Expo 67: souvenirs de Terre des Hommes

Maxime Ruel
Words by Maxime Ruel
5 min readOct 14, 2018

Véritable «expophile», l’historien Maurice Guibord se remémore Expo 67

Habitat 67. Gracieuseté de Maurice Guibord

[Texte initialement publié sur Passeport2017.ca le 27 avril 2017]

Maurice Guibord est président de la Société historique francophone de la Colombie-Britannique. Vancouvérois d’adoption, l’historien est également collectionneur: au fil des années, il a accumulé l’une des plus grandes collections d’artéfacts d’Expo 67, un butin qu’il vise éventuellement confier à un musée de l’est du pays, «soit à Montréal, à Québec ou à Ottawa».

Passeport 2017 a discuté avec lui de ses souvenirs d’Expo 67, un événement qui a changé sa vie.

Maurice Guibord et sa collection de souvenirs d’Expo 67. Photo gracieuseté de Maurice Guibord

Vous vous décrivez comme un «expophile» depuis votre visite à Expo 67. Quel impact Expo 67 a-t-elle eu sur votre vie?

J’ai grandi dans une famille pauvre à Ottawa. Des visites à Expo 67 étaient organisées par les scouts et par les écoles; c’est grâce à ces organisations que j’ai pu visiter l’Exposition universelle de Montréal à trois reprises, quand j’avais 13 ans. Aussitôt arrivé sur le site, ça a changé ma vie — l’architecture présentée à Expo 67 m’emballait. On y avait accès à de nombreux artéfacts archéologiques, et ça m’a emballé au point où j’ai décidé de devenir archéologue.

Le pavillon du Canada à Expo 67. Photo gracieuseté de Maurice Guibord

Comment était-ce que de voir tout ça à travers les yeux d’un enfant?

C’était un véritable spectacle! Pour la première fois, je faisais face à des pays que je n’aurais jamais cru pouvoir visiter. À l’époque, les Canadiens-français étaient encore assez casaniers; d’un coup, le monde entier s’offrait à nous tant par son architecture que par ses cuisines et ses cultures. Ça accaparait tous les sens, nous étions emportés à tous les niveaux — se promener sur le gigantesque site d’Expo 67, c’était être assailli de tous les côtés par des choses phénoménales. C’était comme marcher dans un rêve!

Le pavillon de la France à Expo 67, devenu le Casino de Montréal. Photo gracieuseté de Maurice Guibord.

Comment cette Exposition universelle se démarquait-elle de ses précédentes?

Tout d’abord, c’était la première Exposition universelle organisée en sol canadien. Bien que le Bureau international des Expositions était ravi de tenir une exposition au Canada et en particulier au Québec, il s’attendait tout de même à ce que l’on se plante royalement. Finalement, on les a tellement surpris par l’ampleur de ce qu’on a réussi à faire, par l’excellence que l’on a démontré et par la popularité de l’exposition qu’un nouveau seuil à atteindre a été fixé par Montréal.

Le pavillon du Québec à Expo 67. Image gracieuseté de Maurice Guibord.

Le succès d’Expo 67 est l’histoire d’une réussite là où on s’attendait à un échec, non? À la base, c’était Moscou qui devait tenir cette Exposition…

En effet. Toutefois, Moscou appréhendait les coûts reliés à un tel événement. La ville s’est donc retirée du processus, laissant l’organisation de l’Exposition à Montréal ou à Vienne, les deux villes encore en lice, dans des délais raccourcis. Montréal obtiendra l’accord du Bureau des Expositions en novembre 1962.

Grâce au maire Jean Drapeau, qui a porté le projet avec beaucoup de sérieux, de façon presque militaire — et c’était la seule façon de le faire vu les circonstances — on a réussi l’incroyable. On a littéralement créé un site qui n’existait pas [l’île Notre-Dame, qui a accueilli Expo 67, est une île artificielle créée en 10 mois avec le remblais du métro de Montréal] et y avons rassemblé des pays qui n’avaient jamais été côte-à-côte, vu la donne politique de l’époque, créant au passage des chef d’œuvres architecturaux dont on parle toujours aujourd’hui. C’était un travail d’une ampleur titanesque.

Le pavillon du Venezuela à Expo 67. Photo gracieuseté de Maurice Guibord.

Expo 67 a également battu des records de visite, notamment grâce à une publicité dans le magazine américain Life, qui disait «Regardez ce que construisent les Russes à 40 miles de vos frontières».

Oui, et c’était d’autant plus intéressant parce que deux années plus tôt, New York avait monté sa propre exposition, qu’elle avait voulue universelle mais qui fût boudée par beaucoup de pays, qui voulaient entre autres réserver leurs chefs d’œuvres d’architecture pour Montréal.

L’U.R.S.S. — pays alors considéré comme problématique par les États-Unis — n’y avait pas participé. Puis, le voilà qui construit un énorme pavillon à Montréal, pavillon où, bien entendu, on poussait l’idéologie communiste! Je n’oublierai jamais l’énorme statue de Lénine qui y trônait — à mes yeux d’enfants, elle devait faire au moins cinq étages!

Le pavillon des États-Unis à Expo 67. Image gracieuseté de Maurice Guibord.

Que reste-t-il d’Expo 67, outre le patrimoine architectural?

L’un des grands legs est le métro de Montréal, à l’image de plusieurs autres villes ayant tenu une Exposition universelle.

Sinon, il en reste à ce jour une grande fierté. J’ai récemment participé à une exposition du Musée de Vancouver qui portait sur les collectionneurs et leurs collections. J’y ai rencontré une soixantaine de Britanno-Colombiens qui avaient alors traversé le pays en voiture, en famille, pour visiter Expo 67. Chacun se rappelait de la fierté qu’ils en avaient tiré à l’époque. Même cinquante ans plus tard, ils célébraient leurs parcours, l’événement de famille que c’était pour eux et le récit qu’ils en ont gardé. Ça a aussi placé Montréal sur la map comme dans l’esprit et le cœur des Canadiens, et ce à un moment critique de prise de conscience politique au Québec et au Canada.

Cette entrevue a été condensée et éditée.

--

--

Maxime Ruel
Words by Maxime Ruel

Writer | Bilingual | Montrealer | Former twenty-something