Et si le modèle des licornes était complètement dépassé ?

Alexandre Martinez
Wirate
Published in
4 min readSep 10, 2020
Hommage à Charlie the Unicorn https://www.youtube.com/watch?v=cA6gKrJZTu8

Dénicher et financer les futures licornes était l’une des obsessions de la Silicon Valley. Ce modèle s’est largement imposé dans un écosystème qui ne jugeait la réussite d’une startup qu’à l’aune de ses levées de fonds. Pourtant, ce modèle d’investissement cumule suffisamment d’effets pervers pour justifier aujourd’hui sa remise en question.

La croissance, c’est bien, mais de quelle croissance parle-t-on ?

Une startup devient une licorne lorsqu’elle est valorisée plus d’1 milliard de dollars au cours de ses 10 premières années d’existence. Pour atteindre ce niveau de valorisation, il faut viser une croissance exponentielle sur son marché. Mais de quelle croissance parle-t-on, et surtout : de quelle création de valeur ?

La stratégie de la razzia :

En tant qu’indicateur de réussite pour une startup, la levée de fonds a trop longtemps été indépassable. C’est une conséquence assez logique de la stratégie du « Winner-takes-all » qui implique d’atteindre une telle taille critique en termes d’utilisateurs, que cette taille crée par elle-même une barrière à l’entrée insurmontable pour les éventuels concurrents. La conséquence est la création de monopoles de fait, extrêmement rentables pour les « Winners ».

Pour atteindre cette masse critique, la startup acquiert des utilisateurs grâce à des campagnes de communication, de marketing et de promotions massives. Car pour attirer ces utilisateurs et les retenir, elle leur offre gratuitement ou quasi-gratuitement les services qu’elle a développés. Le hic, c’est qu’il existe malgré tout des coûts de fonctionnement importants pour la startup et que les campagnes en question coûtent très cher. L’objectif primordial de la startup devient alors de survivre à « la vallée de la mort », le plus souvent grâce aux capitaux libéralement distribués par les investisseurs plutôt que grâce à des revenus propres.

Dans cette logique, les indicateurs qui mesurent la profitabilité des startups sont sciemment négligés par les investisseurs. Les capitaux investis dans ces startups peuvent alors s’apparenter à des perfusions qui masquent parfois la fragilité d’un business model ou d’une exécution devant la nécessité de verrouiller le plus rapidement possible un marché.

Ce modèle de croissance débouche sur un résultat assez binaire : succès exceptionnel pour quelques-uns et échec total pour beaucoup d’autres. Ce modèle, qui engloutit des sommes astronomiques, la plupart du temps en pure perte par l’effet de bulle qu’il entraîne, ne résiste pas par temps d’instabilité économique, quand les capitaux disponibles viennent à se raréfier.

La distorsion de valorisation :

La valorisation d’une startup est essentiellement calculée sur la base des levées de fonds qu’elle a bouclées. Mais le volume des capitaux investis à la manière de paris en regard de la faible rentabilité de ces startups aboutit à une véritable distorsion de leur valorisation, qui se voit artificiellement gonflée. Et le marché ne s’y trompe pas lorsque ces entreprises cherchent à entrer en bourse pour lever de nouveaux capitaux. Si bien qu’un nouveau concept est apparu : les « reverse-unicorns ».

Par exemple Casper, fondée en 2014, qui a réinventé le modèle de vente directe par le seul canal d’Internet pour les matelas. Elle était valorisée plus d’1 milliard de dollars avant son introduction en bourse début février à New York 2020, pour finalement tomber à 575 millions de dollars à la clôture de son premier jour en bourse. Le cas n’est pas unique : Uber (avril 2019) et WeWork (décembre 2019) ont connus un destin similaire, tout en conservant leur statut de licornes.

Les startups doivent-elles être des entreprises comme les autres ?

Bien-sûr, on pourrait conclure que les startups devraient trouver des modèles de croissance plus durables, notamment en maîtrisant leurs coûts et en facturant leurs services à un prix raisonnable. Mais ce serait négliger la composante disruptrice consubstantielle à tout projet de startup. Par définition, la startup crée de l’innovation et bien souvent elle crée en même temps de nouveaux marchés. Pour s’imposer ou pour innover, il faut des capitaux dont la startup ne dispose généralement pas. Le rôle des investisseurs est ici primordial.

Mais ces investissements ne devraient plus se faire comme des paris, avec une logique de portefeuille pour lequel on vise 1 succès pour 9 échecs à 5 ans en se félicitant. Les investisseurs devraient prioritairement relever la qualité de leur portefeuille et ne choisir que les projets entrepreneuriaux les plus prometteurs et viser les 9 succès pour 1 échec.

Il ne s’agit pas ici de dénigrer les compétences des business angels, particulièrement les business angels français, qui par leur accompagnement et la disponibilité de leurs réseaux, aident les startups à stabiliser leur business model et à consolider une croissance basée sur des revenus et une certaine rentabilité. Bien au contraire : ils font un travail essentiel et réellement formidable.

Les startups ne sont donc pas des entreprises comme les autres et avec la crise à venir due aux conséquences de la COVID-19 et la raréfaction annoncée des capitaux disponibles pour financer les startups, la compétition pour financer les meilleurs projets et les plus viables va encore s’exacerber. C’est pour accompagner les investisseurs que Wirate développe des méthodes d’évaluation qui sont autant d’outils d’aide à la décision : Wistart analyse le potentiel d’une startup à un stade précoce, Wisize vérifie la maturité d’une startup pour rechercher des financements et Witeam décrypte les personnalités, les motivations et les préférences cognitives de l’équipe fondatrice d’une startup.

Ces outils existent pour aider les investisseurs à améliorer leur retour sur investissement et par conséquence à consolider un écosystème d’innovation dans la durée. Autant en profiter !

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Alexandre Martinez
Wirate
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Digital Transformation, founder at Wirate, a rating Web service for innovative startups.