La Route du Blues (05–2016)

West Provence Chapter
West Provence Channel
11 min readApr 4, 2017

Comment je me sens devant ce foutu tapis ? Grisé, l’âme vagabonde, peut-être “like a rolling stone” ? Il y a ces heures d’avion qui saoulent et les heures qui décalent, il y a ces milliards d’images qui enivrent encore et qui tournent et virent dans ma caboche kaléidoscope, il y a tous ces bagages qui tourbillonnent sur ce foutu tapis et qui ramènent avec eux cette sarabande de clichés, instantanés du bonheur vécu sur cette belle route du blues et qui continue encore et toujours de m’étourdir, et ce foutu tapis qui vomirait la fin du voyage ? “Screw it, lets ride!” Nous sommes 22 du West Provence Chapter à lui tourner autour à la recherche de nos sacs à souvenirs, 22 ravis à partager ce même plaisir d’avoir vécu ensemble la première aventure américaine du Chapter, et pour certains d’avoir tout simplement vécu leur premier ride aux US. Comme eux, j’ai longtemps rêvé mon V-twin, j’ai longtemps rêvé la route, j’ai longtemps rêvé me retrouver sur ces mythiques highways américaines, et puis j’ai lu Kerouac et Loevenbruck et puis je me suis retrouvé sur la route du blues, et maintenant je ne sais plus si j’ai rêvé ce trip ou si j’ai vécu un rêve !

On the road. Ce ride là, c’est déjà 3210 km au compteur de mon Electra, classe ! C’est un signe non? trois, deux, un, zéro et je repars, j’échange les “au revoir” du tapis pour 2000 miles de plus et je reprends la route… Notre route, de Chicago à la Nouvelle Orléans en passant par le Temple de Milwaukee, et quelques autres lieux mythiques, quelques concessions H-D, quelques blues club’s…

Pour démarrer, le rêve de tout bikeur, c’est évidemment de rider un jour la “mother road”, ça aurait bien pu être d’ailleurs le clou de notre voyage, mais pour nous, ce sera le hors d’œuvre, l’émotion de départ ! L’amuse-bouche c’est le panneau qui en marque le début au cœur de Chicago; nous n’avons pas encore les motos à ce moment-là, mais après, on avait juste plus envie de marcher… Mais elles sont où nos bécanes ? Nous ferons plus tard nos presque premiers tours de roue sur le vrai tout premier segment de l’historique Route 66 qui traverse l’Illinois jusqu’à St Louis: ça y est, on y est!

Les images défilent, nous sommes à la parade avec ces milliers de bikeurs qui nous ont précédés laissant notre empreinte à notre tour sur la route la plus emblématique qui soit, celle pour laquelle nos machines ont été créées, idéales il est vrai pour absorber le tarmac lui aussi très historique.

L’Electra ronronne et les images me transportent, celle de ce village “carte postale” et son bar d’époque, celles de ces quelques stations-service dans un style très fifties sans oublier celle à l’enseigne “Freedom” qui ajoute à la nostalgie de cette US 66 que nous abandonnons lorsqu’à St Louis elle file plein ouest sur ce bizarre Chain of Rocks Bridge en virage sur le Mississippi.

Nous le suivrons direction le sud ce grand fleuve, direction le Kentucky et ses routes un peu trop toutes droites à travers champs puis encore un peu plus au sud dans le Tennessee où les routes s’arrondissent un peu, ça commence à chatouiller le guidon, doucement, on prend le temps d’enrouler de collines en collines, gentiment, les paysages changent, tranquillement, plaines, bois et prairies, on n’y croise pas grand monde mis à part quelques bisons, paisibles, bizarre cette lourde sensation d’errance paresseuse, cet apathique sentiment de se sentir presque perdu loin de tout presqu’en marge d’une vraie vie speedée à fond de sixième… Et les yards défilent et les miles s’égrènent et nous y ramènent régulièrement à ces autoroutes citadines et leurs mille échangeurs tellement enchevêtrés que les GPS en deviennent chèvres, ces multivoies où les camions longs comme des trains nous doublent et à droite et à gauche, ces paysages embouteillés qui pourraient nous sembler familiers si ce n’est que cette route continue toutefois d’être pour nous une jouissive découverte, une source d’exaltation, une réponse peut être à nos secrètes quêtes de liberté…

Nous basculons plus tard dans le “sud profond” pour traverser d’abord le Mississippi, pas le fleuve ce coup-ci mais l’état vraiment très plat avec des champs à perte de vue, un peu comme notre Crau mais en cent fois plus grand. Cette route là nous donne le temps de penser, de s’évader, de rêver et peut être ai-je secrètement rêvé parfois de croiser la route de Bohem ou celle de Sal Paradise ?

Nous ne rêvons pas par contre lorsque nous traversons cette forêt, immense, plus de 100 bornes sur la presque toute droite route “Natchez Original Trail” qui nous livre à son tour son lot d’images insoupçonnées comme cet improbable fermier sur sa chaise au milieu de son champs tenant son immobile cheval en laisse, l’un comme l’autre insensibles au “potato” de nos machines comme si le temps pour eux s’était arrêté au moment où nous les croisons.

Le temps ne s’arrête pas pour nous par contre, on a même l’impression qu’il s’accélère lorsqu’un panneau nous souhaite la bienvenue en Louisiane au bout de laquelle nous savons bien que le voyage s’arrête… Vacherie ! C’est le nom de l’un des derniers bourgs que nous traversons sur cette petite route géniale qui épouse les derniers lacets du Mississippi avant d’arriver à la Nouvelle Orléans où il faudra bien se rendre à l’évidence du bout du chemin où le cœur serré et l’humeur spleen nous y abandonnons nos V-twin, petit coup de blues au terme de notre Route du blues !

La route du blues. A dire vrai, on se l’est faite à l’envers mais il n’y a pas eu d’arnaque pour autant ! La musique est née dans les champs de coton du sud pour s’exporter ensuite vers les villes du nord et c’est cette route historique du blues, la Route 61 que nous venons de descendre sur 500 miles jusqu’à la Nouvelle Orléans, l’issue de notre voyage, là où tout a commencé en fait, comme si le groove magique du blues devait remplacer la musique perdue de nos H-D et nous transporter encore sur cette route que nous ne voulons plus quitter.

Aux images de la route achevée s’ajoutent alors “blue notes” et rythmes lancinants, voix chaudes et mélopées électriques, autant d’incantations qui invitent à poursuivre notre voyage… Dans cette cour jazzy de Bourbon Street où l’intemporel crooner Steamboat Willy accompagne notre dernier cocktail, lorsque nous “ridions” cette Blues Highway à travers le “Mississippi Delta”, légendaire terre natale du blues, dans ce musée de Clarksdale qui me donne l’envie de découvrir la musique de Mississippi John Hurt ou encore celle de Nehemiah Curtis “Skip” Burnett ou encore celle des bands qui enflamment les nuits du Ground Zero Blues Cafe, pas très loin.

On y passerait d’ailleurs bien une nuit mais la route continue vers Memphis Tennessee; j’étais déjà fan de la version de Chuck Berry, la version originale nous a tout autant enchanté avec sa Beale Street un peu calme (c’est Dimanche) mais où nous passons toutefois une soirée bien rock’n roll… Sans oublier Graceland très kitch mais le King est incontournable n’est-il pas ?

Ce pèlerinage devait évidemment passer par Memphis, la “Music City”, où nous arpenterons Broadway plus d’une fois histoire de bien s’imprégner de la country qui s’y joue partout sans jamais s’arrêter.

Et puis plus haut, plus tôt, il y a “Sweet Home Chicago” où le blues deviendra plus électrique comme celui de Pistol Pete qui enflamme notre soirée au Buddy Guy’s Legends. Un peu plus tôt encore, nous venons tout juste d’atterrir et je suis là avec les autres riders du WPC devant ce foutu tapis à attendre nos bagages, et je me rends compte aujourd’hui à quel point ils étaient vides ces bagages, vides de toute cette route qui nous a tellement fait vibrer, vides de toutes ces musiques qui nous ont accompagnées un peu partout, vides de tous ces moments inoubliables partagés sur nos H-D par notre petite délégation du West Provence Chapter. Pensées pour ceux qui auraient aimé y être.

A la rencontre du mythe. La Route du Blues du WPC est d’abord un voyage de bikeurs tous un peu, beaucoup, passionnément amoureux de leur H-D et passionnés par tout ce qui touche de près et de loin au “Bar & Shield”. Ainsi, nous ne pouvions pas être si proche du saint des saints sans aller y chercher notre bénédiction de bikeurs ! Et ça je vous le donne en mille, ce fut une sacrée première étape de notre aventure. Pas plutôt sortis du Buddy Guy’s, notre compte est bon : Nous récupérons nos V-Twin tant attendus et nous filons direction Milwaukee, là ou tout a commencé, comme le groove envoutant de nos machines qui nous accompagnera tout au long de notre route du blues, direction le Harley-Davidson Museum, là où notre passion rencontre son histoire, et c’est la magie d’un incroyable voyage dans le temps que nous allons découvrir.

Nous étions bel et bien attendus et toutes et tous du WPC sont soudainement tout ébaubis devant cette invraisemblable vitrine aux couleurs du West Provence Chapter qui nous accueille à l’entrée du musée :
Y sont exposés albums photos et patchs de notre Chapter, tee-shirt Sunroad et plus encore. Il y a même un petit texte racontant l’histoire du WPC et on peut y lire avec surprise :
In May 2016, 22 bikers from the West Provence Chapter will take the ride of their life when they bike down the Road of the Blues from Chicago to New Orleans. Needless to say, a visit to the H-D temple of Milwaukee will provide the perfect kick-start to their rideout!
Mais comment diable pouvaient-ils savoir ?

Et par quel artifice a-t-il pu se savoir que le doyen de notre Chapter fêterait bientôt ses 80 printemps sur sa H-D ? Il se demande bien ce qui lui arrive d’ailleurs lorsque Paul Hoff du Museum lui souhaite si gentiment un bon anniversaire de la part de Harley-Davidson avec un cadeau du H.O.G. vraiment très spécial, signé W… Respect à toi Patriarche Bikeur !

Le temps s’accélère déjà dans ce musée et nous fait revivre avidement la Motor Co, intemporelle odyssée sur une autre route historique, celle de l’histoire de nos vénérées machines.

L’émotion gagne et les battements de cœur s’accélèrent eux aussi quand la magique porte des Archives s’ouvre à nous, sésame vers un sanctuaire captivant, excitant, émotionnant : une moto de chaque modèle de chaque année y est conservée et là le temps s’arrête un instant !

J’ai sous les yeux une AMF 125, qui n’avait pas de V-twin certes, mais c’est pourtant grâce à elle que pour moi tout a commencé, cette indéfectible passion pour les Harley’s, ce qu’elles sont et ce qu’elles représentent, et je regarde subrepticement autour de moi tous mes bro’s du WPC et je me dis qu’il n’y aura pas qu’une madeleine qui aura droit à sa petite larme aujourd’hui !

Et par quelle entremise Greg, le Director du Milwaukee Chapter pouvait-il bien savoir que nous étions en visite sur ses terres ?! Le WPC tout épaté le rencontre accompagné de Jennie à la sortie du musée et ils nous conduirons sympathiquement ensuite jusqu’à leur concession : The House of Harley-Davidson. Là où tout a commencé, première concession, premier Chapter… Voilà, nous sommes en train de vivre la Légende et tout ça va nous coller une pêche et une banane d’enfer pour le reste de notre road trip qui sera ponctué de nos visites quasi religieuses à chaque concession que nous croiserons jusqu’à la Nouvelle Orléans; on pourrait s’attarder sur leur taille énorme, sur le nombre énorme de motos exposées, mais ce qui est vraiment énorme c’est cette constance dans la gentillesse, la disponibilité et la courtoisie de celles et ceux qui nous y recevaient et grâce à qui nous nous sentions comme à la maison !

Des rencontres mémorables. C’est bien vrai, il suffit de visiter notre collection de tee-shirts pour revisiter notre parcours et se rappeler… Notre premier stop (à pied) sur la 66 au Lou Mitchell’s, les escaliers de Union Station sans Kevin Costner, le beignet à la saucisse du Cosy Dog, notre guide enjouée lors de notre visite à M. Jack Daniels, ce sympathique cajun tripoteur d’alligators, le marché Français de la Nouvelle Orléans et cet échange bien agréable presque fusionnel avec Brian Paul qui nous parle avec enthousiasme de son film et de son bouquin : Cure for the Crash, The art of train hoppin…

…et je m’évade encore et la magie du voyage continue et je renvoie maintenant son génie dans sa lampe ou peut être dans les réservoirs de nos V-twin ! Prenez garde alors au prochain plein bikeurs de la route du blues ! Où vous emmènera-t-il la prochaine fois ou peut-être vous invitera-t-il à raconter encore et encore…

Philippe Rabiet | WPC Editor

Pour moi c’est l’heure de m’arrêter et de remercier : Celles et ceux qui partagent ce magnifique “spirit” et avec qui je prends toujours plus de plaisir à rouler sur cette route du blues et sur toutes les autres encore et toujours; et surtout celui par qui tout a commencé, de la naissance de notre West Provence Chapter à mes — nos premiers miles sur la terre natale de nos machines…

Director Carlos, nous te dédions humblement ces quelques lignes et tu l’auras bien compris : Le tapis s’est arrêté maintenant, les bagages sont rentrés à la maison, mais il en est qui se sentent “like a rolling stone”, prêts à repartir ! Alors… Let’s Ride !

Carlos Gomes | WPC Director

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Le West Provence Chapter - club officiel du Harley Owner Group - est parrainé et hébergé par la concession Harley-Davidson Sunroad de Salon de Provence.