 fois moins cher. Ce n’est pas tant qu’ils seront moins bien assurés s’ils vont à Londres (mais un peu quand même), c’est que les compagnies d’assurance anglaises n’accepteront que les jeunes Français en bonne santé - pas les vieux ni les malades, alors que la Sécurité Sociale (et même l’affreux RSI) sont les manifestations d’un système qui organise la solidarité entre bien-portants et malades.

Malgré tous ces arguments bien rationnels et pleins de bons sentiments, le débat philosophique est loin d’être résolu.

Le besoin de protection sociale prend ses racines dans la peur de la mort, et la peur de la mort nous éloigne de l’instant présent.

Pour ma part, j’ai choisi d’assumer mon rôle dans la Cité (puisque nous parlons philosophie, parlons comme les Grecs) et, autant que je le peux, de ne pas juger les autres.

Une question d’âge ?

Dans mon quotidien, je constate deux choses :

  • Dans la génération qui a 10 ans de moins que moi, l’insouciance face au lendemain se mue progressivement en attitude de responsabilité, soit à l’approche de l’âge de 30 ans, soit quand on a des enfants. Progressivement, l’idée d’avoir un filet de sécurité pour le futur devient naturelle, à la fois pour soi-même et pour ses enfants.
  • Et d’un autre côté, dans ma génération des trentenaires, il y a un désir profond de lâcher les filets de sécurité qui nous entravent (comme le salariat) pour switcher vers une activité qui nous plait vraiment, et de se reconnecter au présent. Seize the day, en somme.

Alors, j’imagine qu’un jour, ils finiront bien par se rencontrer…

Donc Thomas, enjoy tes 21 ans, et le jour où tu auras besoin de nous, tu sais où nous trouver. En attendant, ton exemple m’incite à mettre un peu plus de Carpe Diem dans ma vie !

Cheers :)

Pour en savoir plus sur Thomas, voici son compte Twitter et son nouveau projet Hubum. Et pour en savoir plus sur Wemind, rendez-vous sur wemind.io

Cheers !

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Hind Elidrissi
Wemind stories

CEO & Co-founder @ Wemind.io — Un monde meilleur pour les freelances