In-housing ou Internalisation, corollaire de la transformation digitale des entreprises

Branislav Peric
WITH We are the dots
11 min readOct 30, 2019
in-housing
  • Notre décryptage pour comprendre ce qu’est l’in-housing (internalisation en français), à commencer par ses origines, et pourquoi est-ce devenu un des sujets moteurs de l’organisation des entreprises en pleine transformation digitale ?
  • Les 5 besoins dans lesquels tout décideur se reconnaîtra et qui président au choix d’enclencher une stratégie d’in-housing.
  • Nos 3 conseils pour réussir l’in-housing à la lumière de presque 5 ans d’expérience de WITH sur le sujet.

J’ai commencé ma carrière en l’an 2000 et durant les premières années, ce qu’on appelait alors sobrement Internet, était encore beaucoup trop nouveau pour que quiconque ait envie de l’internaliser dans son entreprise. Les dirigeants considéraient alors qu’avoir un site Internet était un gage suffisant de modernité.

Les agences dans lesquelles j’ai travaillé ont toujours vécu en faisant précisément l’inverse : les grandes entreprises y externalisaient leur digital.

Et puis une douzaine d’années plus tard, je suis rentré chez L’Oréal, dans un job sur mesure (tiens tiens !), qui n’existait pas avant moi : directeur du digital, des media et du CRM du Travel Retail Mondial.

Et là, j’arrive dans un contexte où L’Oréal, bien plus tard que d’autres industries, à l’instar du tourisme par exemple, décide, à partir de 2010, de considérer le digital comme « core business », comme on dit dans le jargon. En même temps que les métiers du retail d’ailleurs.

On connaît la suite, l’arrivée de Lubomira Rochet en tant que CDO a initié une somme de changements qui ont transformé ce cador du CAC40 dans des proportions que j’avais alors peine à imaginer.

Quelques années plus tard, je constate chaque jour comme les entreprises sont désormais obnubilées par la technologie et les changements parfois drastiques qui en découlent. Les projets de “transfo digitale” sont devenus la norme et le sujet a envahi tous les comités de direction depuis quelques années. Aucune entreprise, aucun département n’y échappe.

Quel est le véritable enjeu de cette “transfo digitale” ? En ligne de mire : gain de compétitivité et gain de productivité. Surtout. Et c’est là qu’arrive l’in-housing, un phénomène essentiel de cette transformation dont on parle trop peu, du moins en France.

C’est pourtant la partie humaine d’une équation du changement où il n’est souvent question que de technologies et d’algorithmes. Si seulement c’était aussi simple !

Mettons donc en perspective deux vents contraires que j’observe depuis une dizaine d’années chez les clients de WITH :

  • D’une part, la variété des expertises nécessaires à la transformation digitale s’étend de plus en plus vite. Ne serait-ce que sur la fonction marketing, de nombreux besoins, encore rares il y a quelques années, envahissent toutes les entreprises et toute l’économie : e-commerce, data, precision media, influence, advocacy, … Il faut donc former aux nouvelles expertises mais surtout intégrer de nouveaux talents.
  • Mais d’autre part, la tension sur le nombre d’ETP (équivalent temps plein) est permanente dans les équipes DAF et RH des grands groupes. Il faut veiller à maîtriser l’étendue des ressources humaines fixes dans un environnement économique qui requiert une gestion financière serrée. Une seule constante : éviter à tout prix de laisser s’envoler le nombre de collaborateurs malgré les besoins de la transformation digitale.

C’est là qu’intervient l’in-housing ou internalisation, en réponse à ces besoins opposés mais indissociables.

L’in-housing consiste à internaliser les expertises nécessaires à l’entreprise mais sans forcément les embaucher directement, ces expertises étant par nature changeantes et parfois éphémères.

Ce qui est fou, c’est que dès 2008, l’ANA (Association of National Advertisers), association américaine d’annonceurs équivalente à l’UDA (Union Des Annonceurs) en France, avait identifié que le phénomène prenait de l’ampleur. Ils ont conduit une étude sur des paramètres identiques à trois reprises (2008, 2013 et 2018) pour analyser son évolution. Le constat est sans appel : l’in-housing est en très forte progression.

78% des marques ont aujourd’hui des capacités médias en interne, 90% d’entre elles internalisent déjà tout ou partie du travail d’agence aux Etats-Unis.

En France, l’IAB estime que près de la moitié d’entre elles sont en train d’internaliser leur achat programmatique. Sans trop savoir comment, ni à qui s’adresser. En imaginant même des cohortes d’in-housés débarquant tous le même jour. Attention, ce n’est pas aussi simple !

Et c’est là qu’arrive WITH. A notre création, nous avons immédiatement senti ce besoin chez nos interlocuteurs. D’autant plus que j’avais moi-même fait appel à cela durant mes 3 années chez L’Oréal.

En 2015, nos clients le réclamaient, cet in-housing, mais sans nécessairement le nommer. Avec du recul, les signaux étaient pourtant clairs. Nous avons immédiatement répondu à la demande, à l’instinct, d’abord, avec passion aussi, et nous sommes devenus en quelques mois une valeur sûre pour Danone, L’Oréal, puis quelques mois plus tard, Coty. Imaginez, c’est la moitié de nos 35 collaborateurs à Paris et Madrid qui sont désormais implantés au cœur des équipes de nos clients (Danone, L’Oréal, Coty). Nous les avons engagés en CDI pour la plupart car nous n’engageons que des gros potentiels, et les envoyons en mission sur des cycles de 12 mois minimum pour étoffer les équipes de nos clients de l’intérieur.

A la lumière de 5 ans d’expérience en in-housing, nous dénombrons cinq besoins qui président à la décision de prendre des implants WITH et donc de faire de l’in-housing. C’est la clé de lecture que nous suggérons à quiconque s’intéresse à ce phénomène.

Premier besoin = la maîtrise des coûts

Parole de client : « Nous souhaitons faire plus pour autant de budget » … « Nous souhaitons faire autant pour moins de budget »

Les décideurs sont désormais graduellement responsabilisés sur les dépenses engagées. Pour réussir, il faut démontrer une capacité de « smart spending », de dépense intelligente.

L’in-housing améliore la productivité du travail, et donc de l’argent investi. C’est un critère de réussite pour eux.

Un exemple, Unilever, qui a annoncé en 2018 avoir réalisé 500 millions d’économie en procédant à l’in-housing de leur activité agence.

Nos clients nous disent, en privé, qu’au final, ils finissent par payer un peu plus qu’avant, mais qu’ils obtiennent une quantité de travail bien supérieure en retour. On ne doit donc pas parler d’économies mais plutôt d’un rendement supérieur, d’une efficience améliorée. Et surtout, surtout : de la Qualité !

Double intérêt : cela permet souvent d’allouer de l’argent à d’autres projets et donc à élargir son champ d’action. Ce qui est essentiel devant l’ampleur des besoins.

Deuxième besoin = vitesse, agilité et prosélytisme en interne

Parole de client : « Pour avancer aussi vite que le voudrait le top management, j’ai besoin d’avoir les experts tous les jours à mes côtés. Avec une agence, je vais perdre du temps. »

Les rythmes en entreprise ont considérablement accéléré ces quinze dernières années. Les décideurs doivent mener de multiples chantiers complexes simultanés avec des résultats escomptés à plus court terme. Le tout en adoptant des méthodologies d’avancement agiles, basées sur l’itération, le test & learn, la culture d’A/B testing. N’en jetez plus, la coupe est pleine !

Le marketing se joue désormais sur 365 jours par an : j’essaie, j’analyse, je me rate, j’ajuste, je recommence, je réussis, j’essaie autre chose. Non-stop. Dans une société qui vit deux fois, trois fois plus vite, et se réinvente en permanence.

L’in-housing permet de trouver les meilleurs acteurs du changement en interne qui fédèrent les parties prenantes autour des projets, même les plus pointus, même les plus transverses…

Troisième besoin = la pédagogie partagée

Parole de client : « On a envie d’apprendre nous aussi. Pas juste qu’on fasse à notre place. »

L’obsolescence guette toutes les fonctions de l’entreprise face aux changements liés à la technologie. Les décideurs que nous avons croisés ces dernières années souhaite aussi importer du savoir porté par un « sachant » dont la parole d’expert est indiscutable et forcément plus écoutée, puisqu’il vient d’ailleurs et y repartira ensuite. L’expert ose plus, offre tout et reste à la pointe car c’est sa passion. Dans notre expérience, les implants internalisés ont souvent passé un temps non négligeable à partager leur expérience et leur expertise.

Cette dimension pédagogique participe à la formation continue qu’on attend aujourd’hui dans n’importe quelle fonction en entreprise, si haute soit-elle.

Bonus indirect : de manière assez magique, une source de bonheur au travail pour toutes et tous. Nous avons quelques anecdotes savoureuses à ce sujet.

Quatrième besoin = le contrôle et la transparence

Parole de client : « Nous souhaitons collecter notre data nous-mêmes, pour alimenter notre propriété intellectuelle et non plus la déléguer à des agences externes qui font profiter d’autres acteurs de notre marché de nos réalisations dans le cadre de la prestation. »

Si on prend l’exemple de la data ou du media, l’in-housing est tout autant une histoire de coût (voir plus haut), qu’une histoire de reprise de contrôle sur son IP (propriété intellectuelle). Quand on innove en precision marketing avec une agence à qui on délègue son media, on laisse derrière soit un savoir-faire que ces agences exploitent parfois en cascade pour d’autres clients de la même catégorie ou industrie. Parfois même alors que le contrat qui lie les entreprises à ces agences explicitement le contraire.

Le waterfall adtech comporte, en outre, suffisamment d’intermédiaires en tout genre. Inutile d’en rajouter. Bien au contraire !

Cinquième et dernier besoin = du transitoire, du mouvant

Parole de client : « Nous savons que nous avons un besoin en e-commerce pour structurer notre stratégie de contenus pour la vente en ligne. Mais une fois que ce sera fait, nous aurons besoins de nouveaux profils pour faire tourner tout ça….»

Je parle souvent de cycles de « build » (construire) et de cycles de « run » (faire fonctionner et optimiser). Lorsqu’on intègre une nouvelle technologie, il faut des ressources différentes pour brancher cette technologie dans les process de fonctionnement de l’entreprise puis un tout autre type d’expertise pour en assurer le fonctionnement optimal dans le temps.

Pour les équipes RH, c’est un véritable casse-tête.

L’in-housing consiste à disposer de partenaires qui, à l’instar de WITH, se chargent de trouver rapidement les bons profils, de les faire venir mais aussi… de les faire rester.

Comment ne pas parler de la “crise du désir” qui frappe de plein fouet tous les grands groupes ? Ils ont un besoin de compétences très spécifiques qu’ils n’ont pas forcément en interne et qu’ils ont énormément de mal à attirer et surtout à fidéliser dans leurs troupes. Un petit génie de la Data, il peut aller où il veut, avec la qualité de vie qui va avec : chez Danone, chez LVMH, chez L’Oréal. Pourquoi resterait-il vingt ans dans un secteur qui a priori ne l’intéresse pas plus que ça ? Nous avons compris chez WITH que la nouvelle génération était « deux pieds dedans, un pied dehors ». Et que, bien plus que des chasseurs de têtes, nous sommes des coachs qui prenons soin, en complément de nos clients, de leurs experts les plus pointus que nous sommes allés chercher pour eux.

En cela, nous sommes au cœur de la culture de l’Open Innovation : ces implants emmènent ce qu’ils sont, ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont compris et par capillarité leur expérience gagne le cœur de leur nouveau terrain de jeu. L’entreprise respire alors : elle n’est pas un vase clos, elle est ouverte à l’Agora, à la société et s’en inspire, s’y structure et in fine s’épanouit d’une façon qu’elle n’aurait jamais osé imaginer.

La collaboration n’a jamais été aussi importante de nos jours. Ce qui signe le succès des projets les plus audacieux n’est plus l’intelligence brute, mais les alliances des talents complémentaires qui ne se seraient jamais rencontrés avant.

L’in-housing permet de faire d’une pierre deux coups car il s’adapte aux problématiques externes et internes.

A l’extérieur de l’entreprise, le monde a changé, la vitesse des bouleversements donne le vertige : l’in-housing de nouveaux talents est une manière d’y répondre de manière agile et de prendre de la hauteur. Comment interagir avec des consommateurs qui ont le nez fourré dans leur mobile toute la journée dès leur plus jeune âge ? Il faut des talents de plus en plus pointus, qui ont intégré les codes de cette époque et qui les écrivent à leur manière, pour parler au plus grand nombre.

En interne, il y a de moins en moins de gens pour faire de plus en plus de travail et dont on doit prendre de plus en plus soin, c’est l’hyper-caring. L’entreprise sait très bien qu’elle doit chouchouter ses salariés sous pression. Elle fait attention à eux et une des manières de prendre soin d’eux est de faire rentrer un implant qui va alléger la tâche, aérer l’espace et y apporter une modernité immédiate, le temps d’une expérience commune client-implant qui — et je sais que ça va sembler naïf mais notre expérience l’a prouvé — va rendre heureux tout le monde. Cet upskilling, cette formation continue de l’équipe se fait de manière organique, au fil des jours, par capillarité, de manière totalement fluide. Rapidement d’ailleurs, les salariés oublient que leur collègue est un implant !

In-houser des équipes entières ? Attention au fantasme…

Je ne crois pas que l’in-housing puisse se faire dans une logique d’équipe : on n’implante pas un groupe de personnes, ce n’est ni la philosophie du concept, ni même réaliste. L’équilibre de valeur ne s’active qu’à l’unité. On doit intégrer les talents un par un à une communauté existante, en prenant en compte le rythme d’arrivée et les adaptations de l’écosystème qui contre-réagit forcément.

Vendre très cher l’arrivée d’une équipe clef en main qui va s’intégrer en quelques heures, c’est irréaliste et profondément mensonger. C’est une illusion de croire que des salariés vont accepter une équipe d’une dizaine de personnes. Même sur plusieurs mois. Une arrivée d’un groupe de personnes, aussi talentueux soit-il, demeure l’arrivée d’un corps étranger compact dans une structure déjà bien établie et inconsciemment résistante. C’est de l’intérim déguisé, ni plus, ni moins, et nous disons non à nos clients quand ils nous le demandent.

C’est sur ce point que nous nous différencions de la société Oliver, qui a aidé Unilever à monter son projet d’in-housing. L’approche empirique fait plus de mal que de bien selon nous.

3 conseils sur l’in-housing :

  • Le bon expert sur un sujet pointu n’est jamais très loin de vous : nos réseaux sont puissants pour peu qu’on trouve la bonne entrée. Nous savons comment faire.
  • Le plus dur n’est pas de trouver l’expert. Le plus dur, c’est de le convaincre de venir et pour cela il faut lui garantir un échange de valeur, basé sur la transparence. Il voudra vivre une expérience, pas un dream job.
  • L’équilibre de l’implant n’est pas acquis et requiert plus de travail avec le temps qui passe, ce qui étonne toujours nos clients. Rester aiguisé, compétent, en alerte, en mouvement, ce n’est pas inné, ça se travaille au quotidien et c’est notre mission.

Pourquoi choisir WITH ?

Fin 2014, nous nous sommes lancés sur une vision et, comme c’est souvent le cas des jeunes boîtes qui réussissent, nous avons réalisé que nous avions flairé un besoin profond du marché. Proposer une nouvelle voie dans le travail avec un statut de pionnier. Tout cela nous apporte une sérénité et une vraie joie. Nous avons eu raison au bon moment.

Si WITH n’a pas de couleur dans son logo, c’est qu’elle prend les couleurs de l’entreprise pour qui elle travaille. Et si WITH s’appelle WITH, c’est que nous sommes une ligne en pointillé (we are the dots) entre deux mondes qui ne se croisaient pas et qui font plus que travailler ensemble : nos implants créent de la valeur ajoutée, sans cesse remise à jour car nourrie des besoins de la société et enrichie des tendances technologiques.

Il me tenait à cœur de partager ce (long) retour d’expérience de 5 ans, car ce dont nous avons le plus besoin maintenant, c’est de nous installer comme partenaire de premier plan de ce phénomène que tout le monde vit mais que trop peu de gens nomment encore en France.

In-housing, j’écris ton nom.

--

--