5 leçons sur l’entrepreneuriat en 1 lecture

Thibault Maitre
WhozApp
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11 min readNov 13, 2018

« Il aimait profondément cette Horde à vingt et un. Elle était son extension, il s’y sentait bien. Invincible. »

A. Damasio

Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous mais j’aime guetter les livres « qu’il faut avoir lus ». Vous savez, ceux qui dispenseront cette sagesse millénaire qui permettra de réussir à coup sûr tout ce que l’on entreprend. Ceux qui feront de moi un entrepreneur aguerri, prêt à tout affronter. Et, il faut bien se l’avouer, qui me permettront de faire plus vite et mieux que toutes celles et tous ceux qui m’ont précédé.

Mais soyons sérieux deux minutes : croire que je vais trouver l’inspiration qui fera de moi le maître du monde — ou, à défaut, un entrepreneur à succès — dans un livre distribué dans toutes les librairies physiques ou électroniques de France et de Navarre revient, à peu de choses près, à croire que je vais trouver l’âme sœur grâce à un test Biba…

Le dilemme cornélien classique : que lire ?

Tout le monde veut tout savoir sur Steve Jobs, Bill Gates, Elon Musk ou encore s’abreuver à la source des Peter Thiel et consorts. Et à juste titre. Ces histoires sont riches d’enseignement pour qui fait l’effort de les lire attentivement. Voire d’en lire plusieurs et d’en rechercher les points communs. Mais sont-ils les seuls à pouvoir nous enseigner des choses sur l’entrepreneuriat ? Que nenni !

L’inspiration vient parfois de lectures insolites. De lectures sans aucun rapport avec l’entreprise. Mais des lectures qui résonnent. Pour une raison ou pour une autre. Dans mon cas, c’est la notion de horde qui a fini par faire tilt (je vous expliquerai un peu plus loin pourquoi). Et qui m’a donné à penser. A m’interroger sur le fait d’entreprendre. A essayer, à échouer, à recommencer. A changer aussi. A continuer, inlassablement, malgré les épreuves, personnelles ou professionnelles.

En l’occurrence, je ne vais pas vous assommer avec Lao Tseu, Sun Tzu ou un quelconque éminent penseur, vivant ou mort. Je vais partager avec vous « La Horde du Contrevent » d’Alain Damasio, œuvre conseillée par un collègue et ami que je ne remercierai jamais assez d’avoir partagé ce petit bijou avec moi. Le livre en lui-même est génial. Très bien écrit, d’une construction redoutable, un vrai bonheur à lire. Donc déjà une lecture plaisir réussie. Mais en y réfléchissant bien, cette lecture amène aussi un éclairage tout particulier sur la notion d’entreprise.

Pour tout vous dire, je retire de ce chef d’œuvre 5 grandes leçons sur l’entrepreneuriat. Certaines paraîtront triviales. D’autres peut-être moins. Quoi qu’il en soit, elles sont toutes vraies pour moi. Et sait-on jamais, ces leçons mériteront peut-être un jour de figurer dans quelque chose qui mérite d’être lu 😉

Leçon n°1 : Entreprendre, c’est croire

Entreprendre est avant tout un acte de foi. Quand on y regarde à deux fois et qu’on a un chouille d’esprit critique, on trouve toujours de bonnes raisons de ne pas faire. Un business plan qui ne tient pas complètement. Des hypothèses un peu extravagantes. Un marché pas encore prêt à accepter la nouveauté. La possible concurrence quasi immédiate des plus gros, riches à milliards et disposés à nous engloutir. Bref, tout et n’importe quoi.

Pour entreprendre, il faut avoir ce quelque chose en plus. Cette foi inébranlable dans une idée. Idée qui peut changer, notez bien. Mais une idée quand même. La raison seule ne vous emmènera pas jusqu’au succès. Dans le meilleur des cas, aux portes de ce dernier mais plus probablement en bas des escaliers.

Si la Horde de Damasio avait réfléchi, elle se serait arrêtée à la sortie d’Aberlaas. Quelle idée de traverser le monde et des épreuves dantesques pour voir l’Extrême-Amont (si tant est qu’il existe) ? Personne de sensé ne le ferait. Et pourtant eux le font. Alors, j’admets, ils sont un peu cinglés. De doux dingues en quelque sorte. Mais ils ont surtout cette croyance chevillée au corps qu’ils vont réussir. Et c’est précisément pour ça qu’il se jettent à l’eau !

Entreprendre, c’est un peu pareil. On ne peut pas être certain que ça va marcher, encore moins prévoir tout ce qui va aller de travers. On va rencontrer des murs que l’on pense insurmontables. On va avoir des périodes de doute d’une profondeur abyssale. On va se demander à chaque pas pourquoi on s’impose ça. Malgré tout ça, ceux qui ont survécu à l’entrepreneuriat vous diront que c’est quelque chose de magique.

Pour ma part, je n’en suis pas là. Je suis plutôt dans la partie épreuves / doutes / pas suivant. Mais je suis convaincu que notre idée va marcher et qu’il ne faut surtout pas abandonner (si vous vous demandez de quoi je parle, allez donc voir sur whoz.com, vous m’en direz des nouvelles !). Qu’il faut y croire, tous les jours, du matin au soir. Plus facile à dire qu’à faire, croyez-moi !

Leçon n°2 : Il y a forcément un Traceur

Chez Damasio, c’est Golgoth, le neuvième du nom. Pas commode celui-là et pas forcément d’une extrême finesse. Ni d’une grande tendresse avec les femmes (ou qui que ce soit d’ailleurs). Une pure boule de rage et de volonté tendue vers un unique objectif : l’Extrême-Amont. Et un leadership à vous renverser des montagnes !

Je vous l’accorde, votre Traceur n’est pas obligé d’être aussi rustre ni aussi violent. Mais il y a forcément un Traceur. Une personne qui porte l’idée originelle en elle si profondément qu’elle en est indissociable. Une personne qui y croit dur comme fer. Une personne qui saura relancer la machine même quand tout semblera mal parti.

Mais surtout, une personne qui saura vous y faire croire, partager sa conviction absolue dans la réussite de l’entreprise. Je ne parle pas ici d’un quelconque gourou manipulateur (même si la manipulation peut, parfois, s’avérer nécessaire). Je parle de quelqu’un qui emportera l’adhésion en parlant aussi bien à la raison qu’aux sentiments. Parce qu’encore une fois, vous aurez besoin des deux pour réussir.

Si vous ne voulez pas que le Traceur s’épuise, il faudra que vous soyez vous-même un relais de cette croyance. Que le feu sacré brûle en vous. Seul, le Traceur peut certainement déplacer des montagnes. Mais il finira nécessairement par s’y casser les dents. Il aura besoin de chacune des personnes avec lesquelles il ou elle entreprend pour réussir. Je ne crois pas à la réussite d’une licorne (ou d’un pégase ou d’un narval, comme vous préférez) grâce à un seul homme — ou une seule femme. C’est forcément un travail d’équipe.

C’est d’ailleurs pour ça que Golgoth le neuvième du nom ne part pas seul mais accompagné. Il trace pour le Pack, pas pour lui. Il s’appuie sur ce Pack, cette Horde, pour parvenir au bout du monde connu. Seul, il ne pourrait qu’échouer. Avec brio peut-être, mais échouer tout de même. Et le choix de la Horde est absolument crucial pour y parvenir…

Leçon n°3 : La Horde se doit d’être complémentaire

Malgré sa foi en ses capacités, Golgoth le reconnaît lui-même : il a besoin de la Horde pour réussir. Sa Horde est une extension de lui-même, certes. C’est surtout un agrégat de compétences complémentaires. Une aéromaîtresse pour lire le vent. Un combattant-protecteur pour éliminer les ennemis. Un éclaireur pour la reconnaissance. Une feuleuse pour assurer le feu chaque jour. J’en passe et des meilleurs.

Or ces profils ne sont pas choisis au hasard. Ils sont sélectionnés très jeunes et entraînés pour exceller dans leur art. Attention, exceller ne veut pas dire être le ou la meilleure. Au contraire ! Une des caractéristiques de la Horde du neuvième Golgoth est précisément qu’elle ne rassemble pas les meilleurs dans leurs spécialités respectives. Mais la somme de ces talents en fait la « meilleure Horde » de tous les temps. Chaque membre est au service de la Horde et remplit sa fonction. Ou est capable d’assurer le poste d’un membre défaillant le cas échéant.

Une startup, c’est un peu pareil. Pour la petite histoire, nous avons commencé à plus de 10. Une meute ou une horde de doux dingues pour ainsi dire (je vous avais bien dit que je vous expliquerai pourquoi c’est la notion de horde qui m’avait fait faire tilt). Certains sont développeurs, d’autres Product Owners, d’autres encore commerciaux ou responsables RH. Même si certains rôles sont plus cloisonnés — n’est pas développeur de talent qui veut — chacun peut être amené à faire un peu de tout.

Le petit camarade qui m’a conseillé la Horde a commencé par être Product Owner et coach Scrum. Et puis il a pris le marketing. Il a ensuite basculé sur les ventes. Et aujourd’hui, il réalise des prestations pour rester en contact avec nos clients finaux et rapporter du cash. Comme plusieurs autres. Et cela nous permet d’être solides sur nos appuis et de ne pas paniquer si une vente prend un peu plus longtemps que prévu.

Si nous avions décidé d’ériger des murs entre les fonctions, nous serions déjà morts. Le cash se serait tari et nous n’aurions aujourd’hui plus que nos yeux pour pleurer. Se lancer dans une startup — et de manière générale entreprendre –, c’est accepter de mettre la main à la pâte. De faire ce qui doit être fait pour avancer et réussir. Il n’y a aucune tâche subalterne ou indigne. Si on ne sait pas faire, il faut demander. Si personne ne sait, on peut toujours essayer de se documenter. Et si rien n’y fait, tant pis, il faut se lancer.

Petite précaution oratoire à ce stade : c’est super difficile ! Parce que s’entourer des bonnes personnes pour une telle aventure, c’est tout sauf évident. Parce que l’échec, ça fait peur. Parce que se tromper, c’est dépenser de l’argent dont on manque déjà cruellement. Parce qu’accepter de faire autre chose que ce qu’on nous a appris à l’école, ce n’est pas évident. Là encore, je suis tout sauf exemplaire. Mais je me soigne. Et je m’appuie sur un collectif soudé qui n’a pas peur d’en baver. Donc j’y crois (cf. leçon n°1) !

Leçon n°4 : Se dépasser n’est pas une option

Atteindre le bout du monde — l’Extrême-Amont — n’est pas de tout repos. Ça, ça paraît évident. Les membres de la Horde sont pourtant extrêmement préparés. Leur enfance n’a été qu’une succession d’épreuves de plus en plus dures pour les préparer à leur quête. Malgré cela, ils découvrent chaque jour le sens du mot effort. Ils souffrent chaque jour un peu plus et ne vivent que pour découvrir que surmonter une épreuve signifie en rencontrer une autre encore plus importante.

Pour parvenir à leur fin, ils doivent continuellement se dépasser, faire abstraction de tout ce qui ne va pas pour se concentrer sur l’objectif. Ils doivent même parfois faire preuve d’inventivité voire de folie pour tenter ce que personne n’a tenté avant eux. Ils doivent enfin ne rien tenir pour acquis et accepter l’incertitude.

Or entreprendre, c’est effectivement tout cela à la fois. Si vous voulez vous démarquer, vous ne pouvez pas rester sur les sentiers battus. Vous devez faire du hors-piste, risquer l’avalanche. Vous devrez aller au-delà de ce qu’on vous a appris, remettre en question ce que vous teniez pour acquis. Faute de quoi vous ne ferez que reproduire ce qui existe déjà.

Vous allez aussi devoir vous faire violence. Regarder la réalité en face et admettre que vous faites fausse route. D’où l’intérêt d’être plusieurs : comme ça, il y en aura bien un pour dire que c’est absurde ou inadapté. Cela provoquera des discussions animées, parfois houleuses, mais c’est comme ça que vous avancerez. Si votre réponse est « c’est comme ça qu’on a toujours fait », il est grand temps de vous mettre un coup de pied métaphorique dans le derrière et de reconsidérer votre réponse.

Avant de vous dépasser, il faut déjà que vous connaissiez vos limites. Vos angles morts si vous voulez. Si vous ne faites pas ce petit exercice d’introspection, vous risquez de passer à côté de l’essentiel. Parce que vous croirez de bonne foi faire tout ce que vous pouvez et même plus. Demander aux autres ce qu’ils perçoivent de vous est un bon moyen d’identifier ces angles morts. Alors ne vous privez pas. Tant que ce retour est fait avec bienveillance, il ne peut que vous être bénéfique !

Leçon n°5 : L’important, c’est le voyage, pas la destination

J’ai longtemps cru que la réussite était une espèce de phénomène soudain, un peu comme la combustion spontanée. Un truc vaguement magique qui se produit de manière aléatoire. Encore une fois, entrepreneuriat aura eu raison de mes illusions d’enfants.

Comme je le disais un peu plus haut, la Horde du Contrevent a été formée pour réussir. Elle a reçu un entraînement extrêmement rigoureux pour remonter vers l’Extrême-Amont. Chaque membre de la Horde a souffert pour en arriver là. Les épreuves ont permis à chacun d’affiner ses compétences, d’en apprendre encore un peu plus sur lui/elle, sur les autres et sur le vent.

La réussite de la Horde ne dépend pas d’un seul coup d’éclat. Elle est liée à chaque jour qui passe et à chaque petite chose accomplie quotidiennement. Dans le cas de la Horde, un soin du corps ou de l’âme, une vigilance accrue, une intuition salvatrice. Pour entrepreneuriat, la relance pour une facture impayée, la recherche de nouvelles opportunités, un changement de locaux pour réduire les coûts, un message à une ancienne connaissance…

Réussir, n’est ni magique, ni automatique. Il ne suffit pas de rester là les bras ballants à espérer que quelqu’un vienne reconnaître que notre idée est géniale. La formation initiale peut aider, c’est un fait. Mais il faut surtout aller se confronter à la réalité du terrain, pitcher son idée encore et encore, explorer de nouveaux territoires… Car l’idée qu’on a au départ n’est pas forcément celle qui va marcher. C’est possible, mais ce n’est pas obligé.

Parfois, il faut aussi reconnaître qu’il est nécessaire de faire des étapes. Qu’on a eu les yeux plus gros que le ventre. L’idée est peut-être brillante mais si personne ne la comprend, c’est qu’il faut changer. Voire même pivoter. Réinventer le concept, enlever ce qui n’est pas nécessaire, ajouter ce qui fait cruellement défaut. Bref, s’adapter. Mais ensemble, pour être plus résistant quand une violente tempête s’abat sur nous.

C’est en ça que le voyage compte plus que la destination. On a beau savoir où on veut aller, la vie peut en décider autrement. Ce qui compte, c’est d’apprendre à chaque pas, de tirer profit de tout ce qui nous arrive en bien comme en mal. Fin de mois difficile ? Il faut mieux anticiper pour le coup d’après, lisser ses charges, faire des démarches pour étaler les dettes. Calme plat au niveau des ventes ? On se demande comment mieux exploiter son réseau, qui il faudrait relancer, comment…

Pour finir…
Je ne sais pas si je vous ai donné envie d’entreprendre, de lire « La Horde du Contrevent » ou tout simplement de pousser un soupir de soulagement à l’idée d’arriver à la fin de ce post. A vrai dire, ma seule ambition en l’écrivant était de partager mon ressenti d’une aventure encore bien jeune (mais tellement enrichissante). Donc au moins là-dessus, l’objectif est atteint 😊

Entreprendre est une aventure fantastique. C’est l’occasion de rencontrer des personnes fabuleuses, de construire quelque chose d’unique, d’aller au-delà de ses propres limites. Mais cela ne va pas sans un certain nombre de sacrifices et de précautions à prendre. Réfléchissez-y donc à deux fois avant de vous lancer. Ça a beau être tendance d’être entrepreneur, il faut pouvoir l’assumer — et l’assurer — au quotidien. Si ce n’est pas inné chez vous, il va falloir vous faire violence. Personnellement, je trouve que le jeu en vaut la chandelle. Maintenant, c’est à vous de voir !

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