A l’aube d’une nouvelle saison
Alors que la République centrafricaine a été secouée par une nouvelle vague de violence, un calme éphémère règne dans certaines régions du pays. Dans la partie nord-ouest de Paoua, le Programme alimentaire mondial des Nations Unies aide les agriculteurs à profiter du riche potentiel agricole de la région, un facteur clé pour le développement du pays.
Paoua, République centrafricaine — Caroline Wanwan se débarrasse des morceaux de mauvaises herbes et d’arbres morts, sa faux brille au soleil de fin de matinée. Elle travaille depuis l’aube, mais même maintenant, dans cette chaleur étouffante, elle ne montre aucun signe de fatigue.
Auparavant, deux bœufs faisaient ce travail épuisant. Mais ils sont partis, tout comme la plupart des seules possessions de sa famille — volées par l’un des groupes de milices qui ont semé la pagaille dans ce pays d’Afrique centrale au cours des dernières années.
«Des hommes sont arrivés sur le marché en tirant leurs armes, et toutes les femmes ont fui,» raconte Wanwan, 40, en rappelant l’incident de l’année dernière. «Ils ont pris notre bétail et toutes nos arachides fraîchement récoltées.»
Paoua comptait jadis parmi les zones à risques du pays. Mais aujourd’hui, les Casques bleus des Nations Unies et les forces locales ont sécurisé la région voisine de la ville du nord-ouest. Les familles déplacées et traumatisées comme celle de Wanwan peuvent rentrer chez elles et retrouver leur vie.
Le renforcement de la sécurité signifie aussi que des initiatives de développement durable peuvent se mettre en place. Ici, à Paoua, le PAM fait le lien entre le programme de cantines scolaires et le programme de soutien aux agriculteurs pour que les collectivités se remettent d’aplomb.
«J’ai beaucoup d’espoirpour ce secteur», explique Mahoua Coulibaly, chef du sous-bureau du PAM à Paoua. «Quand je suis arrivé ici en Avril 2014 et que je compare la situation avec le Paoua d’aujourd’hui, je vois que les choses ont changé. Ce n’est peut-être pas évident pour tout le monde mais pour ceux d’entre nous qui sont ici depuis un certain temps, nous voyons clairement que les choses ont avancé.»
Cependant, il y a des défis importants à relever, notamment en ce qui concerne l’hypothétiques reprise du conflit. . Aujourd’hui, la vie pour les familles comme celle de Wanwan reste extrêmement difficile.
« Avant, nous avions des bœufs pour manger et un peu pour les vendre », dit Wanwan, mère de huit enfants. « Maintenant, nous devons louer des animaux pour réaliser une partie des travaux. Mais au moins je suis de retour sur les champs ».
Wanwan est trésorière d’un groupe agricole de femmes qui vend son surplus à la coopérative agricole de Paoua. Grâce à l’initiative d’achat pour le progrès (P4P), le PAM travaille avec les agriculteurs de la coopérative pour améliorer leur production et les liens avec les marchés.
Le PAM achète également une part de leurs récoltes excédentaires, et prévoit cette année de doubler les achats de vivres comme les haricots blancs et le sorgho.
Ces investissements profitent à la collectivité dans son ensemble. Par exemple, le PAM achète une partie de la récolte de la coopérative pour l’utiliser dans le programme pilote d’intégration de la production locale dans les cantines scolaires ciblant 44 000 enfants des écoles primaires dans la région de Paoua.
« Dans le passé, nous avons eu des problèmes pour transporter le surplus jusqu’à Bangui et d’autres endroits », raconte le Président de la coopérative, Sylvanus Teon, décrivant les défis liés à l’utilisation d’un réseau national de routes mal entretenues et dangereuses. « Grace aux contrats avec le PAM, nous pouvons vendre notre nourriture sur place — et nous apportons de la nourriture aux enfants à l’école. »
Dans une école primaire voisine, les jeunes hommes amènent les grands plats de riz à la vapeur et des haricots dans les classes. Un groupe de mères cuisine ces repas. D’autres parents surveillent la poussée de légumes dans le jardin.
L’école a temporairement fermé ses portes en 2016, en raison des troubles liés à la crise. Ce n’est qu’en Septembre dernier que les cours ont repris.
« Au début, cela n’a pas été facile, » dit le directeur Charles Lebrun Bapou Yabanga. « Les enfants avaient peur et certains parents ont catégoriquement refusé de les envoyer à l’école ».
« Maintenant, nous nous sentons en sécurité, même s’il y a encore des troubles en dehors de la ville », ajoute-il. « Un plus grand nombre d’enfants fréquentent l’école. La nourriture du PAM est parfois leur seul repas de la journée ».
Dans les champs, les agriculteurs comme Wanwan espèrent que le calme perdurera et que les pluies fourniront une bonne récolte. A présent, son groupe agricole des femmes collecte de l’argent pour remplacer leur bétail volé.
« Ils ont tout pris», dit-elle des groupes de milices. «Mais nous ne pouvons pas regarder en arrière. Nous devons nous concentrer sur l’avenir.»
-Traduit par Simonpierre Diouf