‘C’est un devoir pour nous, les africains, d’être acteurs des réponses humanitaires pour les populations africaines’

Entretien avec Mahamadou, Spécialiste des transferts monétaires au PAM Congo.

Propos recueillis par Benoît Lognoné, en avril 2018.

En République du Congo, le PAM fournit une aide d’urgence aux personnes affectées par le conflit dans le département du Pool et aux réfugiés de la République centrafricaine dans le Nord du pays.

Mahamadou Maiga — Photo : PAM/Benoît Lognoné

Bonjour Mahamadou, depuis quand travailles-tu avec le Programme Alimentaire Mondial ?

J’ai rejoint le bureau du PAM en République du Congo à la mi-octobre 2017. Cela fait maintenant un peu plus de 5 mois.

Peux-tu nous décrire brièvement ton rôle au sein du PAM Congo ?

Mon rôle consiste à coordonner les activités de transferts monétaires et le déploiement de la plateforme numérique SCOPE* au Congo (NDLR : * Système de gestion des données des bénéficiaires du PAM ainsi que des prestations sociales effectuées à leur intention).

J’ai d’abord travaillé à améliorer la qualité de la mise en œuvre des activités du programme, qui utilisait le mécanisme de livraison mobile-money d’un opérateur téléphonique. Je travaille désormais avec le Ministère des Affaires Sociales et de l’Action Humanitaire pour la mise en place d’un système plus performant et plus fiable, basé sur des cartes à puce que nous distribuons à chaque ménage bénéficiaire.

C’est un travail d’équipe qui implique tous les départements et nécessite un leadership fort, de la patience et de la diplomatie.

Transaction dans une boutique avec le système SCOPE à Nganga-Lingolo, Département du Pool — Photo : PAM/Benoît Lognoné

Quelle est la situation des déplacés du Pool ?

Nous sommes dans une phase d’apaisement après la signature des accords de paix de décembre 2017. Actuellement, selon les zones, il se dégage 3 cas de figure, à savoir : les zones de retour, les zones dans lesquelles il y a un va-et-vient de la population, et les zones où les retours ne sont pas encore effectifs.

Dans tous les cas de figure, la crise du Pool a sapé les moyens d’existence des déplacés et des résidents, et la conjoncture économique est défavorable. Tout cela participe à augmenter l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, en particulier pour les populations les plus vulnérables comme les femmes enceintes et allaitantes, les enfants de moins de 5 ans et les personnes âgées.

Populations déplacées à Mindouli, Département du Pool — Photo : PAM/Benoît Lognoné

Comment peut-on améliorer l’assistance selon toi ?

La coordination doit impérativement être renforcée. Les déplacés ont besoin d’une assistance multisectorielle intégrée et cela passe par la mise en place d’une base de données unique, fiable et disponible pour tous les intervenants humanitaires.

SCOPE permet la gestion de plusieurs interventions sectorielles de plusieurs partenaires sur une plateforme unique. Les données SCOPE permettent aux partenaires de se coordonner et d’assurer une transparence et une traçabilité.

Qu’est-ce qui te plait dans ton travail ?

Mon travail est une aventure extraordinaire. C’est un plaisir que de travailler sur des secteurs d’activités novateurs, comme les transferts monétaires, et surtout la plateforme numérique SCOPE. J’apprécie ce travail de partenariat renforcé avec les partenaires comme l’ONG Caritas mais aussi avec le Ministère des Affaires Sociales et de l’Action Humanitaire (MASAH).

Par exemple pour la mise en place du SCOPE, nous travaillons avec des agents du MASAH. Nous avons également impliqué les autorités locales telles que les Préfets, Sous-Préfets, Chefs de villages, Comités de déplacés et le personnel de l’ONG Caritas dans le processus de recrutement. La Directrice de l’Action Humanitaire du MASAH était d’ailleurs très impliquée puisqu’elle a passé 10 jours sur le terrain avec avec l’équipe d’enregistrement.

Mahamadou en compagnie des responsables des comités de déplacés à Loutété, Département de la Bouenza — Photo : PAM/Tiana Zafindrazaka

Quels sont les challenges auxquels tu es confronté ?

Dans les localités affectées, le besoin d’assistance concerne tout le monde, les populations déplacées comme les populations hôtes. Certaines d’entre elles étaient difficiles d’accès, comme Massangui et Moutélé dans le département de la Bouenza, ou encore Mbanza-Ndounga, Madzia, Missafou et Kindamba dans le département du Pool. Dans ces localités, tout le monde cherche à être enregistré. Il y également les distances et l’isolement des villages qui demandent 3 à 4 heures de temps de voyage dans des conditions difficiles.

Il y a aussi la question du téléchargement des données, surtout lorsqu’on doit changer de localité d’enregistrement. Cela nécessite une bonne connexion internet, ce qui n’est pas toujours évident ! Cela ralentit le processus et nous oblige parfois à parcourir des plusieurs dizaines de kilomètres pour avoir du réseau internet.

Le travail sur le terrain implique une certaine flexibilité sur le plan horaire. Il n’est d’ailleurs pas toujours aisé de faire sortir les équipes tous les jours dès 7h du matin.

Peux-tu nous expliquer pourquoi tu t’es engagé dans l’humanitaire ?

Depuis mes études supérieures, j’ai toujours rêvé d’être fonctionnaire international. Durant mes études universitaires, j’ai pris conscience qu’il était un devoir pour nous, les africains, d’être aussi des acteurs dans les actions de réponse humanitaire pour les populations africaines.

Je me sens utile en voyageant sur de grandes distances dans des pays en conflit ou en situation de post-conflit pour apporter de l’aide à ceux qui en ont le plus besoin.

Le fait de travailler dans un environnement multiculturel et d’être en contact avec les réalités de l’Afrique profonde a toujours été ce que je voulais.

Mahamadou en mission d’enregistrement des déplacés à Mont-Belo, Département de la Bouenza — Photo : PAM/Tiana Zafindrazaka

Tu sillonnes les départements du Pool et de la Bouenza depuis plusieurs semaines, tu as sûrement une anecdote à nous raconter ?

Je parlerai de cette femme à Kimouanda qui disait avoir 80 ans avec insistance alors que tout le monde lui donnait à peine 35 ans. C’était un peu le côté marrant de l’histoire. Mais ce qui m’a le plus frappé c’est de voir des personnes quitter leurs lits d’hôpital pour venir se faire enregistrer et être sûres d’être sur les listes. A Nkayi, un monsieur a été sujet à une crise de paludisme pendant qu’on l’enregistrait. Il a été évacué en urgence à l’hôpital par un des véhicules du PAM.

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